mardi 12 mai 2020

La famille Sommier, de Langres

Poursuivant l’objectif que je me suis donné de faire la généalogie descendante la plus complète possible des 32 couples d’ancêtres de la 7e génération, j’ai terminé et mis au propre une famille qui est, par beaucoup de points, l’exact opposé de la famille Bardin que j’ai traitée récemment (famille Bardin de Charavines). Il s’agit de la famille Sommier, de Langres, dans la Haute-Marne à laquelle nous somme rattachés par Louise Sommier (1803-1834) [51] l’arrière-grand-mère de notre grand-père André Magron.

Vue aérienne de Langres
Le premier point qui distingue ces deux familles est la place qu’elles tiennent chacune dans notre mémoire familiale. L’une, les Bardin, reste très présente. L’autre a complètement disparu de la mémoire familiale, jusqu’à ce que je l’exhume lors de mes recherches. Cet oubli est partagé par toutes les autres familles qui composent l’ascendance de notre grand-père André Magron, que ce soit les Magron eux-mêmes, les Prodhon, les Mathieu, et, pour la branche maternelle, les Duthu, les Cornemillot, les Poirier et les Genty. Il y a probablement là un attachement moindre à l’histoire familiale et, même si le terme est un peu fort, une absence de « culte des ancêtres ». C’est aussi comme cela qu’il faut comprendre la disparition presque complète, lorsqu’elles ont existé, des tombes familiales. J’avais fait un bilan des tombes subsistantes dans la famille, et, dans cette ascendance, c’est là qu’elles sont le plus absentes.

Avant de voir les autres caractéristiques de cette famille, et donc les différences avec les Bardin, présentons en rapidement l’historique.

Le premier Sommier connu est Jean, né le 10 novembre 1666 à Langres, une petite ville de la Haute-Marne à une centaine de km au nord de Dijon. Cette ville aujourd’hui un peu endormie, enserrée dans ses remparts, était une cité dynamique, siège d’un évêché, pourvu de nombreux collèges. C’était une ville commerçante sur la route qui relie le nord de l’Europe et le Sud, par Reims et la Champagne, et porte d’entrée de l’est de la France. Elle a gardé un riche patrimoine architectural, avec quelques belles maisons de la Renaissance.

Maison Renaissance de Langres
Langres est la patrie de Denis Diderot, qui y est né le 5 octobre 1713, fils d’un maître coutelier. Ce que l’on peut lire des origines de Diderot éclaire parfaitement le monde de la famille Sommier :
Denis Diderot naît à Langres, dans une famille bourgeoise le 5 octobre 1713 et est baptisé le lendemain en l'église Saint-Pierre-Saint-Paul de Langres, la cathédrale étant réservée aux baptêmes de nobles.
Ses parents mariés en 1712 eurent six enfants dont seulement quatre atteignirent l'âge adulte. Son père Didier Diderot (1675-1759), maître coutelier, était réputé pour ses instruments chirurgicaux, scalpels et lancettes notamment. Son grand-père Denis Diderot (1654-1726), coutelier et fils de coutelier, s'était marié en 1679 à Nicole Beligné (1655-1692), de la célèbre maison de coutellerie Beligné. Sa mère Angélique Vigneron (1677-1748) était la fille d'un maître tanneur.
Diderot était l'aîné de cette fratrie dont chaque membre tint un rôle important dans la vie de l'écrivain. Angélique (1720-1749), ursuline, mourut jeune (et folle) au couvent et inspira en partie La Religieuse ; Didier-Pierre (1722-1787) embrassera la carrière ecclésiastique et sera chanoine de la cathédrale de Langres. Les relations entre les deux frères seront toujours conflictuelles, au-delà même du décès de Denis. Denise (1715-1797), enfin, également restée au pays, sera le lien permanent et discret entre Diderot et sa région natale.
De 1723 à 1728, Denis suit les cours du collège jésuite, proche de sa maison natale. À douze ans (1725), ses parents envisagent pour lui la prêtrise et, le 22 août 1726, il reçoit la tonsure de l'évêque de Langres et prend le titre d'abbé dont il a la tenue. Il doit succéder à son oncle chanoine à Langres, mais sa mort prématurée sans testament ne peut faire bénéficier son neveu de sa prébende.
Denis Diderot, par Car von Loo (1767).
Si Diderot appartenait à une famille de couteliers, les Sommier étaient une famille de chapeliers. On retrouve le même univers de maîtres artisans, qui pouvaient vivre presque bourgeoisement de leur état et donner à leurs enfants une éducation soignée. Notre premier ancêtre, Jean Sommier, était chapelier. Son fils Antoine, chapelier, a épousé la fille d’un maître serrurier. A la génération suivante, Pierre Sommier, aussi chapelier, a épousé la fille d’un coutelier. Il avait un frère, Pierre Antoine Sommier, prêtre à Langres. C’est à la génération suivante que commence mon étude généalogique complète.

