dimanche 29 avril 2018

Découverte improbable : un manuscrit de notre cousin Émile Cornemillot

Pour la 3e fois, je viens de mettre la main tout à fait par hasard sur un document de famille.


Comme toutes les années, je me suis rendu au Salon du livre ancien qui se tient au Grand-Palais à Paris. Je n'y vais évidemment pas pour chercher des documents de famille, mais plutôt pour y dénicher quelques beaux livres pour ma bibliothèque dauphinoise ou littéraire. C'est en parcourant les rayons d'un libraire plutôt spécialisé dans la littérature que j'ai eu l’œil attiré par un petit ouvrage étroit au dos duquel on pouvait lire : Souvenirs de Côte-d'Or. 1870-1871


Par curiosité et, peut-être mû par une sorte de 6e sens, j'ai sorti le livre du rayonnage pour le consulter. J'avais déjà à l'esprit qu'une partie de notre famille vivait dans ce département lors de la guerre de 1870 et qu'en particulier, nous avions un lointain oncle, Adolphe Duthu, qui était mort lors des combats de la défense de Dijon en octobre 1870. Mais je ne m'attendais pas à la trouvaille que j'ai faite. Ouvrant l'ouvrage, je découvre qu'il s'agit d'un manuscrit. Je poursuis mes rapides investigations jusqu'à tomber sur cette page où l'auteur a signé son travail. 


Il se localise à Ouges, village dont je me souvenais qu'il était le berceau de la famille Cornemillot, du nom de notre ancêtre Julie Cornemillot, épouse Duthu. La signature pourrait laisser penser qu'il s'agit justement de Cornemillot, mais on pourrait tout aussi bien lire corneminot. Je photographie cette page et dès que je suis rentré chez moi, je pars à la recherche d'un acte d'état-civil pouvant porter la signature d'un des nombreux Cornemillot qui vivaient alors à Ouges. C'est l'acte de décès de Jean Cornemillot, ancien libraire, mort à Ouges en 1866 qui m'offre un beau spécimen de la signature d'Émile Cornemillot, neveu du décédé. 


La comparaison est sans appel. Il n'y a pas de doute possible, ce manuscrit a été rédigé par Émile Cornemillot, le neveu de notre ancêtre Julie Cornemillot. Un rapide échange de mails avec le libraire et le lendemain, j'achetais l'ouvrage.

Le document se présente sous forme de 3 cahiers portant chacun une page de titre. La première partie porte : Souvenirs de la Guerre dans la Côte d'Or. 1870-71. et les 2 autres : Quelques mots de notre situation actuelle.




Le premier cahier est rédigé d'une écriture régulière qui peut laisser penser qu'il a été écrit après les faits relatés, comme des mémoires, ce que laisse aussi entendre le mots de souvenirs dans le titre. Il couvre la période du 6 octobre au 12 novembre 1870. Même si cela n'est pas clairement dit, il est probable qu’Émile Cornemillot a été témoin oculaire de ces combats en tant que garde national volontaire.


Les deux autres cahiers, qui couvrent la période de décembre 1870 et de janvier à avril 1871 sont rédigés comme un journal des événements tels qu'ils étaient vécus depuis Ouges par Émile Cornemillot. L'écriture en est plus irrégulière et la présentation paraît plus "fouillis" que la première partie.


Dans ces récits, il y a peu de faits personnels. Émile Cornemillo relate essentiellement les combats et ce qu'il peut en savoir depuis Ouges. Dans les derniers mois, il rapporte les différents événements politiques (élections en particulier) et le début de la Commune de Paris (qu'il ne semble pas approuver), mais ce journal ne va malheureusement pas assez loin pour que l'on connaisse ses sentiments à propos de la répression de la Commune par les Versaillais.

