mardi 24 mars 2020

Hippolyte Escalle et le sénateur Auguste Vagnat

Émile Roux-Parassac et Auguste Vagnat sont deux personnalités bien oubliées des Hautes-Alpes. Le premier a été surnommé le barde alpin. Né Émile Roux (Sisteron 22/5/1874 - Paris XIVe 28/7/1940), il prit le pseudonyme de Parassac du nom d'un hameau de la commune de Veynes, où il passa une partie de sa jeunesse. Il fut un écrivain prolixe, donnant dans tous les genres : poésies, romans, théâtre, etc. Il fut aussi un infatigable conférencier, ardent défenseur et promoteur de ses alpes natales.

Auguste Vagnat (Briançon 4/11/1851 - Paris Ve 23/12/1914) est un médecin issu d’une ancienne famille briançonnaise. Il exerça sa profession à Briançon, où il se distingua lors d'une grave épidémie locale. Sa conduite lui valut d'être nommé médecin du service départemental des Hautes-Alpes.
Conseiller municipal de Briançon, puis conseiller général de ce canton en 1885, Auguste Vagnat devint maire de Briançon en 1897. A ces titres divers, il prit une part active dans l'action des élus du département. S'intéressant à toutes les questions de sport, il fut également élu président de la section de Briançon du Club alpin français.
Il fut sénateur des Hautes-Alpes de 1900 jusqu’à son décès en 1914. Au Sénat, il siègea au groupe de la gauche démocratique. Républicain radical et protectionniste en économie sociale, il établit, dès son arrivée à la Haute Assemblée, un rapport remarqué sur l'hygiène, la salubrité des mines et la santé des travailleurs, puis d'autres sur le travail des enfants dans les établissements industriels, sur l'amnistie. Nommé secrétaire du Sénat en janvier 1909, il conserva ce poste jusqu'à la fin de l'année 1912.

Il existait un lien particulier entre notre arrière-grand-père Hippolyte Escalle et Auguste Vagnat. J’ai toujours pensé que celui-ci avait été le mentor en politique de notre arrière-grand-père qui a suivi ses traces d’abord comme maire de Briançon, puis comme conseiller général du canton de Briançon. Cela aurait pu aller jusqu’au Sénat, mais Hippolyte Escalle n’a pas été élu. Preuve de l’amitié qui existait entre les deux hommes, que onze ans séparaient, Auguste Vagnat est invité au Mas de Chaix au printemps 1902 lorsque les filles Escalle ont fait leur communion. Avec son physique très caractéristique, il apparaît sur cette belle photo de groupe que j’ai trouvée récemment :


Détail :


Auguste Vagnat est décédé pendant la première guerre mondiale à son domicile parisien du 4 rue de l’Abbé de l’Épée. Il a été inhumé provisoirement au cimetière de Bagneux, en banlieue parisienne. Mais sa place était à Briançon. C’est à ce moment qu’intervint notre arrière-grand-père qui œuvra non seulement pour que l'on ramène les restes d’Auguste Vagnat à Briançon, mais aussi pour que l’on élève un monument funéraire en son hommage. Ce monument se trouve aujourd’hui au cimetière de Briançon :


Le modèle en plâtre du médaillon en bronze portant le portrait d’Auguste Vagnat, sculpté par Jean Chorel se trouve au grenier, à Mas de Chaix.


Émile Roux-Parassac, toujours prompt à rendre hommage à un Haut-Alpin, lui consacre une petite plaquette parue en 1935 : Un grand alpin. Auguste Vagnat. 1851-1914., Gap, Éditions Louis Jean, 1935, in-8°, 64 pp., 4 planches hors-texte.


Parmi le tirage de 25 exemplaires sur beau papier, il en donne un à notre arrière-grand-père avec un envoi :


Dans ce texte, Émile Roux-Parassac rend plusieurs fois hommage à Hippolyte Escalle, dans le style souvent dithyrambique qui est le sien.

