mercredi 3 septembre 2025

Pauline Escalle (1849-1919), ép. Jean Pierre Bornaque et Henri Dupré, et sa descendance

Comme nous le rappelions dans les articles consacrés à ses sœurs Malvina et Léonie, lorsque, le 4 octobre 1858, Hippolyte Escalle [56] meurt à La Motte-en-Champsaur, à l'âge de cinquante-quatre ans, il laisse une veuve, Mélanie Robert, âgée de quarante-trois ans et quatre enfants, l'aîné et unique fils, Hippolyte [28], vingt ans, Malvina, seize ans, Léonie, onze ans et Pauline, neuf ans. Il laisse surtout une situation patrimoniale dégradée sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir. Dès le mois de mars 1859, la fille aînée se marie à Marseille. Sa vie se passera désormais loin de La Motte-en-Champsaur. Pauline Escalle, la cadette n'a que neuf ans. C'est son histoire et celle de sa descendance que nous allons dérouler dans cet article.

Pauline Escalle (1849-1919), ép. Bornaque et Dupré

En 1861, lors du premier recensement après le décès de son père, Pauline est une jeune bergère de douze ans, avec sa mère et son frère Hippolyte qui cultive le domaine avec un domestique. Après le mariage d'Hippolyte, en 1861, qui est devenu de ce fait le chef de famille, sa mère Mélanie Robert, veuve Escalle et ses deux sœurs Pauline et Léonie ont quitté La Motte-en-Champsaur et la maison familiale. Elles sont absentes du recensement de 1866. Sont-elles allées à Marseille rejoindre Malvina, leur fille et sœur, qui vit désormais séparée de son mari Casimir Salignon parti pour Nice ? C'est probable, même si nous n'avons aucune preuve de cela. En 1872, la mère, Mélanie Robert, veuve Escalle, est revenue à La Motte, sans sa fille Pauline. qui n'apparaîtra plus jamais au village. Peut-être celle-ci a-t-elle considéré qu'elle n'avait pas d'avenir à La Motte-en-Champsaur. Comme ses sœurs, elle ne peut guère espérer de dot, donc de partis avantageux au village ou au pays. Sa sœur Léonie a épousé en 1869 Auguste Servel qui vient occuper une partie de la maison familiale et cultiver le domaine de sa belle-mère. Pauline n'a donc pas non plus cet « atout » pour trouver un éventuel mari au pays. Puis, autour d'elle, elle voit tellement de jeunes gens et jeunes filles tenter leur chance, soit en Amérique, soit à Marseille, soit en Algérie. Peut-être se dit-elle : « Pourquoi pas moi, plutôt que de rester au village sans avenir ? »

On retrouve la trace de Pauline Escalle le 24 août 1870 à l'hôpital civil de Constantine où elle donne le jour à une petite fille, Marie Eugénie, qui est déclarée et reconnue par son père, Jean Pierre Bornaque. La mère vient d'avoir vingt-et-un ans et le père vingt-six. Ils vivent ensemble route du Bardo, à Constantine mais ne sont pas mariés. Il est marchand de chiffons, originaire de Toulouse où il est né le 25 mai 1844. Elle est domestique. Le recensement militaire de la classe 1864 nous apprend que Jean Pierre Bornaque (appelé Bournaque dans ce document) était déjà en Algérie en 1864 comme chiffonnier, à Blida. Son degré d'instruction est « 0 », ce qui signifie qu'il ne sait ni lire, ni écrire. Dans les faits, lors de la naissance de sa fille et dans les quelques actes où il apparaît, il sait au moins signer son nom, certes de façon maladroite.

Signatures de Jean Pierre Bornaque et Pauline Escalle
lors de leur mariage (1874)


Quant à Pauline Escalle, on peut penser qu'elle a rejoint l'Algérie depuis Marseille, peut-être en même temps et conjointement avec sa sœur Malvina, vers 1868 ou 1869. Cette première enfant meurt quelques mois plus tard, à Philippeville, le 2 mai 1871, à l'âge de huit mois. Aujourd'hui Skikda, Philippeville est une ville côtière, à une petite centaine de kilomètres au nord de Constantine. Peut-être que le métier de marchand de Jean Pierre Bornaque le conduit à souvent changer de domicile. En effet, en décembre 1871, ils habitent désormais à Alger, à plus de quatre cents kilomètres à l'est de Philippeville. C'est là que Pauline Escalle donne naissance à sa seconde fille, Madeleine Noëli (sans « e », dans l'acte de naissance), le 20 décembre 1871, au domicile du couple, 4, rue des Mulets, à Alger. Ils ne sont toujours pas mariés, mais Jean Pierre Bornaque reconnaît cette enfant. Il est désormais papetier et elle couturière.

