mardi 13 novembre 2018

André Barféty dans la guerre de 1914-1918

En ces journées de commémoration de l'armistice, j'ai récupéré la fiche de matricule de notre grand-père André Barféty. Je vais en détailler le contenu, très riche, si on arrive à en interpréter les informations.

Ce document se présente ainsi :


Notre grand-père a la fiche matricule n° 1491, du bureau du recrutement de Toulon. Dans les parties signalétiques, on apprend qu'il était étudiant, domicilié à Toulon. C'est effectivement dans cette ville que se trouvait le domicile de ses parents en France. C'est là qu'est née sa sœur Madeleine Barféty et que lui-même a été au collège des Maristes à La Seyne. Au moment du recrutement militaire, ses parents résidaient à Lao Kay, au Tonkin (aujourd'hui, Lào Cai, au nord du Viêt Nam). Cette photo a été prise le14 juillet 1914. Les parents d'André Barféty, Ferdinand Barféty et Marie Donnet, se trouvent au centre, lui avec un casque colonial, et elle, à ses côtés, avec une ombrelle


Dans la partie signalement de la fiche de matricule, il est indiqué que notre grand-père avait les cheveux châtains foncés, les yeux marrons, le front moyen, le nez busqué et le visage long. Il mesurait 1,74 m.

Comme il était né en 1896, il appartenait à la classe 1916. En temps normal, il aurait dû être appelé au service militaire l'année de ses 21 ans, soit en 1917. La guerre a perturbé cela. Lors de la mobilisation générale, les classes sont appelées jusqu'à celle de 1913, soit les jeunes gens nés jusqu'en 1893. Notre grand-père n'a donc pas été appelé. Néanmoins, la loi autorisait les engagements volontaires à partir de 17 ans. C'est ainsi que notre grand-père s'est engagé pour la durée de la guerre à la mairie de Grenoble le 11 décembre 1914. Il est immédiatement incorporé au 159e régiment d'Infanterie (le fameux 15-9 de Briançon). Il a participé à la défense d'Arras. L'historique du régiment pendant la guerre (cliquez-ici, plus particulièrement le chapitre II, pp. 6-10) nous donne une idée de la vie sur le front entre décembre 1914 et mai 1915, date à laquelle notre grand-père a été transféré vers un autre régiment. J'en ai extrait ce passage :
L'histoire du 159e pendant toute cette douloureuse période qui va de novembre 1914 à mai 1915 est assez difficile à écrire. Les jours se ressemblent à peu près tous. Toujours la même vie dans la boue immonde, toujours les mêmes bombardements des pièces allemandes de tous calibres, canons, obusiers, minenwerfer s'acharnent sur ce pauvre coin d'Artois, hier encore riant et animé d'une vie intense et maintenant lugubre et désolé. Que ce soit à la Maison Blanche, à Berthonval, devant Neuville-Saint-Waast ou à Mont-Saint-Eloy, les mêmes faits se reproduisent avec une régularité désespérante. Derrière leurs créneaux où, sans trêve, sifflent les balles ennemies, les « Alpins » tiennent, à moitié enlisés parfois, dans la boue sanglante. Ils montrent que leur endurance égale leur courage. Le 15 décembre, le 159e reçoit un ordre d'attaque. Ses objectifs sont les Ouvrages blancs, la corne nord de La Targette et ultérieurement les lisières nord-ouest et nord de Neuville-Saint-Waast. On exécute des travaux préparatoires. Le génie vient même essayer d'ouvrir des brèches dans les réseaux ennemis. Puis finalement, l'attaque est reportée à une date ultérieure. Ce n'a été qu'une alerte, et la vie de la tranchée reprend comme auparavant. On s'organise, on essaie de faire des tranchées convenables, mais dans ce terrain mouvant, continuellement ravagé par les obus, boyaux et tranchées s'effondrent sous la pluie. Qui dira jamais les souffrances de ces hommes qui, la nuit, montent la garde aux créneaux ou péniblement remuent la terre et, le jour, s'entassent pour y chercher quelque repos dans de misérables abris, trous boueux d'où s'exhale une odeur empestée? Les bataillons alternent entre eux pour le service aux premières lignes et le seul repos qu'on connaisse est un séjour de quatre jours de temps en temps à Acq, Ecoivres, Frévillers, Hermaville, petits villages à 25 kilomètres de la ligne de feu. Cet hiver 1914-1915 est comme un enfer nouveau où les hommes ont à souffrir du froid, du feu et de l'eau.
Enfin, le 28 avril, le régiment tout entier est au repos à Frévillers, Magnicourt-en-Comté et à Houvelin. Ce repos doit être utilisé à préparer le régiment à une opération offensive. Mais il est de courte durée; dès le 1er mai, un bataillon est envoyé aux tranchées pour y assurer la garde et y faire les travaux nécessaires à l'attaque prochaine. Le reste du régiment quitte ses cantonnements le 5 mai et se rapproche de la première ligne. Le 1e bataillon vient à Mont-Saint-Eloy, les 2e et 3e à Camblain-l'Abbé. Enfin, la date de l'attaque est fixée. Ce sera le 9 mai et les troupes doivent être en place à 7 heures...
Il est transféré le 14 mai 1915 au 140e régiment d'Infanterie, puis, 15 jours après, le 1er juin, au 175e régiment d'Infanterie, un régiment qui s'est illustré à l'armée d'Orient : Dardanelles, Serbie, Albanie et Crimée (cliquez-ici pour consulter l'historique du régiment). Notre grand-père a été engagé dans les combats des Dardanelles :
1° CAMPAGNE DES DARDANELLES
Les trois bataillons du régiment, formés : le 1er à Riom, le 2e à Grenoble, le 3e à Saintes, se réunissent à Marseille le 3 mars 1915. Le régiment embarque le lendemain sur les paquebots Provence, Charles-Roux, Armand-Behic, Chaouia, etc., etc. Il reçoit son drapeau le 27 mars 1915. Après un court séjour à Lemnos, puis à Alexandrie, puis de nouveau à Lemnos, le 175e débarque au cap Helles, sur la plage de Sedd-ul-Barhr (presqu'île de Gallipoli, le 27 avril, sous le feu de l'ennemi et repousse dans la même journée deux attaques des Turcs.
Le lendemain 28, le régiment attaque en direction d'Achi-Baba, sous un feu des plus violents, il progresse de 200 à 300 mètres. Combats acharnés. Après avoir tenu toute la journée, le régiment, qui subit des pertes sévères (13 officiers et 650 hommes hors de combat), se replie sur les positions de la veille.
Le 1er mai, attaque générale des Turcs. Le 2 mai à 1 heure, la situation est critique : l'ennemi avance partout. Le lieutenant-colonel PHILIPPE, commandant le régiment, fait sonner la charge et se porte en avant. A 3 heures nous avons reconquis nos tranchées et repoussé l'ennemi dans ses lignes. Le lieutenant-colonel PHILIPPE est grièvement blessé et est remplacé dans son commandement par le commandant LINARES.
Très lourdes pertes chez l'ennemi, chez nous une douzaine d'officiers et 500 hommes hors de combat. Les Turcs renouvellent leurs attaques dans la nuit et le lendemain, mais ils sont repoussés. Le 8 mai, le régiment attaque à la baïonnette, et sous un feu violent gagne les tranchées ennemies et s'y maintient.
Nous attaquons à nouveau le 4 juin, le 21, le 13 juillet, le 7 août. Le terrain est particulièrement difficile, la chaleur accablante. Les Turcs nous opposent une résistance acharnée et contre-attaquent furieusement, aussi notre progression est-elle insignifiante, malgré l'héroïsme des troupes.
(sur la bataille des Dardanelles, voir la notice Wikipédia : cliquez-ici).
Les Dardanelles se trouvent à l'entrée du détroit qui relie la mer Noire à la mer Méditerranée, la sortie étant constituée du détroit du Bosphore, où se trouve Istanbul.