Comme je le disais en introduction, Émile Cornemillot évoque le décès de son cousin germain Adolphe Duthu (1840-1870). Nous savions déjà que ce dernier était mort le 30 octobre 1870 lors des combats de la défense de Dijon, comme le relate Clément-Janin, dans : Journal de la guerre de 1870 1871 à Dijon et dans le département de la Côte-d'Or :

Dans son manuscrit, Émile Cornemillot apporte cette précision sur les circonstances du décès d'Adolphe Duthu :


Peut-être qu'Émile Cornemillot a participé à ces combats, car un Cornemillot est cité parmi les membres de la compagnie Blavier : « La compagnie Blavier [compagnie de gardes nationaux volontaires] se porte sur Couternon, renforcée de quelques volontaires, parmi lesquels Tassin, Cornemillot, Duthu, Jeannel, Bresson. ».

Qui était Émile Cornemillot ? Il est à né à Ouges, le 28 juin 1832, fils de Pierre Cornemillot, médecin, et de Claudine Dupuis. Ouges est une commune de la périphérie de Dijon, à une dizaine de kilomètres au sud-est du centre de Dijon. 


Au moment de la naissance d’Émile Cornemillot, c'était une commune essentiellement agricole, d'un plus de 400 habitants. La famille Cornemillot est implantée dans ce village depuis le début du XVIIIe siècle lorsque Philippe Cornemillot, de Rouvres, une commune proche, est venu s'installer à Ouges par mariage. Cette famille semble avoir joui d'une certaine notabilité. Le grand-père d’Émile, Jean Cornemillot (1776-1836) [106] a été maire de 1807 à 1817. Il avait succédé à son père, Pierre Cornemillot (1735-1809) [212], maire de 1801 à 1807 et il a été remplacé par son frère Hubert, maire de 1817 à 1821. A eux trois, ils ont donc dirigé la commune pendant 20 ans. C'était une famille de propriétaires cultivateurs, jusqu'à la génération des enfants de Jean Cornemillot qui, de son mariage avec Barbe Bresson (1769-1824) [107], a eu 6 garçons et 2 filles, dont 4 garçons vivants et une seule fille, la cadette de la famille, Julie (1810-1871) [53], qui a épousé un aubergiste de Dijon, Louis Duthu. Parmi les 4 garçons, Pierre (1798-187), l'aîné a été médecin. Il est resté à Ouges toute sa vie pour exercer son art. Le deuxième, François (1801-1853), a été plus modestement aubergiste à Ouges. Vient ensuite Jean (1806-1866), qui a longtemps été libraire à Evreux, après avoir vécu à Paris où il s'est marié. Enfin, le dernier fils, Jean Baptiste (1808-1867) a été longtemps le garde-champêtre d'Ouges.

Livre édité en 1849 par Jean Cornemillot, oncle d’Émile Cornemillot.
C'est dans cette famille qu’Émile est né, fils du docteur en médecine Pierre Cornemillot. Son destin est un peu atypique, car, fils de médecin, il est retourné à l'agriculture. En effet, dans tous les actes le concernant ou dans ceux où il intervient (il est souvent témoin), il est toujours qualifié de cultivateur. Il devait exploiter le domaine familial. Cet environnement (son père, son oncle) explique probablement ses qualités rédactionnelles, l'aisance de son écriture et son orthographe parfaite. Il a suivi les pas de ses ancêtres en étant maire de sa commune, même si cette expérience n'a duré que quelques mois, de janvier à avril 1872. Pour une raison inconnue, mais qui est probablement liée à des arrangements de famille suite au décès de sa mère, il quitte le village et devient régisseur au château de la Forgeotte, à Saint-Nicolas-lès-Citeaux, propriété de la famille Rémondet.