Didier Marie Sommier naît à Langres le 3 avril 1769. Fils de chapelier, il fait des études qui le destine à la prêtrise. Il est bachelier-ès-lettres et il reçoit la tonsure en 1787, qui était une première étape dans l’entrée dans l’état ecclésiastique. Peut-être était-il destiné à succéder à son oncle dans quelque privilège ecclésiastique, mais nous ne le savons pas. On voit tout de même la similitude de parcours avec Denis Diderot. Il ne s’agit pas de vouloir comparer à tout prix les destinées pour nous relier à une personnalité prestigieuse. Il faut plutôt comprendre que le parcours de notre ancêtre Didier Sommier a été similaire à celui de beaucoup de fils de familles d’artisans langrois. C’est la Révolution qui viendra perturber la destinée de notre ancêtre, qui ne sera jamais ordonné prêtre et, au moment le plus fort des persécutions religieuses, sera mis sur la liste des suspects, comme son oncle, le 11 juillet 1793. Il aurait été arrêté, mais, comme beaucoup, il a été « sauvé » par la chute de Robespierre.


Église Saint-Martin, de Langres, où a été baptisé Didier Marie Sommier
le 3 avril 1769, quelques heures après sa naissance.

Pour vivre, il s’est fait chapelier, comme son père et ses ancêtres. Le 13 floréal an VI (2 mai 1798), à presque 30 ans, il épouse Marie Claude Tresse, âgée de 17 ans, fille d’un boulanger, Simon Tresse. Didier Sommier et Marie Claude Tresse ont eu 9 enfants entre 1799 et 1817, dont seulement 5 vécurent. Si au niveau de la première génération, il n’y a pas beaucoup d’écart avec la famille Bardin (9 enfants contre 10 enfants pour les Bardin), la rupture se fait nettement aux générations suivantes (je mets entre parenthèses les chiffres de la famille Bardin) :
  • Enfants : 9, dont 5 qui vécurent et eurent une descendance (10, dont tous vécurent, mais seulement 5 qui ont eu une descendance).
  • Petits-enfants : 8 (30).
  • Arrière-petits-enfants : 11 (72).
  • Arrière-arrière- petits-enfants (génération de notre grand-père André Magron) : 24 (92).

On perçoit immédiatement qu’il y a eu un changement de comportement sur le nombre d’enfants qui marque une rupture entre la génération des parents et celles des enfants et des petits-enfants. Clairement, il y a eu une volonté de maîtriser son nombre d’enfants, de génération en génération.

L’autre différence majeure est la dispersion géographique. Rappelons que 80 des 92 arrière-arrière- petits-enfants Bardin sont nés dans l’Isère, dont les deux tiers à Charavines et les alentours. Où sont né les 24 arrière-arrière-petits-enfants de Didier Sommier et Marie Claude Tresse ?
  • Paris : 3
  • Dijon : 3
  • Vosges : 2
  • Roubaix : 1
  • Divers lieux en France : 3 (Finistère, Calvados, Meuse).
  • Vietnam : 10
  • Ukraine : 2
Comme on le voit, une dispersion particulièrement importante. Et surtout, plus aucun descendant à Langres et dans les environs. Je détaillerai plus loin les différentes branches, ce qui expliquera en particulier les 10 naissances au Vietnam
 
Un autre indicateur de l’absence totale d’enracinement dans un terroir est que, dès le milieu du XIXe siècle, la descendance de ce couple n’est plus représentée à Langres que par un petit-fils, Edouard, et sa fille Isabelle. Avec le décès de cette dernière en 1919, s’éteint le dernier représentant à Langres de la descendance de Didier Sommier et Marie Claude Tresse.