C'est à la suite de l'attaque du 4 juin que notre grand-père est blessé « par éclat d'obus coude gauche », le 5 juin. Il est aussi cité à l'ordre du régiment pour son action du même jour : « Excellent soldat. Le 5 juin 1915, a été pour ses camarades sous un feu des plus violents un modèle de calme, de sang-froid et de bravoure ».

L'historique du régiment n'est pas assez précis pour obtenir plus de détails sur les conditions de la bataille où il a été blessé. Le rédacteur note : « Malgré de nombreuses démarches, de nombreuses lettres adressées aux anciens officiers du 175e R. I., il n'a pas été possible à l'officier chargé de l'historique de ce régiment de faire un travail plus complet, plus intéressant. Beaucoup d'actes d'héroïsme sont restés dans l'ombre. L'officier ne durait pas longtemps aux Dardanelles, pas plus que le soldat : on débarquait, on se battait, et le même bateau remportait souvent les blessés. »

Suite à sa blessure, notre grand-père est réformé pour « impotence fonctionnelle marquée du membre supérieur gauche » par la commission de réforme de Grenoble du 7 août 1916. Il est ensuite admis à la réforme n° 1 avec gratification de 300 francs par décision ministérielle du 25 janvier 1917, qui lui est notifié le 3 février 1917. C'est à ce moment-là que se termine son temps de campagne. Il recevra la Croix du combattant volontaire, en 1938, puis la Médaille militaire, le 17 mai 1967 et enfin la Légion d'Honneur, le 8 mai 1983.

Soldat français sortant d'une tranchée aux Dardanelles.

Sur cette photo prise après la guerre, on distingue bien le bras blessé :

André Barféty (1896-1983)


Complément
 
En complément de mon message précédent, une anecdote que m'a rappelée Maman. 

Après avoir été blessé, Papy a été évacué sur l'hôpital d'Alexandrie, vers lequel étaient envoyés tous les blessés du front des Dardannelles, comme le précise cette présentation d'un ouvrage récent : cliquez-ici. Pendant son séjour à l'hôpital, une infirmière s'était prise de sympathie pour lui. Elle lui avait offert un petit scarabée égyptien. Papy a donné ce scarabée à Brigitte, lorsqu'elle était adolescente.


Pour ceux que cela intéresse, il existe des journaux précis des actions militaires de tous les régiments. Le 175e régiment d'Infanterie, auquel appartenait Papy, était une des composantes de la 1re division du Corps expéditionnaire d'Orient. Dans le Journal des Marches et Opérations (JMO) de cette division du 4 mars au 14 octobre 1915, on peut voir le détail des événements. Malgré la précision, il nous manquera toujours plus d'informations pour imaginer le quotidien de notre grand-père en ces jours de l'attaque du 4 juin et de la blessure du 5 juin  : cliquez-ici.

Pour finir, je me souviens que Papy nous avait raconté qu'il avait retrouvé par hasard sur le front, son oncle Louis Donnet, qui avait été affecté à l'armée d'Orient. Ce dernier était arrivé le 13 mai 1915, mais il était vite tombé malade et avait été évacué le 23 juin 1915 pour "embarras gastrique fébrile avec amaigrissement prononcé, dysenterie". Cet oncle n'avait que 10 ans de plus que Papy, étant né le 25 juillet 1886 à Albertville. Dans ses papiers généalogiques, Odette avait noté que ce Louis Donnet avait disparu à la guerre. En réalité, il vivait encore en 1928, dans l'Est de la France. Un point à éclaircir ... sur une vie peut-être un peu irrégulière, tout du moins irrégulière par rapport aux standards bourgeois pour le fils d'un banquier (Charles Donnet, père de Louis et de notre grand-mère Marie Donnet était banquier à Albertville).

samedi 15 septembre 2018

La Papeterie des Alpes, Mlles Escalle, à Grenoble

Au milieu des années 1880, un libraire et papetier originaire de Voiron, Eugène Robert, s'installe à Grenoble au 13 rue Saint-Jacques. Très vite, il se spécialise dans l'édition et la diffusion de photographies du Dauphiné, sous forme de cartes postales ou de livrets de photos. Il diffusera ainsi les photographies d'Eugène Charpenay ou Gustave Oddoux. Après son décès en 1904, son fils Claudius Robert lui succède et, en 1911, il déménage au n° 9 de la place Grenette, un lieu plus central pour diffuser ses productions.


Après la guerre de 14-18, Me Hippolyte Escalle, notre arrière-grand-père, souhaite aider ses filles en leur donnant une occupation et un moyen de gagner leur vie. Il fait en particulier cela pour sa fille aînée, Marie Escalle, veuve Deydier, dont le mari est mort en août 1914 à la guerre. Le 20 août 1920, il achète le fonds de commerce de la Papeterie des Alpes à la famille Robert pour y installer ses filles. Les 3 sœurs, Marie (Tata Marie), 28 ans, Marguerite (Tata Go), 23 ans, et Louise (notre grand-mère), 17 ans s'installent à Grenoble. Désormais, elles écoulent les productions Robert sous la marque commerciale Mlles Escalle.

Elles remplacent l'ancienne mention « E. Robert » par la leur :


Elles accolent une vignette sur les livrets de photographies, comme celle-ci :


Cette étiquette se trouve dans ce livret :


avec cette belle photo de la Meije :



Nous ne savons pas exactement quand elles ont arrêté leur activité. A partir de 1927, il n’y a plus de traces des demoiselles Escalle dans l'annuaire officiel de l'Isère. La cessation d'activité est enregistrée le 12 septembre 1928. Il est vrai qu'entre-temps Marguerite Escalle s'est mariée le 26 septembre 1923 avec Eugène Jacob et, un an plus tard, nos grands-parents Louise Escalle et André Magron se sont mariés à Briançon. C'est grâce à cette papeterie qu'ils se sont rencontrés puisque, au moment même où notre grand-mère tenait la boutique avec ses sœurs, notre grand-père, venu de Roubaix, faisait ses études à l'IEG (Institut Électrotechnique de Grenoble).

 La place Grenette, vers 1930.

Le 9, place Grenette aujourd'hui (immeuble d'angle, où se trouve le magasin André)

Je remercie Jean-Luc Tissot qui m'a fourni quelques informations et images pour ce message.

mercredi 1 août 2018

Le café Cibot-Uginet à Paris, 1856

Joséphine Uginet-Chapot, photo sans date, mais probablement contemporaine des évènements relatés dans ce message, soit vers 1855-1860. Elle porte peut-être une des robes inventoriées dans le document que je présente.