Après quelques année, il revient pour 2 ou 3 ans à Ouges avant de s'installer définitivement à Dijon avec sa famille au début des années 1880. Il devient alors employé de commerce, puis comptable. Il est mort à Dijon le 16 juin 1918, à l'âge de 85 ans. De son mariage avec Anne Bresson (1804-1906), il a eu de très nombreux enfants, dont 5 ont vécu. Il a tout de même vu disparaître avant lui ses deux filles, mortes célibataires à Dijon, respectivement à l'âge de 52 ans et 48 ans, et son fils cadet, Georges, mort pour la France lors de la Première Guerre mondiale, en 1915, à 32 ans. S'il existe une descendance, ce serait du côté de sa fille aînée Augustine, épouse de Charles May, employé du P. L.M à Dijon, ou de son fils Léon, lui aussi comptable à Dijon, dont le fils Georges est mort à Madrid comme secrétaire de la Chambre française de Commerce et d'Industrie.


J'ai commencé ce billet en parlant de hasard. Certes, il y a une part de hasard. Il y a aussi ce goût de la chine qui m'amène à remuer tous les livres d'un salon entier (et je peux vous dire qu'il y a des milliers de livres et que j'y passe des heures). Il n'est donc pas étonnant qu'en voyant tant de livres et de documents, associé à la présence vivante, si j'ose dire, de tous mes ancêtres et cousins en mon esprit, il se fasse soudainement des rapprochements qui me permettent de faire de telles découvertes. Un peu de hasard et beaucoup de persévérance et de travail.

Généalogie ascendante et descendante d'Émile Cornemillot : cliquez-ici.
Lien de parenté avec Emile Cornemillot : cliquez-ici.

jeudi 19 avril 2018

Les tombes de nos ancêtres

Aujourd'hui, je vais faire un point sur les tombes de nos ancêtres. Ayant déjà visité quelques cimetières et photographié les tombes que j'ai découvertes, je peux donner un premier inventaire par branches familiales. C'est en faisant ce travail que j'ai pris conscience de la différence importante entre nos branches paternelle et maternelle. C'est du côté paternel que l'on trouve le plus grand nombre de tombes, les plus anciennes et les plus monumentales. En regard, du côté maternel, les tombes sont plus modestes, moins anciennes, voire inexistantes. Cette différence s'explique par plusieurs raisons, dont la plus importante me semble être la philosophie de vie que sous-tend cet attachement aux tombes. Les tombes monumentales de Grenoble symbolisent une culture qui valorise la lignée familiale, le culte des morts, voire presque le culte des ancêtres, et la volonté de représentation sociale auprès de la communauté. A l'inverse, les tombes inexistantes de la famille Magron/Duthu semblent signifier un moindre attachement à nos ancêtres décédés, que l'on pourrait résumer par cette phrase : "Quand on est mort, on est mort". Autrement dit, rien ne sert aux vivants d'attacher trop d'importance à nos morts et surtout à leurs tombes. Cela ne préjuge en rien des liens d'affection qui ont pu exister envers eux.

Commençons la visite.

Famille Barféty

La tombe la plus ancienne est celle de Joseph Barféty (1816-1883) [16] et Joséphine Uginet-Chapot (1830-1902) [17] qui se trouve à Venthon (Savoie), là où ils vivaient lors de leurs décès. Cette tombe abrite aussi Jeanne Jacquin (1803-1892) [35], la mère de Joséphine Uginet-Chapot.



La tombe est envahie par la végétation. Pour photographier la plaque, j'ai dû dégager le lierre envahissant qui la masquait.

A la génération suivante, Ferdinand Barféty et son épouse Marie Donnet sont enterrés dans la tombe de la famille Donnet au cimetière de Voiron. Cette tombe abrite 3 générations d'ancêtres : Charles Donnet (1848-1928) [18] et Joséphine Girard (1852-1915) [19] ; Ferdinand Barféty (1862-1940) [8] et Marie Donnet (1875-1956) [9] ; André Barféty (1896-1983) [4] et Anne-Marie Quiney (1906-1991) [5].



Famille Donnet

C'est la famille la plus riche (si j'ose dire) en tombes anciennes. C'est la branche de notre famille dans laquelle on trouve le plus de tombes abritant des ancêtres de la 7e génération (les arrière-grands-parents de nos arrière-grands-parents). 