Dans le texte introductif :
Merci à tous ceux dont la collaboration, le souvenir et le concours permirent de mener à bien une œuvre chère à tous.
A vous d'abord, Hippolyte Escalle, modèle de la fervente amitié. Vous êtes l'artisan de la consécration de celui que vous avez tant apprécié, si justement estimé. A ses côtés ou le continuant vous avez partagé sa belle tâche à la Mairie, puis au Conseil Général, en vous inspirant de sa conduite. A son nom, les Alpes attachent le vôtre.
Un peu plus loin, il cite « l'admirable Hippolyte Escalle », l’« infatigable et excellent maire, M. Escalle » ou « les prodiges de dévouement d'Hippolyte Escalle ». Rappelons qu’Hippolyte Escalle a été maire de Briançon de 1910 à 1919. A ce titre, il dirigea la ville lors de la première guerre mondiale.  Émile Roux-Parassac, qui était très patriote et militariste, reproduit un discours prononcé par notre arrière-grand-père le 14 août 1914 lors du départ pour le front du 159e régiment d’infanterie stationné à Briançon :
Mon Colonel,
Au moment précis où votre beau régiment fait joyeusement le premier pas dans la direction où l'appelle le Grand Devoir, la population briançonnaise à laquelle il est uni par tant de liens étroits, d'estime et d'affection réciproques, la population briançonnaise, dis-je, a tenu à venir lui exprimer ses vœux les plus ardents, pour la réussite de la noble tâche à laquelle vous courrez tous avec tant d'ardent patriotisme et de sublime abnégation.
Croyez, mon Colonel, que nous suivrons pas à pas votre beau et vaillant régiment, partout où les circonstances le conduiront. Croyez que notre cœur vibrera à l’unisson de celui de ces braves soldats, qui, sous votre conduite, vont infliger à un ennemi aussi vil que cynique, la peine que méritent les fourbes traditionnels de notre belle France.
Nous avons mieux que l'espérance, nous avons la foi la plus absolue dans les destinées de notre chère Patrie et c'est dans cette assurance que nous saluons respectueusement le Drapeau du 159e et que, à vous, mon colonel, et à tous vos vaillants officiers, sous-officiers et soldats qui forment la famille qui part, nous adressons nos vœux de glorieux retour pour une Patrie, toujours plus belle, toujours plus forte et toujours plus noble.
Au revoir, mon Colonel, et avant de vous quitter, laissez-moi pousser le cri de : Vive la France ! Vive le 159e !
Émile Roux-Parassac conclut : « Cette allocution, si simple, si touchante, si pleine de grandeur et d'ardent patriotisme, de M. Escalle résume les sentiments de tous les Briançonnais et de tous les Alpins. Honneur donc à Briançon. »

Parmi les soldats qui partaient au front se trouvait le gendre d'Hippolyte Escalle, Ernest Deydier, qui perdit la vie quelques jours plus tard, le 1er septembre, au col de la Chipotte.

Après ces pages fort patriotes, Émile Roux-Parassac revient à Auguste Vagnat. Il rappelle d’abord que dès 1916, on donna son nom à une rue de Briançon :
En pleine guerre, le 5 février 1916, le Maire de Briançon, Escalle, proposait et faisait accepter, en premier hommage de pieux souvenir, le nom de Vagnat, à la rue, de toutes sa plus familière, celle qui mène de la Grande Gargouille au belvédère où chaque jour il s'attardait si volontiers.
Le rapport au Conseil Municipal comprend une brève notice et la suivante conclusion :
« Monsieur le Docteur Vagnat, dont les capacités professionnelles étaient hautement reconnues par tous, était surtout le médecin des pauvres. D'un dévouement hors de pair, il n'hésita jamais, quelles que fussent les conditions climatériques, à répondre à l'appel des familles ; d'un désintéressement absolu, il prodiguait ses soins à tous et particulièrement aux indigents que, bien souvent, il assistait encore de sa bourse.
« Toutes ces raisons firent que le Docteur Vagnat était universellement estimé, même par ses adversaires politiques.
« En honorant sa mémoire par l'attribution de son nom à une des rues de Briançon, le Conseil Municipal accomplit un pieux devoir, approuvé par l'unanimité de la population.
« Briançon, 5 février 1916.
« Le Maire : ESCALLE ».