Les mises en ligne de plus en plus nombreuses de documents sur les sites de généalogie sont l’occasion de découvrir des informations qui nous seraient probablement restées à jamais inconnues. C'est ainsi que j'ai découvert récemment ce document :


Il s'agit de l’inventaire après décès de Martial Clément Cibot, le deuxième mari de Joséphine Uginet-Chapot (1830-1902) [17] (nous descendons de son troisième mari, Joseph Barféty). Ce document nous apporte des informations totalement inconnues sur ce couple et leur vie à Paris. J'ai transcrit le contenu auquel vous pouvez accéder par ce lien : cliquez-ici (j'ai supprimé le « verbiage » notarial lorsqu'il n’apportait aucune information). Pour accéder au document original : cliquez-ici. J'ai surtout essayé d'exploiter toutes les informations pour en tirer le maximum de renseignements que je présente dans ce message.

Signature de Joséphine Uginet-Chapot, dans l'inventaire de son mari.

Joséphine Jenny Uginet-Chapot est née à Paris, au 32 rue Neuve-Saint-Roch [actuellement rue Saint-Roch] le 10 octobre 1830. Ses parents, Jean Uginet-Chapot (1803-1864) et Jeanne Jacquin (1803-1892), sont tous les deux nés à Venthon, près d’Albertville où ils se sont mariés en 1828. Comme beaucoup de Savoyards, ils sont venus s’installer à Paris. Au moment de la naissance de Joséphine, ils sont concierges à l’hôtel de Rivoli, dans la rue du même nom. Ils font baptiser leur fille le lendemain de sa naissance à l'église Saint-Roch.

Eglise Saint-Roch, Paris.

Joséphine sera le seul enfant du couple. Jean Uginet-Chapot et Jeanne Jacquin ont tenu différents commerces de marchand de vin, terme à comprendre dans son sens ancien de cabaretier ou tavernier qui débitait du vin au détail. Dans les années 1840, ils s’installent dans un immeuble qu'ils ont fait construire dans la rue des Poissonniers, sur la commune de Montmartre (aujourd’hui, 18e arrondissement de Paris). Ils se sont associés avec leur beau-frère Jacques Girard pour leur activité de traiteur-restaurateur et de logeur en garni.

Joséphine Uginet-Chapot se marie une première fois avec un maçon de la Creuse, Silvain Meunier. Elle a 18 ans et lui 29 ans. Le mariage est célébré à l’église Saint-Pierre-de-Montmartre le 19 juillet 1849. Cette union dure peu car Silvain Meunier meurt moins d’un an plus tard, le 14 juin 1850. Ils n'ont pas eu d’enfants.

La façade de l'église Saint-Pierre-de-Montmartre, élevée en 1765 (photo de 1880).
L'église Saint-Pierre-de-Montmartre, chevet, vers 1820.

Elle se remarie rapidement avec un sellier originaire de Limoges, Martial Clément Cibot, âgé de 28 ans. Le mariage a de nouveau lieu à Saint-Pierre-de-Montmartre le 28 décembre 1852. Martial Clément Cibot quitte rapidement son métier d'artisan pour se consacrer aux commerces de boissons. Avec sa femme, ils deviennent ce que nous appellerions aujourd'hui cafetiers et qui s'appelait alors limonadiers. Dans l’Annuaire général du commerce, de l’industrie, de la magistrature et de l’administration, ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, le nom de Cibot apparaît pour la première fois dans l’édition de 1855 comme limonadier au 14 boulevard des Batignolles, sur la commune du même nom (aujourd’hui 17e arrondissement de Paris). Avant eux, il n'existait aucun commerce de ce type à cette adresse. Martial Clément Cibot et Joséphine Uginet-Chapot l'ont probablement créé. On les retrouve dans l’édition de 1856. Leur première fille, Madeleine Cibot est née le 5 octobre 1854 au 14 boulevard des Batignolles, ce qui peut laisser penser que leur installation à cette adresse s'est faite durant l’année 1854.

Jusqu'en 1860, le territoire de Paris se limitait aux 12 premiers arrondissements actuels. Il était entouré de communes autonomes comme Montmartre, Les Batignolles, Les Ternes (quartier de la commune de Neuilly). Entre ces communes et Paris, avait été construit un mur encerclant la ville, le mur des Fermiers-Généraux ou mur d'octroi, à l'emplacement des actuels boulevards de Clichy, des Batignolles, de Courcelles et de l'avenue de Wagram, pour la partie de Paris qui nous intéresse. À chacune des portes qui perçaient ce mur, ou plutôt des barrières, les marchandises qui entraient dans Paris devaient payer un droit d’octroi. Cela explique que les commerces de vins, les cafés, les restaurants et autres établissements de loisir s'installaient à l'extérieur de Paris, proches des barrières, pour faire bénéficier les populations de consommations moins chères. Comme ces zones étaient encore peu urbanisées, cela permettait aussi d’offrir des terrasses ou des cours ombragés pour les clients. C'est ainsi que s’est développée toute une zone de guinguettes, cafés, cabarets, bals et autres lieux de distractions le long des boulevards, qui sont à l'origine des quartiers de Pigalle, de Belleville, de Montparnasse, etc.
Le premier café des époux Cibot-Uginet se trouvait donc proche de la barrière de Clichy. Cette photo nous montre bien l’aspect que revêtait alors le mur, la barrière qui le perçait (celle-ci se trouve à l'emplacement de l’actuelle place Clichy) et le début d’urbanisation à l'extérieur du mur. Le mur et les barrières seront démantelés en 1860, lors de l’annexion des communes périphériques et l'extension de Paris dans ses limites actuelles.

La barrière de Clichy, par Gustave Le Gray, vers 1853-1854. On distingue au premier plan le mur d'octroi, puis la barrière de Clichy (actuellement place Clichy) et au dernier plan, Montmartre, avec ses moulins (à gauche) et le sommet (à droite) qui n'est pas encore couronné par le Sacré-Cœur.
Autre vue de la Barrière de Clichy, par Gustave Le Gray, vers 1853-1854. Au-delà du mur d'octroi, se trouve le début du boulevard des Batignolles, avec sa promenade arborée. Le n° 14 se trouve un peu au-delà sur la gauche. Ces 2 vues sont strictement contemporaines de l'époque où Martial Clément Cibot et Joséphine Uginet-Chapot vivaient dans ce quartier.

L'établissement du boulevard des Batignolles ne devait pas satisfaire leurs ambitions, car ils revendent le fonds de commerce à un certain Thomas pour la somme de 12 000 francs et ils se mettent d’accord avec un propriétaire des Ternes, Jean-Pierre Gauthier, avec lequel il signe un bail le 24 janvier 1856. Ils conviennent de lui louer un terrain sur lequel se trouve « une petite maison servant alors à l’usage de marchand de vins, située 4 boulevard de l’Étoile, […] ayant environ 11,64 m. de façade sur le boulevard » avec une espace à l'arrière. Le cabaret est alors tenu par Vicaire. Sur cet emplacement, ils ont le droit « d'y établir une nouvelle construction, à leur frais, pour usage de café – estaminet. »

Ils ont choisi de s’installer à la barrière du Roule, un peu plus à l’ouest, dans le prolongement du boulevard des Batignolles. Dans sa Notice historique sur les Ternes (Seine) et les environs, paru en 1849, l’abbé Bellanger écrit : « Barrière du Roule. — A l'extrémité du faubourg Saint-Honoré et du Roule; cette entrée est une des plus importantes de Paris, (car elle est la route d’Évreux, de Caen, de Rouen et la haute Normandie); les règlements de police, excluant de la barrière de l’Étoile à l'arrivée de certaines voitures pesamment chargées, toutes les provisions en tous genres qui viennent par le pont de Neuilly, se présentent à la barrière du Roule ; on a estimé à deux mille le nombre des voitures qui chaque jour entrent dans Paris par cette voie : cette barrière est séparée par 470 mètres de celle de l'Étoile. » C'est actuellement la place des Ternes. Entre la barrière de l’Étoile (actuelle place Charles-de-Gaulle, que beaucoup appelle encore place de l’Étoile) et la barrière du Roule, le boulevard qui longe extérieurement le mur s'appelait alors le boulevard de l’Étoile. C’est aujourd’hui la partie de l'avenue de Wagram entre la place Charles-de-Gaulle et la place des Ternes. Le n° 4 du boulevard de l’Étoile correspond à l'actuel n° 47 de l'avenue de Wagram.