La tombe de la famille Donnet se trouve à Albertville.


On y trouve Joseph Donnet (1780-1845) [72] et Agathe Berthoud (1791-1875) [73] et leur fils Jean-Baptiste Donnet (1812-1869) [36], avec sa première épouse, notre ancêtre Joséphine Plaffet (1822-1851) [37]. En revanche, comme on l'a vu, la génération suivante se trouve à Voiron.

Dans les autres branches de cette famille, la tombe la plus impressionnante est sans conteste celle des familles Charmant, Beauregard et Armand au cimetière Saint-Roch de Grenoble. Elle contient pas moins de 33 personnes, mais seulement un seul de nos ancêtres, Antoine Charmant (1794-1876) [78]. Son épouse, Benoîte Revol n'est pas enterrée ici, car ses restes ont dû disparaître avant l'acquisition de cette concession qui doit dater des années 1870. Sa mémoire est rappelée sur la plaque. Les autres personnes de cette tombe sont les descendants de Julien Charmant, leur fils, alors que nous descendons de leur fille Louise Charmant.



Louise Charmant et son mari Antoine Girard sont enterrés dans la tombe Girard du cimetière Saint-Roch, conçue selon le même principe, mais on n'y trouve "que" 18 personnes. Y sont donc inhumés : Joseph Girard (1791-1868) [76] et Jacqueline Rosset (1798-1870) [77] ; Antoine Girard (1818-1896) [38] et Louise Charmant (1832-1860) [37]. Le reste de la tombe est occupé par la famille de leur fils Pierre Girard, alors que nous descendons de sa sœur Joséphine Girard qui est enterrée à Voiron avec son mari Charles Donnet.



En conclusion, les tombes de 6 des 8 arrière-grands-parents et celles de tous les grands-parents de Marie Donnet sont connues. Pour les 2 arrière-grands-parents manquants (Louis Plaffet (1798-1855) [74] et Françoise Neyret (1800-1825) [75]), il faudrait faire un recherche au cimetière de Faverges (Haute-Savoie) pour vérifier si elle existe encore.

Famille Quiney

Les deux tombes Quiney et Favier se trouvent côte-à-côte au cimetière de Chambéry.
Dans la tombe Quiney, on trouve : Henri Quiney (1827-1889 [20] et son épouse Anne-Marie Favier (1838-1923) [21] et leur fils Joseph Quiney (1872-1936) [10] et son épouse Nelly Bardin (1882-1962) [11].



Dans la tombe voisine, ce sont le grand-père et les parents d'Anne-Marie Favier : Joachim Favier (1814-1882) [42], son épouse Laure Folliet (1816-1872) [43] et son père Étienne Favier (1786-1866) [84]. Où se trouve l'épouse de ce dernier, Françoise Millex (1777-1834) [85] ? Sa tombe a peut-être été détruite avant le décès de son mari Étienne Favier, pour lequel a été achetée la concession en 1866. Ses reste n'ont pu y être transférés.



Il y a quelques années, je suis allé à Crécy-la-Chapelle (Seine-et-Marne) pour chercher la tombe de Charles Quiney (1794-1867) [40], le père d'Henri Quiney. Elle n'existait pas.

Famille Bardin

La tombe de la famille Bardin à Charavines est construite sur le même modèle que celle des Girard et des Charmant à Grenoble, c'est-à-dire sous forme d'un mur reprenant un nombre important de noms. En l'occurrence, on y trouve 22 personnes, depuis le premier enterré, Jean-Baptiste Bardin, en janvier 1856, jusqu'à Hélène Bardin qui y repose depuis janvier 2015.  On y trouve donc un arrière-grand-père d'une de nos arrière-grands-mères, Jean-Baptiste Bardin (1775-1865) [88], puis les deux générations suivantes : Élisée Bardin (1810-1866) [44] et son épouse Marie Lombard (1814-1889) [45], leurs fils Marc Bardin (1845-1926) [22] et son épouse Maria Froment (1847-1926) [23]. L'épouse de Jean-Baptiste Bardin, Alexandrine Buisson (1788-1834) [89] est absente de cette tombe.