Didier Sommier, qui s’est fait chapelier sous la Révolution, a attendu des jours meilleurs pour pouvoir mettre à profit son éducation. C’est ainsi qu’on le retrouve comme instituteur à Langres, en 1807 et 1808, puis professeur au collège de Saint-Dizier (une commune de la Haute-Marne au nord de Langres) en 1810. En 1820, il dira lui-même qu'il est un « ancien professeur de l'université. » Il y a un Didier Sommier, professeur de Mathématiques au collège de Vesoul, en 1812. Est-ce lui ?
 
En 1816, il s’installe comme libraire à Langres. Il obtient un brevet pour exercer ce métier le 4 juillet 1820, conjointement avec son fils Rémy Jules, sous la dénomination commerciale Sommier père et fils. En 1825, il obtient la place de greffier du tribunal civil de Langres. Il laisse alors la librairie à son fils Rémy Jules. Quand ce dernier obtient à son tour la place de commis-greffier, avec son père, vers 1826, c'est leur fils et frère Théodore Sommier qui prend la suite de la librairie, pour lequel il obtient un brevet le 10 avril 1827.
Didier Sommier est greffier en chef du tribunal civil de Langres de janvier 1825 jusqu’à sa démission le 10 mai 1828, au profit de son fils Rémy Jules.
Il décède peu de temps après, à son domicile de la rue Vernelle, à Langres, le 11 mai 1829 à 60 ans.


Lettre de demande de brevet de libraire, adressée au préfet de la Haute-Marne,
le 20 juin 1820, par Sommier père (signature de droite) et fils (signature de gauche).
Son épouse Marie Claude Tresse lui survit, mais, on apprend par un jugement intervenu en juillet 1829, quelques mois après le décès de son mari, qu’elle est « interdite de la gestion et administration de sa personne et de ses biens » et qu’elle est internée à l’asile départemental de Saint-Dizier. Elle y est morte quelques années plus tard, le 7 octobre 1833, à 53 ans. Cette aliénation mentale doit être héréditaire car sa fille et un de ses petit-fils sont tous les deux décédés dans des asiles d’aliénés. Je lui ai consacré un billet il y a maintenant presque 10 ans ! : cliquez-ici.

Le destin des 5 enfants du couple Didier Sommier et Marie Claude Tresse est représentatif de la mobilité sociale et géographique de certaines familles au XIXe siècle. Il faut garder à l’esprit que Langres, qui, après la Révolution, n’était plus qu’une sous-préfecture et avait perdu le siège du diocèse, est entrée peu en peu en décadence n’offrant plus à ses habitants, surtout les plus ambitieux ou les plus entreprenants, d’opportunités d’évolutions sociales.

Rémy Jules Sommier (1800-1863)

Ainé des enfants de Didier Sommier et Marie Claude Tresse, il fait des études « jusqu'à la Rhétorique et les Mathématiques inclusivement ». Il est d’abord associé très jeune comme libraire avec son père. Il obtient un brevet pour exercer cette profession en juillet 1820, à 20 ans. Comme le disait un de ses confrères libraires, Rémy Jules Sommier, « n’attendait plus que sa majorité pour obtenir la place de commis-greffier près le même tribunal ». Il obtient cette place en 1825, laissant la librairie à son frère Théodore. Suite à la démission de son père, il devient le greffier en chef du Tribunal civil de Langres, en avril 1828. Il tiendra ce poste au moins jusqu’en 1836. Il part ensuite à Paris avec sa famille, où il est contrôleur au Chemin de fer. Il y est décédé en 1863.


De son mariage avec Adèle Descharmes, fille d’un avoué de Langres, il n’a qu’un seul fils, Marie Camille, né en 1830, qui se destine au professorat. Licencié ès-sciences mathématiques, il est d’abord maître-répétiteur au lycée Louis le Grand à Paris, (1851-1858), puis professeur de mathématiques aux lycées de La Rochelle et de Sens (1858-1872). Il se marie dans cette dernière ville, où naît son unique enfant, une fille, Jeanne Sommier, en 1866. Il est ensuite censeur des études aux lycées de Nevers et d'Orléans (1872-1875), proviseur des lycées de la Roche-sur-Yon, Valenciennes, Limoges et Orléans (1875-1885), avant de pouvoir revenir à Paris, d’abord comme censeur au lycée Lakanal, à Sceaux (1885-1887), puis censeur au collège Rollin [Lycée Jacques-Descours, Paris] de 1887 jusqu'à sa retraite vers 1893. Pour cette belle carrière administrative, il obtient la légion d’honneur le 13 juillet 1890. Il finit sa vie à Sens, dans la maison familiale de son épouse.