Ce plan de Neuilly de 1851 nous donne une bonne image du quartier lorsqu'ils se sont installés :


Détail, avec l'emplacement du n° 4 du boulevard de l'Etoile

On voit bien qu’il se trouve dans un quartier encore peu urbanisé. En face de leur établissement, il y a certes le mur, qui mesure un peu plus de 3 m. de haut et se trouve à une trentaine de mètres de leur façade, mais ils en sont séparés par une belle promenade arborée. Il y a aussi le bâtiment imposant de la barrière du Roule :

La barrière du Roule, en 1859, peu de temps avant sa démolition.

Comme on l'a dit, cette barrière canalise le flux des voyageurs et des promeneurs qui sortent de Paris depuis le faubourg Saint-Honoré. L'emplacement choisi par les Cibot-Uginet est idéalement situé pour capter une partie de cette clientèle potentielle qui vient dans ce quartier pour se distraire. A quelques numéros de leur établissement, il existe depuis 1812 un bal très populaire, le bal Dourlans, qui est ainsi décrit en 1863 : « Dourlans (Leblanc, successeur), bal, café 4 billards, grand salon et grand jardin, contenant 4,000 personnes, bal les dimanches, lundis, jeudis et fêtes, boul. de l’Étoile, 41, près de l'Arc de Triomphe. » Après des transformations importantes en 1865, ce bal est devenu la salle Wagram. En 1861, sur le boulevard de l’Étoile, en plus du café Cibot-Uginet et du bal Dourlans, on compte 2 autres limonadiers, un vendeur de tabac et liqueurs et un restaurateur.

Après avoir signé le bail, les époux Cibot-Uginet se mettent très rapidement à l'œuvre pour faire construire un établissement avec le décor et l'équipement des meilleurs cafés parisiens. Ils sont accompagnés par un architecte qui s'appelle Chemin. Tout cela va très vite car dès le mois de juin 1856, le bâtiment est terminé, le café est équipé tant de meubles, que de vaisselles et de marchandises. Au même moment, Joséphine est enceinte. Elle accouche le 10 juin 1856 d'une fille, Eugénie Césarine, qui est immédiatement mise en nourrice dans la famille d'un tisserand à Thiron-Gardais (Eure-et-Loir), à 130 kilomètres de Paris. Il était habituel à l'époque que les femmes engagées dans une activité professionnelle confient leurs enfants à des familles nourricières. Il existait toute une organisation pour assurer le recrutement des nourrices et le transport des enfants. C'est probablement pour cela qu'elle a accouché au 39 de la rue du Faubourg-Saint-Denis où devait se trouver une sage-femme qui assurait ensuite l’organisation de la mise en nourrice de l’enfant.

Un mois plus tard, le 12 juillet 1856, Martial Clément Cibot meurt dans une maison de santé, située 90 rue de Picpus (aujourd’hui dans le 12e arrondissement). Une recherche sur cette maison de santé à cette adresse permet par exemple de trouver dans le Paris médical, de 1853, dans la liste des maisons de santé pour le traitement des aliénés à Paris et sa banlieue : « Mme Reboul-Richebraques, rue Picpus, 90 : reçoit des aliénés et des pensionnaires libres. ». On trouve plusieurs mentions similaires dans ces années-là mentionnant cette maison de santé comme assurant le traitement des aliénés. En l'absence de plus d’informations, il est difficile de conclure, sinon que la vie de Martial Clément Cibot s'est terminée brutalement et prématurément, après avoir lancé et mené à bien un projet ambitieux de café parisien. Peut-être a-t-il souffert de surmenage ? Après l'enterrement au cimetière du Père-Lachaise, le 14 juillet 1856, Joséphine Uginet-Chapot, veuve Cibot, doit régler les affaires qu'elle a menées avec son mari, car elle est donatrice du quart des biens de son mari, le restant revenant à ses deux filles dont elle est tutrice. C'est ainsi qu'elle fait appel à Me Amy, notaire à Passy (aujourd’hui dans le 16e arrondissement de Paris), pour faire un inventaire complet de tous les biens, des actifs et des créances du couple afin de régler la succession. C'est ce document que nous avons trouvé et qui nous permet de reconstituer l'histoire du café des époux Cibot-Uginet

L'inventaire nous permet de nous faire une idée de l'agencement et de l'ameublement du café. Au rez-de-chaussée, la grande salle de 80 m2 est ouverte sur l'avenue, qui est encore le boulevard de l’Étoile. On y trouve, comme il se doit, un comptoir en bois avec un dessus de marbre, des divans en velours grenat, autrement dit des banquettes, des tables de café en marbre avec des pieds en fonte, des tables en tôle avec pied en fonte (probablement des tables rondes) et 56 chaises. Pour éclairer cet espace, pas moins de 8 lampes et un lustre à gaz, ainsi qu'une lampe atmosphérique (je n'ai pas réussi à trouver de quoi il s'agissait). Une pendule ronde (œil de bœuf) permet de donner l'heure. Enfin, la salle est ornée de 3 glaces dans leurs cadres dorés. Nous savons aussi que des dorures ornaient la salle. J'ai eu du mal à trouver des images qui représentent l'intérieur d’un café parisien à cette époque. Ce célèbre tableau de Degas donne une idée avec la banquette rouge, les tables en marbre, les miroirs aux murs :

L'Absinthe, Edgar Degas, 1875-1876

Un café du boulevard du Temple, 1861

La Prune, Edouard Manet, 1877

Henri Gervex, 1877

A l'étage, une salle d'une soixantaine de m2 accueillait les joueurs de billards, avec 2 tables de billards. L’ameublement est un peu plus réduit avec seulement 8 tables en marbre et un seul divan. En revanche, il n’y a pas de glaces au mur.

L'inventaire de la marchandise nous donne un aperçu des consommations proposées. Ce sont d'abord des liqueurs, de l'absinthe – la boisson par excellence des cafés parisiens au XIXe – des eaux-de-vie, Kirch, Rhum, madère, etc. On remarquera la faible place du vin, 260 l. et seulement 12 l. de Champagne à mettre en regard des 850 l. de liqueurs et spiritueux. On constate qu'il n’y a pas de bière. Ils sont donc surtout des débitants d'alcools forts. Ils offrent aussi à leurs clients des jeux, soit des billards à l'étage, soit des jeux de société au rez-de-chaussée, avec le « lot de damiers, tablettes et tapis à jeux » qui est inventorié. On pouvait aussi y lire les journaux. Même si un fourneau est indiqué, il semble qu’il n'était pas prévu de servir à manger. Il était simplement possible de servir du café, comme le laisse comprendre les achats de sucre et café qui sont répertoriés.