Je suis allé au cimetière de Villard-Saint-Christophe pour chercher une éventuelle tombe de la famille Froment, mais il n'y en a pas. Il n'y a d'ailleurs aucune tombe vraiment ancienne dans ce cimetière.

Famille Magron

Nous arrivons dans une famille qui se caractérise par le faible nombre de tombes. Même celle de nos arrière-grands-parents, Gabriel Magron (1869-1946) [12] et son épouse Berthe Duthu (1875-1955) [13], qui se trouvait à Château-Arnoux (Alpes-de-Haute-Provence) a disparu. C'est visiblement un choix dû à un moindre attachement aux tombes, qui est presque à l'extrême opposé des tombes monumentales du cimetière de Grenoble.

Dans cette famille, il n'existe, à ma connaissance, que la tombe de Jules Magron (1818-1892) [24], au cimetière de Prauthoy (Haute-Marne). Comme on le voit, elle est en piteux état (c'est la tombe qui est penchée, pas le photographe !)


S'y trouve la première épouse de Jules Magron, Zélia Dargentolle (1820-1861), mais pas la seconde, notre ancêtre, Céline Prodhon (1831-1909) [25]. Peut-être que son décès à Pont-l'Évêque (Calvados) explique que son corps n'ait pas été ramené à Prauthoy.

La tombe de nos grands-parents Magron, André Magron (1899-1996) [6] et Louise Escalle (1903-1994) [7] se trouve au cimetière de Bron (Rhône), mais je n'ai pas de photo.

Famille Duthu

A ma connaissance, il n'y a aucune tombe. Pour en avoir le cœur net, il faudrait aller au cimetière de Beaune où l'on trouverait peut-être la tombe des parents de Berthe Duthu, Auguste Duthu (1835-1899) [26] et Pauline Poirier (1844-1895) [27].

Famille Escalle

La seule tombe est celle qui abrite nos arrière-grands-parents Hippolyte Escalle (1862-1939) [14] et Marie Roux (1868-1937) [15] au cimetière de Briançon.



Cette tombe abrite aussi notre père Alain Barféty (1932-2010) [2].

Dans les années 1980, nous étions allés à La Motte-en-Champsaur. Dans l'ancien cimetière qui jouxtait l'église, se trouvaient les tombes, en mauvaise état, de Paul Gaignaire (1794-1870) [58], de son épouse Rosalie Gentillon (1807-1868) [59] et de leur fille Zoé Gaignaire (1839-1918) [29], épouse Escalle. Quelques années plus tard, elles avaient toutes disparu.

Famille Roux

Comme pour la famille Duthu, il n'y a aucune tombe pour cette branche familiale. Une visite au cimetière de La Salle-les-Alpes montre qu'il n'y quasiment pas de tombes anciennes, là où on aurait pu trouver la tombe des parents de Marie Roux, Denis Roux (1830-1877) [30] et Joséphine Salle (1836-1896) [31]. Visiblement, l'usage des concessions perpétuelles était moins répandu dans ce cimetière. Cela, associé à une politique active de récupérations des tombes anciennes, explique probablement cette absence de tombes.

Aux termes de cette revue, et sous réserve des tombes qui restent à découvrir, je peux donner une statistique des tombes subsistantes par génération :
3e génération (grands-parents) : 4 sur 4.
4e génération (arrière-grands-parents) : 6 sur 8.
5e génération :  9 sur 16, dont 8 sur 8 dans la branche paternelle.
6e génération : 9 sur 32, toutes dans la branche paternelle.
7e génération : 8 sur 64, toutes dans la branche paternelle.

Il reste quelques visites de cimetière en perspective.

mercredi 11 avril 2018

Etienne Janus Girard : un peintre savoyard à Naples

Il y a quelques années, j'ai eu la chance de trouver ce tableau dans une vente aux enchères à Chambéry :


Il est signé et daté en bas à gauche : "Jean Grossgasteiger/1861".