Puis en 1926, le corps d’Auguste Vagnat est rapatrié à Briançon :
Deux fois, discrètement le sénateur Victor Bonniard, autre Alpin qui n'a pas sa part de gratitude, renouvela la concession. On attendit le moment propice. À Briançon, Hippolyte Escalle, dont l'amitié ne saurait être exprimée par des mots, impuissants à la louer ; à Paris, de même cœur, Louis Reynaud, Directeur du personnel à la Recette des Finances, Trésorier honoraire et ancien percepteur de Briançon, se préoccupent plusieurs années durant du transfert.
[...]
Fin mars, eut lieu l'exhumation. Par lettre à Louis Reynaud, du 8 avril 1926, Hippolyte Escalle, maire, s'exprimait ainsi :
« Mon cher ami,
« Je viens vous remercier bien sincèrement de toutes les démarches que vous avez bien voulu faire pour ramener dans sa terre natale la dépouille mortelle de notre regretté sénateur Vagnat.
« Nous avons pris le corps en gare le premier avril et l'avons déposé provisoirement en attendant de le faire inhumer dans une concession... ».
Et nous nous occupâmes du monument. Dès décembre 1914, en envoyant à Escalle une longue lettre, à peine apprise la pénible nouvelle, je proposai cet hommage, certain de l'approbation de celui qui fut et reste le modèle dans l'amitié.
Pour finir sur une note un peu plus légère, une caricature d’Auguste Vagnat par Eugène Tézier.


mercredi 18 mars 2020

Eugene Borden, un cousin à Hollywood

Un des charmes des recherches généalogiques est que c’est une source inépuisable de surprises. La dernière en date peut être résumée par cette photo où l’on reconnaît facilement Humphrey Bogart à droite.


Mais qui est donc l’homme qui lui fait face ? A l’exception des spécialistes très pointus des acteurs français à Hollywood, peu de personne sauraient y reconnaître Eugene Borden.

Là où l’affaire commence à nous intéresser, c’est lorsque nous apprenons qu’il s’appelle en réalité Eugène Élysée Prieur-Bardin. Et que c’est un cousin-issu-de-germain de notre grand-mère.
 
Au milieu du XIXe siècle, Élisée Bardin (1810-1866) [44] est un riche propriétaire cultivateur à Louisias, hameau de Charavines (Isère). De 1855 jusqu’à son décès, il est maire de la commune, comme l’a été son père Jean-Baptiste et comme le sera son cousin-germain Henri Rey qui lui succède. De son mariage avec Marie Lombard (1814-1889) [45], de Voiron, sont nés huit enfants, dont sept vivront. C’est en faisant la descendance de chacun de ces enfants que je suis arrivé jusqu’à Hollywood. Nous descendons du troisième fils, Marc Bardin (1845-1926) [22], marchand de domaines à Virieu, puis à Voiron. Le fils aîné, Eugène, dont tous les prénoms étaient Jean Baptiste Eugène, né en 1841, est parti travailler à Lyon comme employé dans des entreprises de soieries. Il a l’usage, comme son père et ses frères et sœur, de signer simplement Bardin. Néanmoins, pour l’état civil, il reste Prieur-Bardin. Son seul fils, Eugène, né en 1860 de sa relation avec Louise Mathieu, est enregistré sous ce nom de Prieur-Bardin et, plus tard, a préféré garder l’usage du nom double.

La famille Bardin se caractérise par un fort enracinement territorial. Les différentes branches de la famille restent dans un périmètre restreint autour de Charavines, jusqu’à nos jours pour certaines. Des esprits plus aventureux sont allés jusqu’à Grenoble, voire Lyon. Si l’on faisait une statistique sur la descendance d’Élisée Bardin et Marie Lombard, on arriverait à une proportion de probablement plus des trois-quarts des descendants qui sont restés dans un rayon de 20 km autour de Charavines.