Au premier étage, les époux Cibot-Uginet se sont réservés un logement composé d'une seule pièce, probablement d’une quinzaine de m2 dans laquelle on trouve un lit, une table ovale, une table de nuit, une toilette-commode, une armoire et un fauteuil Voltaire, tous en acajou. L'inventaire permet de connaître l'habillement complet du couple. Ils ne possèdent quasiment pas de biens précieux, à l’exception d’une timbale en argent marquée J. U. (Joséphine Uginet ?) et un couvert en argent, à filets, marqué F. C. (probablement C. pour Cibot). Leur situation financière devait être assez tendue car ils ont été obligés de mettre leurs montres en gage, au Mont de Piété. Notons que le seul livre qu’ils possèdent est l'Histoire de Paris, par Dulaure, dont ils n'ont que quelques fascicules (livraisons).

L'inventaire permet de faire un bilan de la situation financière des époux Cibot-Uginet. Il y a suffisamment d'éléments pour savoir que la construction de l'établissement leur a coûté 21 500 francs, le mobilier 5 800 francs et la marchandise 5 200 francs, soit un total de 32 500 francs. Dans la construction, les poste de dépense les plus importants sont les peintures et dorures (5 305 fr.), la maçonnerie (3 800 fr.), la menuiserie (3 200 fr.). Que le poste le plus important soit la peinture et la dorure montre le soin qu'ils ont apporté à la décoration de leur établissement. Comme souvent à l'époque, ils avaient de nombreuses dettes. Dans leur cas, ce sont tous les crédits accordés par leurs fournisseurs ou par les artisans qui ont contribué à la construction de l'établissement. En définitive, sur les 32 500 francs, ils devaient encore 24 400 francs. Cependant, leur richesse était constituée de ce fonds de commerce qu'ils avaient créé et que les experts estimaient à 17 000 francs.  Avec la valeur des biens inventoriés et les 4 000 francs que leur devait encore M. Thomas sur la vente des Batignolles, leur situation financière présentait un actif net de 2 800 francs. Pour donner un ordre de grandeur sur ces sommes, il faut savoir qu’en 1853, un manœuvre du bâtiment à Paris gagnait 1,70 francs par jour et que les ouvriers qui ont travaillé à la construction de leur établissement (menuisier, peintre, maçon, serrurier, etc.) gagnaient entre 4 et 5 francs par jour, soit de l’ordre de 1 000 francs par an. En 1852, un journalier agricole gagnait 550 francs par an.
Pour ceux que cela intéresse, j'ai reporté dans un fichier excel l'ensemble des éléments chiffrés de cet inventaire : cliquez-ici.

Grâce aux différents cadastres en ligne, l'emplacement du café Cibot-Uginet est parfaitement identifié. Il se trouve actuellement au 47 avenue de Wagram dans le 17e arrondissement, près de la place des Ternes. Lorsqu'ils se sont installés, en 1856, la portion de l’avenue entre la place de l'Etoile et la place des Ternes formait le boulevard extérieur de Paris le long du mur de l’Octroi (ou mur des fermiers généraux). La numérotation, uniquement paire, partait de la barrière du Roule (actuellement place des Ternes), en direction de l’Étoile. Leur adresse était alors le 4 boulevard de l’Étoile, aux Ternes (ou Thernes), à Neuilly (aujourd’hui Neuilly-sur-Seine). En 1860, cette partie de la commune de Neuilly a été rattachée à la ville de Paris, lors de l’extension des limites territoriales de Paris pour devenir une partie du 17e arrondissement. Le mur a été démoli dès janvier 1860 et la numérotation a été changée pour être homogène avec les règles de numérotation de la ville de Paris. Le n° 4 est donc devenu le 47 du boulevard de l’Étoile. Enfin, en 1864, cette voie a été baptisée avenue de Wagram. L'emplacement actuel du café Cibot-Uginet est donc le 47 avenue de Wagram.

Le cadastre de Neuilly en 1846 montre l’emplacement et les constructions 10 ans avant leur installation. J’ai reporté les emplacements des futures constructions, avec la double numérotation.


Le plan permet de bien identifié l'épicerie de la veuve Vistel que le bail leur autorisait à louer à partir d'octobre 1858 pour y construire une extension de leur établissement entre le premier emplacement et la maison appartenant à leur propriétaire, M. Gauthier, qui fait l'angle (actuellement 49 avenue de Wagram et 1 avenue des Ternes). L’inventaire nous indique que cette extension n'a pas été construite, mais les successeurs ont bénéficié de cette possibilité. Dans le cadastre de la fin du XIXe, on voir bien que l’extension a été construite et qu'elle est maintenant rattachée, du point de vue de la parcelle, à ce qui existait dès 1856 :


Cette construction en 2 étapes est bien visible sur les vues de l’établissement que l'on a grâce aux cartes postales. Sur celle-ci, j'ai reporté les différentes phases de construction. L'extension a bien été bâtie dan une style unifié avec celui de la construction d'origine, comme cela était stipulé dans le bail.


Cette vue nous donne une image du café telle qu’il était probablement lors de l’inventaire de 1856, avant les transformations du début du XXe siècle. On voit la salle de rez-de-chaussée et, au-dessus les 5 fenêtres citées dans l'inventaire qui correspondent pour 4 d'entre elles à la salle de billards et pour l'autre à la pièce que les époux Cibot se réservait pour leur usage. Je suis enclin à penser que celle-ci est la fenêtre de droite, alors que les 4 fenêtres de la salle de billard correspondent avec l'entrée au-dessus de laquelle il est encore indiqué : « Billards au 1er ».

Aujourd’hui, l'ensemble de la parcelle a une longueur sur l'avenue de 23 m. Le café d'origine a une longueur sur le boulevard de 11,6 m., comme l’annonce les termes du bail (c'était l’emprise du commerce de vins de Vicaire qui a été remplacé par le café Cibot-Uginet). La partie ajoutée à l'emplacement de l'ancienne épicerie Vistel mesure 6,6 m., ce qui laisse 4,8 m. pour le passage. Chaque fenêtre mesure à peu près 2,2/2,3 m. de large. En s'appuyant sur le cadastre de la fin du XIXe, la profondeur du bâtiment peut être estimée à 6,6 m., ce qui fait une surface au sol du café d'origine de l'ordre de 75/80 m2, soit avec l'étage, une surface de 150/160 m2. La pièce réservée à l'habitation devait faire une quinzaine de m2.

Le Concert de l'Univers, vu sous un autre angle, en direction de l'Arc de Triomphe.

Nous ne connaissons pas le détail de la vie de Joséphine Uginet-Chapot durant les 3 ans après le décès de son mari et cet inventaire. Il est peu probable qu'elle ait assuré seule la gestion de ce café, même si elle a dû rapidement trouver une solution pour faire face aux inévitables frais d'une telle immobilisation et aux nombreuses dettes qu'elle avait. Nous savons seulement qu'en 1858, elle payait encore une contribution personnelle et mobilière et une patente à cette adresse comme limonadière. Les archives lacunaires de la commune de Neuilly-sur-Seine ne permet pas de savoir jusqu'à quant elle a été imposée à cette adresse.

Extrait de la Matrice des Contributions personnelle, mobilière et des patentes de la commune de Neuilly, pour l'année 1858.