Comme on peut le voir, il représente un tombeau avec, en arrière plan, un paysage méditerranéen que l'on identifie immédiatement comme la baie de Naples, avec le Vésuve fumant légèrement au dernier plan.  En s'approchant, on voit que ce mausolée porte une longue inscription :


On peut la déchiffrer avec un peu de patience (et une bonne vue !) :

A la mémoire chérie
de Etienne Janus Girard
Négociant Paysagiste Amateur
Né à St-Alban (Savoie) le XXVIII Décembre MDCCCXX
Décédé à Naples le IV Septembre MDCCCXLIX
La prédilection pour le genre d'art qu'il cultiva
lui mérita de bonne heure
plusieurs mentions honorables.
Fils tendre, frère affectueux,
tu vivras sans cesse dans le cœur de tes parents
et le bonheur que tu goûtes en l'autre vie
peut seul adoucir
l'amertume de leurs regrets.
Priez pour lui

Comme on le voit, le peintre a représenté le tombeau d'un de ses confrères. Mais qui est donc cet Étienne Janus Girard ?

Son acte de baptême dans les registres de Saint-Alban-Leysse, en Savoie, nous apprend qu'il est le fils de Joseph Girard [76] et de Jacqueline Rosset [77]. Il est né le 28 décembre 1820 et il a été baptisé le même jour sous le seul prénom d’Étienne :


Son acte de décès passé le 4 septembre 1849 dans le quartier (Circondario) San Fernando nous apprend qu'il est mort célibataire le 3 septembre 1849 (et non le 4 comme l'annonce la tombe) à l'âge de 28 ans. Il est appelé Stefano Girard, son prénom ayant été italianisé. Il est alors cartaio, comme son père, dont le prénom a été lui aussi italianisé en Guiseppe. Il vit avec ses parents au 185 de la Via Toledo, la grande artère commerçante de Naples.


En réalité, avant même d'avoir acheté ce tableau, j'en savais plus sur cette famille et la raison de sa présence à Naples en ce milieu du XIXe siècle.

Au mois d'août 1821, le pharmacien grenoblois Étienne Breton dépose avec ses fils une demande pour la construction d'une papeterie au Pont-de-Claix, un hameau proche de Grenoble, célèbre pour son pont en une seule arche au-dessus du Drac. Pour constituer son personnel, il fait visiblement appel à des ouvriers papetiers ayant déjà des compétences dans le métier. Justement, à Saint-Alban-Leysse, en Savoie, près de Chambéry,  se trouve une papeterie fondée par la famille Aussedat, provenant d'Annonay. On peut imaginer que c'est à ce titre que Joseph Girard, né à Saint-Alban en 1791, et sa femme Jacqueline Rosset, née au Bourget-du-Lac, sont venus habiter le Pont-de-Claix, où on les retrouve dès 1825. Joseph Girard est alors qualifié de papetier, résidant près le Pont-de-Claix à la papeterie de Mr Breton, né Saint-Alban (Savoie). Leurs deux premiers enfants, dont Étienne qui nous intéresse ici, sont nés à Saint-Alban. Ensuite, l'ouvrier papetier semble avoir bien évolué. Vers 1830, sans que l'on connaisse la date précise, il s'installe à Naples, où on le trouve qualifié de "negoziante di carta", de "fabricante di carta" ou "cartaio", tous termes que l'on peut résumer sous le titre de "papetier" (Carta est un faux ami en italien qui signifie papier). Il assurait probablement la distribution des productions de la papeterie du Pont-de-Claix dont on sait qu'en 1838, elle vendait 38 % de sa production dans la péninsule.



Dans cet Album scientifico-artistico-letterario. Napoli e sue provincie, publié en 1845 par Borel et Bompard (deux libraires briançonnais installés à Naples !), dans la rubrique : Librai, Ligatori e Negozianti di Carta ed Oggetti da Scrittoio, il est mentionné :

Le "G" pour Guiseppe, soit Joseph en italien.