Il y a cependant des exceptions dans toutes les familles. Le fils aîné Eugène Bardin s’est installé à Lyon, où il est mort en 1886, à Tassin-la-Demi-Lune. Son fils, Eugène, artiste-peintre, s’est d’abord installé à Alger où il s’est marié en 1891. Dès 1892, il est parti avec sa femme s’installer à … Constantinople. Pourquoi ? Je ne sais pas encore le dire. Eugène Prieur-Bardin y a développé une grande activité de peintre orientaliste. Si vous tapez Prieur-Bardin et Constantinople dans Google Image vous trouverez de très nombreux tableaux, signés Prieur-Bardin. En revanche, ils sont tous attribués à François-Léon Prieur-Bardin. Il y a là un sujet d’attribution à creuser, mais ce n’est pas mon propos dans ce billet.

Eugène Prieur-Bardin, le peintre, et son épouse Luce Vercelli ont eu trois enfants à Constantinople, dont un garçon né le 21 mars 1897, prénommé Eugène Élysée, soit les prénoms de son père et de son grand-père. Le prénom d’usage est Eugène. Son acte de naissance ne laisse aucun doute qu’il est bien né dans cette ville, et non à Paris comme on le voit écrit partout.



Vers 1901, la famille Prieur-Bardin revient s’installer à Marseille où Eugène Prieur-Bardin meurt le 27 juin 1905 à l’âge de 44 ans. Il laisse une veuve avec deux jeunes enfants, Jeanne, âgée de 13 ans et Eugène, âgé de 8 ans. La famille a vécu entre Marseille et Alger (en 1918, Luce Vercelli, veuve Prieur-Bardin habite 12 rue de Constantine, à Alger). C’est de Marseille qu’Eugène Prieur-Bardin s’embarque sur le navire Patria, de la compagnie Cyprien Fabre & Cie, qui assure les liaisons avec les États-Unis (cliquez-ici). Il arrive à New-York le 17 septembre 1914. Il a 17 ans et demi. Sa vie est désormais américaine.

Le Patria, en 1914
Grâce aux documents mis à disposition sur le site généalogique des Mormons (FamilySearch), nous pouvons suivre sa vie. Il vit d’abord à New-York, où il travaille pour le théâtre. Dès le mois d’avril 1917, il déclare son intention de devenir américain. Il n’a pas 20 ans. Il signe encore Eugene Prieur-Bardin. 


En juin 1918, il est recensé par l’armée américaine. Il travaille alors pour Holbrook Blinn, un acteur de théâtre américain. Comme "place of employment", il donne le Shubert Theater, près de Times Square. Il a maintenant choisi de s’appeler Eugene Borden. Il signe ce document avec ce nouveau nom. Il a gardé son prénom qui existe en anglais. Il n'y a évidemment pas d'accent.


Il est facile de comprendre que Prieur-Bardin est un nom difficile à prononcer en anglais et sûrement encore plus difficile à retenir. C’est un handicap lorsqu’on veut se faire un nom dans le théâtre. Borden était le nom existant le plus proche de la prononciation américaine de Bardin. Le changement de patronyme ne sera officiel qu’en décembre 1935, devant la Southern District Court de Los Angeles.

Peut-être est-ce lui à se débuts ?
Les films cités n'apparaissent pas dans les filmographies que j'ai trouvées.
Il existe plusieurs Eugene Borden actifs à cette époque.

Eugene Borden a été acteur de théâtre, puis de cinéma muet et enfin de cinéma parlant. La liste que donne sa notice Wikipédia en anglais (cliquez-ici) contient 172 films entre 1917 et 1966. Sur le site IMDb, très complet, il y a 226 entrées (cliquez-ici), dont un très grand nombre d'apparitions non créditées au générique. Il a souvent été employé pour incarner des personnages de Français. Il apparaît dans Casablanca comme gendarme français (non crédité) ou dans All about Eve (Titre français : Eve), comme « Frenchman ». Son apparition dans Casablanca est très fugace. En revanche, dans Eve, il donne la réplique, en français, à Bette Davis. On le reconnaît bien. J'ai extrait du film les quelques secondes de cette scène :