Dans l'Almanach du commerce, il faut attendre l'année 1861 pour trouver le nom de Jeanson comme limonadier au 4, boulevard de l’Étoile. Nous n'avons donc pas d’information entre 1856 et 1860. Sur ce Jeanson, nous savons fort peu de choses, sinon qu'il se prénommait Eugène et qu'il était né vers 1828. C'est Victor Thabouret qui lui succède. Ce n'est probablement pas un hasard, car Victor Thabouret, né dans les Vosges en 1837, a épousé en juillet 1866 Caroline Viardet, la cousine germaine de Joséphine Uginet-Chapot. Lors de ce mariage, il est qualifié de limonadier, domicilié 47 avenue de Wagram et un de ses deux témoins est justement Eugène Jeanson, lui aussi qualifié de limonadier, domicilié 47 avenue de Wagram. Dans l'Almanach du commerce de 1870, il est annoncé ainsi : « Thabouret, café de l'Univers, déjeuners et soupers, bières anglaises et de Bavière, avenue Wagram, 47 ». C’est la première mention de ce nom de café de l’Univers. Est-ce qu’il était dans les intentions des Cibot-Uginet de l'appeler comme cela ? On ne sait pas.

Ensuite, La Brasserie de l’Univers se lance dans le concert en 1894, d'où le nom de Concert de l'Univers que l'on voyait sur la carte postale. Elle a été entièrement rénovée en 1898, avec les fauteuils rachetés à l’Horloge, puis une seconde fois en 1904. La façade a ensuite été profondément transformée, soit à cette dernière date, soit encore postérieurement. Disparaissent alors les fenêtres à arcade qui devaient provenir de la construction initiale, comme on le voit sur cette carte postale postérieure à celles que j'ai présentées ci-dessus.


Jacques Salles a écrit en 1975 : « A descendre aujourd’hui l’avenue de Wagram de l’Étoile aux Ternes, on a quelque peine à imaginer qu’elle fut, il y a un siècle, un des hauts-lieux du spectacle parisien. En effet, au début du XXe siècle, le trottoir des numéros impairs offrait au passant deux cinémas d’exclusivité (le Royal au n° 39 et le Lutétia au n° 31), un théâtre (le théâtre de l'Étoile), une salle de bals et de réunions (la salle Wagram au n° 39), un music-hall (l'Empire au n° 41), et un café-concert (le Concert de l'Univers au n° 47). »

Récemment, ce lieu s'est illustré en abritant un cercle de jeux, Le Cercle Wagram, qui a été fermé en 2011. Aujourd’hui, il abrite un restaurant, qui est à la place du café d'origine : The Place to be… et une salle d'évènements : Le Pavillon Wagram. Comme on le voit sur cette vue récente, il ne reste plus de traces visibles de la construction d'origine, mais la construction en 2 étapes est encore perceptible sur la façade.




Quant à Joséphine Uginet-Chapot, après ses deux mariages terminés prématurément et les ambitions parisiennes avortées, elle a préféré se trouver un mari au pays, autrement dit en Savoie. Le 12 juillet 1859, à Venthon, soit 3 ans après le décès de son deuxième mari, elle épouse un conservateur des hypothèques de 14 ans son aîné, Joseph Barféty. Ses parents sont restés à Paris. Quant à ses enfants du deuxième mariage (il n'y en avait pas eu du premier), l’aîné, Madeleine Cibot, est devenue religieuse à Toulouse, où elle est décédée en 1929 comme Supérieure des Sœurs de Nevers. La cadette, Eugénie Césarine, est morte en nourrice, à 13 mois, le 17 juillet 1857, à Thiron-Gardais dans l’Eure-et-Loir. Sa mère est qualifiée de limonadière, domiciliée à Paris, 4 barrière du Roule. Après ce mariage, la vie de Joséphine Uginet-Chapot est celle de l'épouse d’un conservateur des hypothèques, « un chrétien convaincu et un homme d’éducation parfaite », loin des rêves des époux Cibot-Uginet qui voulaient leur part dans ce que l'on a appelé la fête impériale, qui est ce temps de prospérité du Second-Empire. C'est ce moment où un nouveau Paris en train de naître, sous l'impulsion de Napoléon III et du baron Haussmann et que Paris est en train de devenir la Ville-Lumière.

Joséphine Uginet-Chapot, veuve Joseph Barféty est morte à Venthon, le 25 avril 1902 à l'âge de 71 ans.



Généalogie ascendante et descendante de Joséphine Uginet-Chapot : cliquez-ici.

samedi 16 juin 2018

Marie Duthu et Émile Hérault

Publier ses travaux sur Internet (Geneanet) est souvent l'occasion de mises en relation. C'est ainsi qu'il y a quelques temps, j'ai été contacté par quelqu'un qui avait trouvé un faire-part de mariage dans un livre qu'il avait acheté lors d'une vente aux enchères à Dijon. En faisant des recherches, il a vu que j'avais répertorié ce mariage dans mon arbre (je suis d'ailleurs le seul à avoir mentionné ce mariage sur ce site). N'en ayant pas l'usage, il a eu la gentillesse de me l'envoyer :


Il s'agit du mariage d’Émile Hérault et Marie Duthu qui a eu lieu à Dijon le jeudi 17 janvier 1895 en la cathédrale Sainte-Bénigne. Le mariage civil avait eu lieu la veille, le 16 janvier.

Signatures des époux au bas de leur acte de mariage civil
Dans ce faire-part, qui ne concerne que le côté de l'épouse (je ne sais pas s'il existe l'autre partie du faire-part, pour l'époux), le mariage est annoncé par sa grand-mère maternelle, Jeanne Maire, veuve Jean Daubourg, et par son oncle paternel Auguste Duthu. En effet, ses parents Jules Duthu et Marguerite Daubourg étant décédés, c'est son seul oncle survivant qui annonce le mariage et qui a probablement conduit l'épouse à l'autel le jour du mariage. Auguste Duthu (1835-1897) [26] est notre ancêtre.

La famille Duthu est originaire de Saint-Martin-du-Mont, dans la Côte d'Or. Louis Duthu (1801-1864) [52] a quitté son village pour être d'abord marchand de vin (cabaretier), puis aubergiste à Dijon, au Faubourg-Raines, où il se marie avec Julie Cornemillot (1810-1871) [53] (sur cette famille Cornemillot, voir ici). Il s'installe vers 1840 au faubourg Saint-Nicolas, à l'entrée nord de Beaune, sur la route de Dijon. Ses affaires prospérant, il devient entrepreneur de roulage, autrement dit entrepreneur de transport. A son décès, ses 2 fils Auguste, né en 1835 et Adolphe, né en 1840 reprennent les affaires du père, le premier restant à Beaune et le second s'installant à Dijon, ce qui leur permet d'être aux 2 bouts de la chaîne de transport. En plus de l'activité de transport, la famille avait aussi la concession des pompes funèbres de Dijon. Le troisième frère, Jules Duthu, né en 1838, semble s'être engagé dans l'armée.