Collège Rollin, avenue Trudaine, Paris

La seule fille de Camille Sommier, Jeanne Sommier (1866-1939) a épousé un fabricant de broderies parisien, Jacques Banès. Ils appartiennent à la bourgeoisie parisienne, dont les noms apparaissant dans les carnets mondains des journaux ou dans le Bottin Mondain. Leur descendance est représentée aujourd’hui, toujours à Paris, par une famille Templier.

Louise Sommier (1803-1834) [51]

Notre ancêtre s’est mariée en 1829 avec Gabriel Prodhon, un marchand épicier de Langres. Après avoir eu deux filles, Céline, le 12 août 1831, et Julie Adèle, en 1833, elle meurt jeune, le 24 octobre 1834, à 31 ans. Sa fille Céline, demoiselle de magasin à Langres, épouse en 1866 Jules Magron, un prospère marchand épicier de Prauthoy, à une vingtaine de km au sud de Langres. Ayant perdu sa mère jeune, Céline Prodhon a surtout été élevée par la seconde épouse de son père, Adèle François (1809-1899). Cela peut aussi expliquer le peu de lien avec la famille Sommier, déjà bien dispersée. Un signe qui ne trompe pas est qu’aucun membre de cette famille Sommier n’apparaît dans des actes d’état-civil des familles Prodhon ou Magron, comme témoins. C’est souvent une façon de marquer les liens familiaux que d’inviter un cousin ou un oncle à être témoin au mariage de sa nièce ou de sa cousine.

Théodore Sommier (1805-1861)

Comme on l’a vu, c’est lui qui succède à son père et à son frère Rémy Jules comme libraire, dès 1826, lorsque ce dernier devient commis-greffier du Tribunal civil de Langres. Sur trois générations, Théodore, puis son fils Edouard (1827-1894) et enfin sa petite-fille Isabelle (1854-1919) ont été libraires à Langres. De toutes les branches, c’est celle qui a gardé le plus longtemps un enracinement dans la ville de leurs ancêtres, en assurant pendant cent ans l’existence de la librairie Sommier.
Sur les anciennes cartes postales de la place Ziegler, anciennement place de la Loge, on voit la librairie Sommier, entre un marchand de cycles et un pharmacien, Sommelet, auquel nous sommes aussi apparentés par les Magron. A cet emplacement, il y a encore une maison de la Presse, lointain successeur de la librairie des dames Sommier.


Librairie Sommier, place Ziegler, à Langres.
Comme souvent au XIXe siècle, les libraires étaitent aussi éditeurs. C’est ainsi que l’on trouve le nom de Théodore Sommier au bas de la page de titre de ces Recherches historiques et statistiques sur les principales communes de l'arrondissement de Langres, paru anonymement en 1836.




En plus de ce livre, on ne trouve que trois autres titres publiés dans ces mêmes années par lui, dont des Considérations philosophiques sur le suffrage universel, par un véritable ami du peuple, en 1849.

Théodore Sommier a épousé Louise Dupré, d’une autre famille de chapeliers à Langres, dont plusieurs membres s’étaient déjà mariés avec des Sommier. Ils étaient cousins-issus-de-germain. Ils ont eu deux fils, Edouard, le fils aîné qui succéde à son père come libraire, comme nous venons de voir, et Émile, né en 1833, qui s’est engagé dès 18 ans dans l’armée, en novembre 1851. Après 14 ans de carrière militaire, il est entré dans l’administration du Ministère de la Guerre, à Paris (ce que nous appellerions aujourd’hui le Ministère de la Défense). Il a gravi peu à peu les échelons de l’administration depuis commis ordinaire, puis commis principal et enfin sous-chef du bureau, en charge des fonds et ordonnances. Là aussi, cette belle carrière militaire et administrative est récompensée par la légion d’honneur le 29 décembre 1887. Il se marie tardivement, en 1888, avec une femme divorcée de 48 ans, dont le précédent mari s’est volatilisé (chose qui arrivait assez souvent en ces époques). Il termine sa vie à Pacy-sur-Eure, en Normandie, en 1897. Il n’a pas eu d’enfant.

Cette branche Théodore Sommier s’est donc éteinte avec le décès d’Isabelle Sommier, à Langres en 1919.

Gabrielle Sommier (1808-1850).