Parmi les autres grands films où il est apparu, j’ai noté An American in Paris (titre français : Un Américain à Paris) où il est Georges Mathieu (c’est probablement un hasard, mais c’est le nom de jeune fille de sa grand-mère) ou To Have And Have Not (titre français : Le Port de l'angoisse), avec Humphrey Bogart, Lauren Bacall et l’acteur français Marcel Dalio. L'image en tête de ce billet est extraite de ce film. Il n’est pas crédité au générique, ce qui est le cas pour de très nombreux films dans lesquels il a joué. Dans celui-ci, il est un anonyme « quartermaster ». Pour ceux qui veulent le découvrir, j’ai trouvé ce film sur Youtube dans lequel il joue un des rôles principaux : So Dark the Night, sorti au États-Unis en octobre 1946. Le film est censé se dérouler en France. Eugene Borden joue Pierre Michaud, le patron de l’auberge.



Je ne sais pas si ce film mérite d'être encore vu. J'ai identifié les principales scènes dans lesquelles il apparaît. Ce sont (les références sont données en temps) : 7:40 – 8:13 (il parle un peu français), 9:42 – 10:19, 23:30 – 24:13, 26:18 – 27:18, 29:41 – 30:10, 47:06 – 49:54 et 1:06:08 – 1:08:00.

On peut noter son fort accent français lorsqu'il parle anglais, alors que cela fait plus de 30 ans qu’il vit aux États-Unis. Est-ce son accent habituel ou l'a-t-il renforcé pour ce film qui se passe en France ? On comprend probablement la raison pour laquelle il est resté cantonné aux rôles de Français.

Il est aussi intervenu dans des émissions de télévisons dans les années 1950 et 1960.  Toute la carrière d’Eugene Borden est décrite précisément dans la notice Wikipédia qui lui est consacrée (je mets la notice en anglais qui est la plus complète) : Eugene Borden.

Quant à sa vie privée, les documents que j’ai trouvés permettent de dire :


Il s'est marié une première fois le 25 avril 1918 à Manhattan avec Gilberte Savage, une jeune fille de 20 ans. Il a lui-même tout juste 21 ans. Il est probable qu'il s'agisse de Gilberte Sauvage, une Française arrivée comme bonne ("maid") aux Etats-Unis à 16 ans, en décembre 1913. Elle est décédée rapidement car dès 1920, Eugène Prieur-Bardin est qualifié de veuf.

Il est recensé en 1920 à New-York, dans un hôtel de Manhattan. Son métier est "actor" et, comme on vient de le voir, il est veuf.


Il se marie pour la deuxième fois le 22 février 1920 avec Sybil (ou Sibyl) Sanderson Fagan.



Des quatre épouses d'Eugene Borden, c'est la plus connue et celle pour laquelle on trouve le plus d'informations. C'est une musicienne qui s'est fait connaître comme siffleuse. Dans ce domaine assez particulier de la musique, visiblement en vogue à cette époque, elle a été active de 1916 jusqu'à la fin des année 1920. Il ne faut pas la confondre avec la cantatrice Sibyl Sanderson. Elle a une discographie impressionnante (cliquez-ici). On peut la découvrir dans cet enregistrement en ligne : 


 

Visiblement, ils n'ont pas sifflé longtemps ensemble. Une information surprenante parue dans The Richmond Palladium and Sun Telegram, du 8 juillet 1920 nous apprend que Sybil Fagan demande le divorce seulement quelques mois après leur mariage. Elle l'accuse d'avoir été sous l'influence d'une drogue qu'Eugene B. Bardin aurait mise dans son thé lors du repas qui a précédé la cérémonie.



Dans ce petit article, Eugene B. Bardin, comme il est appelé, est non seulement acteur, mais aussi "playwright", c'est-à-dire dramaturge ou, autrement dit, auteur de pièces de théâtre. C'est la seule mention que j'ai trouvée de cette activité.
 