La maison Duthu, ancienne auberge, 39 faubourg Saint-Nicolas, à Beaune.
Cette belle facture de 1880 des frères Duthu nous donne une idée de leur activité :


Le fils cadet Adolphe Duthu s'est marié en 1863 avec Marguerite Daubourg, née à Dijon. Ils ont eu un fils Jules Duthu, en 1866. Adolphe Duthu est mort le 30 octobre 1870 lors des combats de la défense de Dijon. Son cousin Émile Cornemillot rapporte les conditions de son décès :


Dans sa peine, la jeune veuve Marguerite Daubourg trouvera support et consolation auprès de son beau-frère Jules Duthu, alors sous-lieutenant d'infanterie. Le besoin de réconfort aidant, le beau-frère et la belle-sœur ont été visiblement amenés à être de plus en plus proches. Tout cela s'est concrétisé quelques mois plus tard par la naissance d'une fille, Julie Marguerite Duthu, le 11 janvier 1872. Ils régulariseront la situation par leur mariage quelques semaines plus tard, le 3 février 1872, à l'occasion duquel ils légitimeront la fille née de leurs amours. Bien que n'ayant été déclarée à la naissance que sous les prénoms de Julie Marguerite,  elle sera toujours prénommée Marie.  A Dijon, Jules Duthu et son épouse habitent à partir des années 1875 au 1 rue de l'Arquebuse, probablement dans un immeuble qu'ils ont fait construire. C'est une des deux adresses qui apparait sur la facture et c'est aussi l'adresse qui est notée sur le faire-part.

Vue actuelle de l'immeuble du 1, rue de l'Arquebuse, à Dijon.

C'est cette Marie Duthu, fille de Jules Duthu et Marguerite Daubourg qui se marie le 17 janvier 1895. Sa mère est décédée à Lourdes en 1893, alors qu'elle y était pour une villégiature ou un pèlerinage, nous ne savons pas. Elle avait 47 ans. Son mari Jules Duthu ne lui a survécu que 10 mois. Il est décédé en 1894 à l'âge de 56 ans, dans sa maison de campagne de Ladoix, hameau de la commune de Serrigny entre Dijon et Beaune. A 22 ans, Marie Duthu se retrouve orpheline, avec 2 frères, l'aîné, Jules, 28 ans (du premier mariage) et le cadet, Marcel, 17 ans. Cela explique que son seul oncle survivant, Auguste Duthu, annonce le mariage de sa nièce. Il était aussi le tuteur de son neveu Marcel Duthu.

Quant à Émile Hérault, son histoire personnelle mérite d'être racontée. Il est né dans la Nièvre, à Saint-Maurice, le 7 juillet 1870, fils unique de Claude Hérault et Marie Louise Ruelle (ou Ruel). Claude Hérault était le régisseur du baron Max Darnay, rentier et propriétaire du château de Montas, sur la commune de Saint-Maurice. Au décès de ses parents, ce baron, célibataire, s'était retrouvé à la tête d'un beau patrimoine, comprenant des terres agricoles et des fermes, que gérait Claude Hérault. Comme le raconte un historien local, « Max était bègue et boiteux, la famille de sa mère tenta de le faire déshériter en le faisant passer pour simple"d'esprit" mais, si le jeune baron présentait des infirmités physiques, il avait bien toute sa tête et gagna les procès qu'on lui fit. » N'ayant pas d'héritier, il institua Émile Hérault, le fils de son régisseur, comme son héritier universel, faisant ainsi sa fortune. D'ailleurs, à la mort du père d’Émile, Claude Hérault, en 1900, le baron Danray épousa sa veuve Marie Louise Ruel, renforçant ainsi les liens avec la famille Hérault. Émile Hérault devint alors le beau-fils du baron Darnay.

Château de Montas, Saint-Maurice

Après leur mariage, Émile Hérault et Marie Duthu ont vécu d'abord au 1 rue de l'Arquebuse, à Dijon, dans la maison familiale Duthu (1895), puis à Châtillon-en-Bazois (Nièvre), rue d'Aron. Ils ont eu 4 enfants : Marie Marguerite (1895-1898), Marcelle (1897-1958), Emmanuel (1899-1974) et Jean (1901-1965). Émile Hérault est mort en villégiature à Briançon, le 2 septembre 1904, au Grand-Hôtel. Il n'avait que 34 ans. Son épouse, qui partageait semble-t-il son temps entre son domicile du boulevard de la Trémouille à Dijon et le château de Montpas dans la Nièvre, est décédée en 1921, la même année que la baron Max Darnay et que sa belle-mère Marie Louise Ruelle. Le château a ensuite été habité par Emmanuel Hérault, qui y est décédé. 

Pour finir, deux remarques.

Émile Hérault se prénommait simplement Léger Hérault dans son acte de naissance. Son prénom usuel était pourtant Émile, comme en fait foi le faire-part de mariage. Dans les actes d'état-civil de ses enfants, il est souvent prénommé Léger Émile. Ce qui est surprenant est qu'il ait signé seulement Léger lors de son mariage.

Si certains peuvent penser qu’Émile Hérault était en réalité le fils du baron Max Darnay, fruit de ses amours avec la femme de son régisseur (sa future épouse), avec le consentement plus ou moins tacite dudit régisseur, je les laisse à leurs supputations et conjectures.

Généalogie ascendante et descendante de Marie Duthu : cliquez-ici.
Lien de parenté avec Marie Duthu : cliquez-ici.

mercredi 23 mai 2018

Virginie Escalle (1808-1879), épouse Louis Gallissian

Un séjour à Marseille est l'occasion d'évoquer l'importance qu'a eue cette ville pour les branches de notre famille des Hautes-Alpes. Directement, aucun de nos ancêtres est directement lié à cette ville. En revanche, de nombreuses branches collatérales sont passées ou se sont installées dans la cité phocéenne qui a été, de tout temps, un débouché naturel du trop-plein démographique des montagnes des Hautes-Alpes.

Aujourd'hui, je vais plus particulièrement évoquer Virginie Escalle, épouse de Louis Gallissian, qui a passé de nombreuses années à Marseille.

Elle est née à La Motte-en-Champsaur le 6 mars 1808, dernière fille de Joseph Escalle et Rose Gauthier. Elle est donc la sœur de notre ancêtre Hippolyte Escalle (1804-1858) [56].

A l'âge de 23 ans, le 11 janvier 1832, elle épouse Jean Louis Antoine Gallissian, un marchande bois de Volonne (Alpes-de-Hautes-Provence), au bord de la Durance. 

Signature de Louis Gallissian (acte de mariage).

Signature de Virginie Escalle (acte de mariage).


Par contrat de mariage, ses parents lui donnent 8 000 francs, somme conséquente pour l'époque. Louis Gallissian est né à Sourribes (Alpes-de-Haute-Provence) le 10 mai 1801, village d'où est originaire sa famille, mais ses parents se sont rapidement installés à Volonne, comme aubergistes, sur la route qui rejoignait les Hautes-Alpes et la Haute-Provence (Sisteron) à Marseille par la vallée de la Durance. Comme souvent, le métier d'aubergiste était en lien avec les activités de négoce. Dans le cas présent, la famille Gallissian faisait aussi le négoce de bois, probablement entre les forêts des Hautes-Alpes et Marseille, en utilisant la Durance comme moyen de transport du bois. Un de fils de cette famille, Joseph Casimir, frère de Louis, est qualifié de radelier dans son acte de décès en 1830. Le radelier conduisait les convois de bois, assemblés sous forme de radeau, sur la Durance. Ses deux autres frères sont décédés à Marseille en 1863 et 1865 où ils étaient courtier et commissionnaire en bois.