Gabrielle Sommier est la seule fille du couple Didier Sommier et Marie Claude Tresse et, apparemment, le seul enfant qui a hérité des problèmes mentaux de la mère. Je dis apparemment, car il peut très bien y en avoir eu d’autres, qui sont restés cachés dans le secret des familles. Cette famille illustre bien ces histoires familiales qui voient certaine branche perdre en statut social et, dans le cas présent, se terminer en branche morte, s’éloignant ainsi de cette ambition d’honnête aisance et de statut social respectable qui était alors l’horizon indépassable des familles de la petite bourgeoisie provinciale dont faisaient partie les Sommier. Ce sont probablement des accidents de la vie qui expliquent cela. A travers les sources dont on dispose, on les pressent, à défaut d’avoir toujours des informations précises.

Comme ses frères, Gabrielle Sommier s’est mariée dans son milieu, avec Jules Petitot, un huissier de Langres, fils d’huissier. Comme ses frères, son mari et elle ont limité le nombre d’enfants, avec une fille Adélaïde, en 1833, et un fils, Henry, en 1835. En 1846, cette petite famille bourgeoise est recensée dans une des rues principales de Langres, la Grande-Rue, aujourd’hui rue Cardinal Morlot. Mais, tout se dérègle. En octobre 1849, la fille décède à l’âge de 16 ans. Quelques mois plus tard, en août 1850, la mère meurt à l’asile départemental de Saint-Dizier, comme sa propre mère. Elle a 41 ans. Le mari et son fils partent à Paris, puisque dès 1851, on ne les retrouve plus à Langres. S’est-il passé quelque chose pour qu’ils quittent ainsi Langres ? Jules Petitot ouvre à Paris un « bureau d’écritures, cabinet d’affaires, etc. » comme le précise cette annonce dans un annuaire parisien. Il décède en 1867 à l’hôpital Saint-Louis. Il habite alors boulevard de Belleville, un quartier populaire de Paris. Il est qualifié de comptable.


Almanach des 40.000 adresses, 1864.
La rue d'Allemagne est aujourd'hui l'avenue Jean-Jaurès,
dans le 19e arr. de Paris.

Leur fils unique, Henry Petitot, est sergent de ville, lorsqu’il se marie avec une lingère en 1871. Il ne semble pas avoir eu d’enfants. On retrouve sa trace bien longtemps après, en 1912, lorsqu’il meurt à l’asile d’aliénés d’Yzeure dans l’Allier, où, comme le dit son acte de décès, il a été « déposé provisoirement ». Il a hérité de l’aliénation mentale de sa mère et de sa grand-mère. Il vit avec son épouse rue du Faubourg Saint-Denis et, malgré son âge déjà avancé – il a 76 ans – il est garçon de magasin. Son épouse lui survit et décède à 89 ans, en 1923, dans un hospice de vieillards tenu par les Petite Sœurs des Pauvres, dans le 10e arrondissement de Paris, rue Philippe-de-Girard.

A cette même date, en 1923, la fille d’un cousin-germain de son mari, Jeanne Sommier, veuve Banès, vit rue Saint-Honoré, avec ses deux enfants, avant de déménager quelques années plus tard avenue de l’Opéra, puis boulevard Malesherbes, toutes des adresses de prestige à Paris.

Paul Sommier (1817-1849).

C’est le dernier fils de la famille, qui illustre là-aussi un autre type de destinée familiale, faite de voyages et de destinations lointaines, sur fond d’aventure coloniale française. C’est le petit dernier, né neuf ans après sa sœur Gabrielle. Il a 11 ans lorsque son père meurt. Sa mère est alors déjà internée à Saint-Dizier. On peu imaginer que c’est un de ses frères ou sa sœur qui ont pris soin de lui. Destinée de cadet de famille, il s’engage dans une carrière militaire. En 1837, il est élève à l'École de cavalerie de Saumur, le fameux Cadre Noir. On le retrouve en 1848 comme commis, autrement dit employé, au bureau de l’Intendance militaire d’Oran. C’est l’époque où la France renforce sa présence en Algérie par la mise en place d’une administration, offrant de nombreux débouchés aux jeunes gens ambitieux et un peu aventureux. Comment a-t-il rencontré Angeline Marchi ? C’est un mystère. Toujours est-il qu’il l’épouse à Bastia, en septembre 1848. Le père de l’épouse est percepteur des contributions directes et receveur de l’hospice civil de Bastia. Un ancien maire de Bastia, Antoine Sébastien Lazarotti, est témoin de la jeune fille.