Je ne sais pas si cette accusation a été retenue, mais, un an après, un petit entrefilet dans le New York Clipper du 14 septembre 1921, nous apprend que le divorce est désormais effectif :



On note que, dans ce journal, il est encore appelé Prieur-Bardin. On note aussi qu'elle est plus célèbre que lui, car c'est son divorce à elle qui est annoncé. Sybil Sanserson ne semble pas lui avoir tenu rancune, puisqu'ils se souhaitent mutuellement bonne chance.

Eugene Prieur-Bardin ne reste pas longtemps seul, car il se marie le 29 janvier 1924 à Los Angeles pour la troisième fois, à 26 ans, avec une actrice originaire de l'Ohio. Il habite désormais Los Angeles. Hormis ce qu'indique le "Marriage License", je n'ai trouvé aucune information sur cette troisième épouse, l'actrice Anna Pavel Powell.


Le mariage n'a pas dû durer très longtemps, car, lorsqu'il est recensé à Los Angeles en 1930, il est déjà divorcé. A ce moment-là, il n’est pas encore naturalisé. Il ne le sera qu’en 1935.

Enfin, sous réserve que je trouve encore d'autres mariages, il se marie pour la quatrième et dernière fois à Los Angeles, le 6 mars 1939, avec Elva Smith. Comme sa troisième épouse, celle-ci est elle-même divorcée. A la différence de beaucoup de documents que l’on trouve aux États-Unis, celui-ci, comme le précédent, est précis sur les parents du marié. Il est noté que son père s’appelle Eugene Preceia Bardin (certes, il y a eu un peu de perte au moment de transcrire Prieur) et que sa mère s’appelle Luce Vercelli. En revanche, le document dit qu’il s’agit d’un second mariage, alors que, selon mes recherches, ce serait le quatrième.


En 1940, ils sont recensés ensemble à Los Angeles. Il est "Moving Picture Actor", elle est "stenographer", dans un "Business Office".

Enfin, en février 1943, Eugen Borden (Prieur-Bardin est définitivement oublié) est de nouveau recensé par l'armée américaine :


Cet acte, comme tous les actes le concernant aux Etats-Unis, le dit né à Paris. Son acte de naissance et les recherches dans l’état civil parisien montrent qu’il n’en est rien. Pour quelle raison a-t-il préféré indiquer qu’il était né à Paris ? Probablement qu'il était compliqué d'expliquer aux autorités américaines qu'il était en même temps français et né à Constantinople. C'était peut-être un risque de difficultés aux moments de la naturalisation.

Il ne semble pas avoir eu d’enfants de ses quatre mariages. Dans les trois recensements où il apparaît, il n’y a pas d’enfants.

Il n'y a pas deux actes le concernant qui donnent la même adresse. En l'état de mes recherches, les adresses connues sont, à New York (toutes à Manhattan) : 
  • 441 West 43th Street : 1917. 
  • 162 West 50th Street : 1918. 
  • 354-356, West 58th Street : 1920.
et à Los Angeles 
  • 1542 Cassil Place : 1924. 
  • 1660 North Western Avenue : 1930. 
  • 1961 North Cahuenga Boulevard (Hollywood) : 1939. 
  • 1219 North Beachwood Drive : 1940. 
  • 6227 3/4 De Longpre Ave, Los Angeles : 1942.

Il meurt le 21 juillet 1971 à Los Angeles, à 74 ans. Il habite alors la Motion Picture Home, à Woodland Hills (Los Angeles), une maison de retraite pour acteurs et personnels de l’industrie du cinéma avec des « cottages » individuels. La liste des personnalités décédées en ce lieu montre qu’il était en bonne compagnie (voir la notice Wikipédia qui en donne la liste). Il est enterré au Woodlawn Cemetery, à Santa Monica (Comté de Los Angeles).



Je n'ai pas identifié les deux autres personnes qui lui semblent liées dans ce monument funéraire. Mais peut-être s'agit-il d'un columbarium où les deux autres plaques correspondent à des urnes qui ne sont pas nécessairement en relation avec celle d'Eugene Borden.

Eugene Borden, dans So Dark the Night, 1946
Lien vers la généalogie d'Eugène Prieur-Bardin, dit Eugene Borden : cliquez-ici.
Lien de parenté avec Eugene Borden : cliquez-ici.