Joseph Girard et Jacqueline Rosset sont venus à Naples avec leur 3 enfants, dont le fils aîné Antoine (Saint-Alban-Leysse 9 septembre 1818 -  Pont-de-Claix 21 septembre 1896), notre ancêtre et Étienne. Ils auront deux autres enfants, nés à Naples en 1834 et 1836. C'est comme cela que l'enfant Étienne, de Saint-Alban, s'est retrouvé à Naples où il a pu donner libre cours à sa passion pour la peinture dans une ville propice à cela. Cependant, la peinture n'occupera pas toute sa vie, car il contribue aussi, avec son père et ses frères, au négoce de papier qui est en train de faire la fortune de la famille, d'où son qualificatif de "Négociant" sur son tombeau et de "Cartaio" (papetier) dans son acte de décès. C'est peut-être l'origine du prénom supplémentaire "Janus", choisi pour illustrer les deux faces de sa personnalité : négociant et peintre. Il l'a peut-être utilisé comme nom d'artiste.

La présence de la famille est attestée à Naples jusqu'au milieu des années 1850. Ils reviendront s'installer au Pont-de-Claix où il feront construire une belle maison bourgeoise à l'entrée de la ville, au bout du cours Saint-André, en venant de Grenoble.

Une dernière remarque. Même si les liens entre cette famille et la papeterie de Pont-de-Claix expliquent en partie leur présence à Naples et leur activité de papetier, je m'interroge sur le choix de cette destination. N'y avait-il pas déjà un représentant de la famille dans cette ville ? En effet, lors de mes recherches sur Guisepppe Girard, j'ai trouvé une autre personne portant ce nom et ce prénom, d'origine française et installée au début du XIXe siècle aussi via Toledo où il exerçait la profession d'éditeur de musique (il a publié les œuvres de Rossini, Donizetti, etc.) S'agissait-il d'un oncle de notre Joseph Girard, ce qui expliquerait ce regroupement familial. L'enquête continue !

Pour revenir au peintre Étienne Janus Girard, il faut constater que, malheureusement, il ne semble pas avoir signé ses œuvres. J'ai la chance de posséder un de ses tableaux, que m'avait donné une de nos cousines (c'est une peinture à l'huile) :


Mais il semble avoir été plus à l'aise avec l'aquarelle gouachée, comme cette vue de la baie de Naples et du Vésuve :


Autre tableau d’Étienne Girard, qui est une vue de la baie de Naples, probablement depuis le Pausilippe (Posillipo) :



Comme on le voit, ces tableaux sont de bonne facture. Je sais qu'il en existe d'autres, dispersés dans la famille. Il y a aussi tous ceux que les partages et ventes ont fait disparaître, si l'on peut dire, puisqu'il est désormais impossible de les identifier à cause de leur anonymat.

Le tombeau d’Étienne Janus Girard existe toujours au cimetière de Poggioreale à Naples. Il a été répertorié dans un inventaire du patrimoine. A ce titre, il a fait l'objet d'une notice (cliquez ici), illustrée d'une photographie qui met malheureusement mal en valeur le monument :


Comme pour répondre à ce tombeau, tout le reste de la famille Girard, c'est à dire ses parents, ses frères et une partie de ses neveux, jusqu'à nos jours, est enterré au cimetière Saint-Roch à Grenoble.



