dimanche 26 juillet 2020

Une longevité exceptionnelle au XIXe siècle

Aujourd'hui, il est relativement courant de croiser des personnes âgées de plus de 90 ans. Au XIXe siècle, il était beaucoup plus rare de dépasser cet âge. Sur la base de mes propres recherches généalogiques, si on trouve fréquemment des personnes qui dépassaient les 80 ans, il semblait y avoir une limite difficilement dépassable au-delà.

Sur les presque 5500 personnes de ma généalogie dont je connais l'âge au décès, 332 ont dépassé les 90 ans. Si je retire toutes celles qui sont décédées au XXe ou XXIe siècle, il n'y a plus que 12 personnes qui sont mortes à plus de 90 ans au XVIIIe ou au XIXe siècle. Aujourd'hui, je voudrais m'intéresser plus particulièrement à l'une d'entre elles, Magdeleine Gentillon, née aux Gentillons, à Bénévent-et-Charbillac (Hautes-Alpes) le 18 prairial an VIII (7 juin 1800) et décédée au Chanet, à Saint-Julien-en-Champsaur le 24 avril 1897 à presque 97 ans.

Saint-Julien-en-Champsaur (Hautes-Alpes), où Magdeleine Gentillon, ép. Jean Arnaud a passé 75 ans et demi de sa vie, de son mariage en octobre 1821 jusqu'à son décès en mars 1897.
Si cette longévité est déjà en soi remarquable pour l'époque, il y a une différence majeure avec ce qui se passe aujourd'hui. En effet, de nos jours, lorsque quelqu'un meurt à plus de 90 ans, tous ou presque tous ses descendants sont encore vivants, hormis les accidents de la vie. L'allongement de l'espérance de vie concerne presque tout le monde. En revanche, à cette époque, cette longévité était une particularité individuelle au milieu d'une population qui était soumise à une mortalité beaucoup plus grande. Un seul chiffre permet de me faire comprendre. Sur les 33 descendants (enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants) de Magdeleine Gentillon, nés avant son décès, 18 étaient déjà morts avant elle, soit un peu plus de la moitié. Si on regarde par génération, c'est encore plus spectaculaire.

Magdeleine Gentillon s'est mariée à 21 ans avec Jean Arnaud, un ancien étudiant ecclésiastique, revenu au Chanet exploiter le domaine familial. Ils ont eu huit enfants, dont un n'a vécu que quelques jours. Une fille, Félicité, est morte à l'âge de 6 ans.  Leurs six enfants qui ont atteint l'âge adulte sont Jean, instituteur à Saint-Etienne-le-Laus, François, huissier, à Constantine (Algérie), Anselme, maréchal-ferrant, à Mascara (Algérie), Rosalie, épouse Jean Ariey-Bonnet, la seule qui soit restée à Saint-Julien-en-Champsaur, Sophie, religieuse et institutrice à Saint-Clément-sur-Durance et enfin Clémence, religieuse à Gap. De ces six enfants, seule Clémence a survécu à sa mère. Autrement dit, Magdeleine Gentillon a vu mourir cinq de ses six enfants. Aucun n'a d'ailleurs hérité de sa longévité. Celui qui est mort le plus âgé est son fils aîné Jean, décédé à 73 ans.

A la génération suivante, elle a eu 17 petits-enfants qui sont tous nés avant son décès. Elle en a vu mourir 7, dont 3 en bas âge.

Elle avait d'ailleurs perdu son mari jeune, décédé en 1853 à 58 ans. Elle lui a donc survécu presque 45 ans. Comme on l'a vu, ses enfants se sont dispersés. Seule sa fille Rosalie est restée dans la maison familiale et c'est son mari, Jean Ariey-Bonnet, de Saint-Jean-Saint-Nicolas, qui est venu en gendre pour assurer l'exploitation du domaine. Comme son épouse, il est décédé avant sa belle-mère, de telle sorte que Magdeleine Gentillon a continué à vivre avec son petit-fils Alphonse Ariey-Bonnet et son épouse. C'est d'ailleurs ce dernier qui est allé déclarer le décès de sa grand-mère à la mairie. Un mois avant son décès, elle avait été sollicitée pour donner son consentement au mariage de son petit-fils Cyrille Ariey-Bonnet, puisqu'elle était le seul ascendant vivant. Elle ne s'est pas rendue à la mairie. C'est le notaire qui est venu chez elle recueillir son consentement.

Une Champsaurine et son petit-fils : une image qui pourrait être celle de Magdeleine Gentillon

Comme on l'a vu, à la différence de certaines familles où la longévité est un héritage familial, il semble, dans son cas, qu'il ne s'agisse que d'une caractéristique personnelle. Sa mère Marie Boeuf est morte à l'âge de 64 ans. Son père a tout de même atteint l'âge de 84 ans. Son oncle, Calude Gentillon, curé de Molines-en-Champsaur, est mort à 85 ans. Autre fait notable dans son ascendance, ses grands- parents maternels, Georges Boeuf et Anne Reynier, décédés respectivement à 83 et 80 ans, ont pu fêter leurs 60 ans de mariage, situation probablement assez exceptionnelle à l'époque. Quant à ses frères et sœurs, ils sont décédés entre 42 ans et 82 ans. Son frère Jean Gentillon, rentier et ancien marchand de cuirs à Saint-Bonnet-en-Champsaur, est mort à 81 ans et sa sœur, Marie Gentillon, épouse Aubert, de Molines-en-Champsaur, a atteint les 82 ans. Ces quelques longévités confortent ce que je disais en début de message sur la relative fréquence des décès après 80 ans et guère au-delà. Magdeleine Gentillon garde sa particularité.

Lien vers la généalogie de Magdeleine Gentillon, ép. Jean Arnaud : cliquez-ici.
Lien de parenté avec Magdeleine Gentillon : cliquez-ici.