Antoine Sébastien Lazarotti, ancien maire de Bastia de 1843 à 1848,
témoin d'Angeline Marchi, lors de son mariage avec Paul Sommier le 18 septembre 1848.

Le jeune couple retourne à Oran, où leur naît une fille, Marie Paul (il s’agit bien de Paul, le prénom masculin, et non de la forme féminine Paule). Paul Sommier meurt 3 mois après la naissance de sa fille, à 32 ans. Le lien avec le reste de la famille Sommier semblait déjà être distendu à cette époque-là. Avec le décès du mari et du père, Angeline Marchi, veuve Sommier, et sa fille Marie Paul Sommier vont vivre au sein de la communauté corse expatriée, essentiellement des militaires. C’est ainsi que Marie Paul Sommier épouse en 1871 un maréchal des logis de gendarmerie, Don Camille Paoli – nom corse s’il en ait – avec lequel elle ira d’affectation en affectation, dans l’Aube (1872), à Chartres (1875-1877), puis à Rodez (1878-1887), où Camille Paoli est alors lieutenant de gendarmerie et trésorier. Le 24 décembre 1887, le correspondant local de Rodez signale dans les journaux la disparition mystérieuse du lieutenant-trésorier de gendarmerie Paoli, le mercredi 21 décembre : « On a supposé encore que cet officier, d'un caractère triste et mélancolique, aurait été pris subitement de l'idée de mettre fin à ses jours et qu'il aurait réalisé son funeste projet dans les environs de Rodez. » Douze gendarmes sont envoyés à sa recherche. Le 24 décembre, vers deux heures de l’après-midi, il est « trouvé mort dans un champ près du hameau de Puech-Camp, commune d'Olemps ». Le correspondant rapporte : « Il s'était fait sauter la cervelle d'un coup de revolver. M. Paoli, que tout le monde estimait à Rodez, où il résidait depuis neuf ans, était un hypocondriaque. » Je pense que le journaliste voulait dire neurasthénique, ou, dans un langage plus moderne, dépressif.

Gendarmerie de Rodez, où vivait Don Camille Paoli, avec sa femme et ses trois enfants en 1887.
Les trois enfants du couple, Paul Paoli (1872-1946), Adrienne Paoli (1877-1955) et André Paoli (1887-1946) ont tous émigrés au Vietnam. Paul et André Paoli ont fait des carrières militaires, l’un finissant adjudant à la section des télégraphistes coloniaux, en 1908, et l’autre caporal d’Infanterie, en 1911. Aux termes de ces carrières militaires, ils ont intégré le corps des gardes forestier du Vietnam où ils ont fait tous les deux carrière, essentiellement autour de la ville de Vinh, dans la province actuelle de Nghê An.
Après sa mise à la retraite en 1933, Paul Paoli est resté comme planteur au Vietnam. On a trouvé mention d’une demande de concessions. Comme cela arrivait souvent, il s’est mis en ménage avec une fille vietnamienne – à l’époque, on parlait plutôt d’annamite – Thi Ba Nguyen, avec laquelle il a eu sept enfants, dont deux avant de se marier avec elle en 1912. Paul Paoli et son épouse sont décédés, semble-t-il assassinés avec une de leur fille Camille, lors de l’insurrection communiste d’Hanoï le 19 décembre 1946, qui a été une de premières manifestations qui ont conduit à la guerre d’Indochine.



Ben Thuy, près de Vihn, sur le fleuve Ca. Paul Paoli, garde des forêts de l’Indochine, vivait là en 1912 au moment de son mariage.
Le frère André, qui a eu trois enfants d’une russe épousée en Algérie, Olga Bogatyreff, et la sœur Adrienne, sont revenus en France, André Paoli semblant avoir eu une santé précaire. Le port d’attache de la famille en France se trouve sur la Côte d’Azur, entre Cannes, où est décédée Marie Paul Sommier en 1923, à 73 ans, Vence, Nice, Antibes, etc. Les 10 enfants Paoli nés au Vietnam ont probablement eu pour certains d’entre eux une descendance, mais je n’ai pas trouvé beaucoup d’informations.

Jeune femme annamite

Lien vers Didier Sommier et sa descendance : cliquez-ici.