Généalogie ascendante et descendante d’Étienne Girard : cliquez-ici.
Lien de parenté avec Étienne Girard : cliquez-ici.

mercredi 4 avril 2018

La chapelle de la famille Roux, à La Vachette

Au début du XIXe siècle, à La Vachette, hameau de Val-des-Près, près de Briançon, la branche de la famille Roux dont nous descendons était représentée par Claude Roux (1764-1828), sa femme Luce Caire (1766-1835), originaire de La Salle et leurs enfants, le fils aîné François, nôtre ancêtre, et les 3 filles : Catherine, Thérèse et Madeleine. Les 3 filles se sont mariées en dehors du village, respectivement avec Jacques Ollagnier, de Saint-Chaffrey, Pierre Roul, de Saint-Blaise, et Jean Faure-Brac, un douanier originaire de Cervières. Pour une raison indéterminée, François Roux a quitté son village natal après son mariage avec Germaine Guibert, des Pananches (hameau de La Salle-les-Alpes) en 1826, et s'est installé chez son beau-père.

C'est ainsi qu'au début des années 1830, il ne reste plus aucun représentant de cette famille Roux à La Vachette. Cette famille semble avoir disposé d’une certaine aisance. Pourtant, en 1841, lorsque le cadastre de la commune est établi, elle ne possède plus rien sur le territoire de la commune. Toutes les propriétés de la famille ont été liquidées. Toutes, sauf une. François Roux n'a gardé que la propriété d’une petite chapelle , comme on le voit sur cet extrait de la matrice cadastrale :


Le plan cadastral permet de situer cette chapelle :


Elle se trouvait à la sortie de La Vachette, sur une petite parcelle de 12 centiares, soit 12 m2, située le long de la route qui mène à Névache et au bord de la Durance.

Dans tous les villages de la région, il était courant que certaines familles construisent ainsi des chapelles. Sur le territoire de La Vachette, à l'entrée du village depuis Briançon, se trouve encore la chapelle de la famille Prat. Elle nous permet de nous faire une idée assez juste de ce devait être celle de la famille Roux.




La chapelle de la famille Roux devait être aussi un petit édicule, d'aspect assez modeste. La famille devait l’avoir fourni de quelques objets de culte et, j'imagine, de modestes statuts et autre ornements religieux. Je ne connais pas les conditions pour ériger et posséder ce type de chapelle. Il est probable qu'il fallait disposer d'une autorisation de l'autorité ecclésiastique. L'édifice était ensuite consacré par le curé du lieu. Pour les familles, c'était surtout la marque de leur enracinement dans le village, une démonstration d'une forme de notabilité et respectabilité et, en la positionnant à l’entrée du village, une manière de montrer leur emprise sur le territoire de la commune. Disposer d'une parcelle, faire construire un bâtiment, même modeste, et entretenir ce lieu de culte nécessitaient une certaine aisance financière. Cela pouvait aussi répondre à un vœu fait par un membre de la famille ou une donation par une personnalité qui souhaitait remercier son village.

Vu la forte charge symbolique et familiale de ce type d’édifice, il était donc normal que François Roux ne garde que ce bien sur le territoire de la commune. Ainsi, il marquait sa fidélité à la lignée familiale et perpétuait son enracinement sur le territoire de la paroisse de La Vachette.

Qu'est devenue cette chapelle ? Nous ne savons pas quand la famille s'en est dessaisie, ni au profit de qui. Elle a été démolie dans les années 1965-1970, car, trop au bord de la route, elle gênait le trafic et empêchait d’élargir cette voie de communication vers Névache qui devenait de plus en plus passante. Il ne reste plus que l'emplacement, sur une petite bande de terre entre la route et la Durance, approximativement là où se trouve la bannière publicitaire pour le camping proche.


Sur le cadastre actuel, la parcelle existe toujours, comme on le voit sur ce tracé des parcelles en surimposition d'une photo aérienne. On voit bien qu'elle empiète sur la route moderne :


Je me suis essayé à reconstituer l'image que l'on en aurait si elle existait encore :


Certes les ombres ne sont complètement cohérentes (je n'ai pas tant d'images de chapelles sous la main !) et j'ai préféré la positionner un peu en retrait de la route, comme il se doit (cela aurait paru un peu étrange d'avoir une chapelle en partie sur la route); Malgré cela, j'espère que cette reconstitution nous donne une image suggestive de la chapelle de la famille Roux à La Vachette.

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