Une vidéo de présentation des radeliers de la Durance :


C'est donc ce milieu d'aubergistes et de marchands de bois que Virginie Gallissian a rejoint, sans que l'on arrive à déterminer comment le lien s'est fait entre ces deux familles, de La Motte-en-Champsaur et Volonne.

Louis Gallissian prend d'abord la succession de son père à l'auberge de Volonne où il est recensé en 1836 avec sa femme Virginie Escalle. Ils n'auront pas d'enfants, ce qui explique peut-être qu'ils hébergent une nièce, Pauline Escalle, née en 1828, qui restera avec eux au moins jusqu'en 1846.

Vers 1840, toute la famille s'installe à Aubignosc, de l'autre côté de la Durance, dans un grande propriété aux Filières, plus proche de la nouvelle route nationale qui délaisse maintenant Volonne.

Fillières (Aubignosc), sur les minutes de la carte d’État-major, vers 1840.
Louis Gallissian exploite ce domaine avec une importante domesticité. Dans le recensement de 1836, alors qu'il habite encore à Volonne, il emploie déjà 6 domestiques. En 1841, ce sont maintenant 7 domestiques et un postillon qui travaillent pour lui, en plus de ses deux oncles. En 1846, s'amorce une décroissance puisque il n'y a plus que 2 domestiques et un postillon. Preuve de sa notabilité et de son assise locale, Louis Gallissian est maire d'Aubignosc de 1841 à juillet 1848.

Pour une raison que j'ignore encore mais que je pense liée à de mauvaises affaires, le couple Gallissian disparaît de Volonne et Aubignosc après 1848 et se retrouvent à Marseille où leur présence est attestée dès 1852. Louis Gallissian a toujours un métier en lien avec la route, mais il est plus modestement le représentant des messageries Aubert père & fils à Marseille. Avant l'arrivée du train, qui n'a relié Gap à Marseille qu'en 1875, la seule possibilité pour rejoindre relativement rapidement les deux villes était le service de diligences qui était concédé à des entreprises de messageries qui prenaient en charge l'organisation de ces transports. Ce sont les fameux maîtres de poste. La famille Aubert de Gap a été le principal opérateur des services de diligences entre les deux villes, en assurant les correspondances avec Lyon, Grenoble, Chambéry et Genève et le service vers Embrun, Briançon et Turin. A Marseille, les diligences arrivaient à l'hôtel des Deux Pommes, sur le Cours Belsunce, au n° 32. Il fallait 16 heures pour parcourir les 182 km. qui séparent les 2 villes. Par exemple, en 1859, les messageries Aubert père & fils assuraient un départ depuis Marseille vers Gap tous les jours à 7 heures du matin et semble-t-il, certains jours, à midi comme le précise cette annonce de l'Indicateur marseillais :


Louis Gallissian était donc le responsable du bureau de Marseille des messageries Aubert père et fils. Dans l'Indicateur marseillais, qui était une sorte d'annuaire commercial de la ville, il est signalé comme représentant de ces messageries sans interruption de 1852 à 1866. Il a donc en charge de gérer les arrivées et départs depuis Marseille et d'assurer l'accueil de la clientèle. Ils habitaient à proximité, d'abord au 32 rue Petit-Saint-Jean (1852), puis au 22 rue d'Aix (1853-1854) et enfin au 1, rue du Relais (1855-1866), rue qui porte bien son nom car il s'agit ici du relais de poste. C'est cette adresse qui est indiquée, comme ici dans l'Indicateur marseillais, de 1859 :


En habitant rue du Relais, il ne pouvait guère être plus proche du point d'arrivée de diligences à l'hôtel des Deux Pommes car l'immeuble fait l'angle du cours de Belsunce et de la rue du Relais et se trouve mitoyen de l'hôtel.


Sur cette photo, l'hôtel des Deux-Pommes, qui a ensuite été rebaptisé en hôtel des Deux-Mondes et qui est actuellement au n° 46 du cours Belsunce, se trouve à gauche et l'immeuble du 1 rue du Relais fait l'angle avec le cours, à droite sur la photo. J'ai trouvé cet historique sur un site :

Au 46 Cours Belsunce, on héberge des voyageurs depuis le 17ème siècle ! Autrefois c'était les Deux Pommes et les Deux Indes, mais aujourd'hui ce sont les Deux Mondes ! En effet sur l'emplacement de l'actuel Hôtel des Deux Mondes fut crée dès 1637 l'Auberge des Deux Pommes par la famille Ripert et juste à côté l'Auberge des Deux Indes.
Ces deux établissement restent voisins jusqu'en 1869, date à laquelle l'Auberge des Deux Indes est transférée rue du Petit Saint Jean. L'Auberge des Deux Pommes se maintiendra encore un peu de temps.
Autrefois les hôtels se trouvaient au n°32 et n°34 mais un changement de numérotation du Cours Belsunce au XIXème siècle les transformera en n°46.

Sur cette photo ancienne, on voit l'hôtel des Deux Mondes et, à droite, l'immeuble de la rue du Relais.



L'hôtel des Deux Mondes a, aujourd'hui, beaucoup perdu de sa superbe.

Comme je l'ai dit, on trouve Louis Gallissian comme représentant des messageries Aubert dans l'Indicateur marseillais, sans interruption de 1852 à 1866. Cela veut dire que tous les Hauts-Alpins assez aisés pour prendre la diligence sont passés entre ses mains. Selon le jeu des solidarités familiales et locales, on le trouve comme témoin de mariage de Marie Marguerite Faudon en 1852 ou de Marie Eulalie Heyriès en 1856, toutes les deux originaires de Volonne. De même, en 1859, il est le témoin du mariage de sa nièce Malvina Escalle, qui se marie à 17 ans, avec un postillon, qui travaillait peut-être pour les messageries Aubert. Il n'est pas exclu qu'il ait contribué à trouver un mari à cette nièce qui était depuis peu orpheline de père. Il sera d'ailleurs témoin de la naissance des enfants du couple. Encore ne s'agit-il que des quelques mentions que j'ai pu trouver, mais il est probable que sa position de premier contact à Marseille pour de nombreux hauts-alpins et bas-alpins devait lui donner un rôle d'intermédiaire et de facilitateur pour tous ces montagnards qui débarquaient dans cette grande ville si différente du monde d'où ils venaient.


Louis Gallissian et sa femme Virginie Escalle quittent Marseille après 1866, dernière mention dans l'Indicateur marseillais. De la même façon qu'ils avaient hébergé leur nièce Pauline Escalle, les deux oncles célibataires de Louis Gallissian et l'oncle maternel de Virginie Escalle, Dominique Gauthier, ils font appel à la solidarité familiale pour les dernières années de leurs vies, d'autant plus que tout indique qu'ils étaient ruinés et n'avaient plus aucun bien et probablement fort peu d'économie. Ils vont d'abord habiter chez leur nièce Honorine Escalle, épouse Motte, à Saint-Firmin (Hautes-Alpes) où Louis Gallissian décède peu de temps après leur installation, le 14 mai 1867. Virginie Escalle reste chez sa nièce au moins jusqu'en 1872. Ensuite, probablement après le décès de cette dernière cette même année, elle est recueillie par une autre nièce, Eugénie Escalle, épouse Boyer-Joly, aux Héritières, hameau de La Motte en Champsaur. Elle y décède le 12 novembre 1879. Elle est revenue mourir là où elle était née 71 ans plus tôt, après une vie qu'elle avait sûrement imaginé plus brillante.

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