Le 11 juillet 1874, après plus de quatre années de vie commune, ce qui est très inhabituel à l'époque, Jean Pierre Bornaque et Pauline Escalle régularisent leur situation. Ils habitent désormais à Blida, une ville à une quarantaine de kilomètres au sud d'Alger, où il avait vécu jeune homme. Il est toujours marchand de chiffons, installé dans les faubourgs de la ville, hors la porte Kobourg. Quant à Pauline, elle est désormais dite sans profession. Sa mère Mélanie Robert, veuve Escalle, a donné son consentement par un acte en brevet devant Me Jouglard, à Gap, le 20 juin 1874. Le jour de leur mariage, ils légitiment leur fille Madeleine Noëli. À notre connaissance, ils n'ont pas eu d'autres enfants. Les lacunes dans l'état civil d'Algérie qui a été conservé ne permettent pas toujours d'en avoir la certitude. Il est cependant avéré que seule Madeleine a eu une descendance comme on le verra. Sa fiche matricule nous informe qu'en février 1877, Jean Pierre Bornaque change une nouvelle fois de domicile et s'installe à  Médéa, puis en septembre de la même année, il revient à Alger. Le 11 mars 1881, ils se rendent chez Me Brice, notaire, à Alger, pour donner une procuration dans le cadre de la succession de la mère de Pauline, Mélanie Robert, veuve Escalle. Ils habitent alors à Alger, 45, rue de la Casbah. Il est toujours marchand de chiffons.

L'entrée de la Casbah d'Alger, photo de Félix Jacques Antoine Moulin (1802-1879), vers 1856-1857

Pourtant, Jean Pierre Bornaque déclare encore un changement de domicile, en mai 1882, pour Bône. Ces fréquents déménagements en Algérie expliquent probablement que lors du règlement judiciaire de la succession de Mélanie Robert, veuve Escalle, qui débute en 1879, personne ne semble savoir où vit Pauline Escalle, ni même qu'elle est mariée. Dans tous les actes, elle est alors domiciliée à La Motte-en-Champsaur, ce qui est manifestement faux. Lorsque Me Jean André Matheron, huissier de justice à Saint-Bonnet, se rend le 23 décembre 1880 à La Motte-en-Champsaur pour lui signifier le jugement d'adjudication des biens de sa mère et lui en remettre une copie, c'est sa belle-sœur Zoé Gaignaire, veuve Escalle qui réceptionne le document qui est toujours dans les archives familiales. Visiblement, il ne lui est jamais parvenu. Ce n'est que quelques mois plus tard, en mars 1881 comme on l'a vu, qu'elle se manifeste ou qu'on la retrouve, ce qui lui permet de toucher en février 1882 la modeste somme de 1 209,83 francs, dont 430 francs de sa belle-sœur. Si on remonte dans le temps, un autre oubli s'est fait à son détriment. Lors du partage des biens indivis de son père Hippolyte et de son frère Hippolyte, en mai 1868, on lui attribue une parcelle formée par le douzième de la contenance cultivée de Sarroution, à La Motte, d'une valeur estimée de 1 061 francs qui représente sa part dans la succession de son père. En réalité, le cadastre ne prendra jamais en compte ce transfert de propriété, qui sera oublié. Lors de la succession judiciaire de sa mère, cette parcelle sera comprise dans les terres saisies et ne lui sera jamais attribuée ou restituée. Mineure, âgée de dix-neuf ans lors du partage de 1868, elle vivait soit à Marseille, soit déjà en Algérie et peut-être n'a-t-elle jamais eu connaissance de cette attribution. Et probablement que personne ne le lui a rappelé en 1879, d'autant plus qu'on ne savait pas (ou on ne voulait pas savoir), où elle se trouvait. En définitive, les 1 200 francs et quelques qu'elle touche en février 1882 représentent tout ce qu'elle reçoit en héritage de ses parents, alors que la valeur de leurs biens à La Motte-en-Champsaur avait été estimée à 19 000 francs en 1868.

Sur cette carte de l'Algérie, ont été reportés les principales villes habitées par Jean Pierre Bornaque et Pauline Escalle depuis le début de leur vie commune, faisant ainsi apparaître une certaine instabilité jusqu'à leur installation à Blida et sa région probablement dans les années 1890

Entre 1882 et 1899, nous perdons la trace de Jean-Pierre Bornaque et Pauline Escalle. À une date inconnue, ils se séparent sans que, manifestement, ils le formalisent par un divorce, pourtant autorisé depuis 1884. La complexité et le coût de la procédure étaient tels que de nombreux couples préféraient vivre chacun de leur côté, plutôt que d'officialiser une séparation, surtout lorsqu'il n'y avait aucun bien à se partager, ce qui était leur cas. En 1899, Jean-Pierre Bornaque habite de nouveau à Blida, comme journalier. Le 26 octobre, il se rend devant l'officier public de l'état civil pour donner son consentement au mariage de sa fille. Visiblement, il ne souhaite pas être présent à la cérémonie ou on ne souhaite pas sa présence, car, en dépit des quinze kilomètres qui séparent les deux communes, il n'a pas fait le déplacement à Boufarik le jour des noces, le 9 décembre 1899. Ensuite, on perd totalement sa trace. On sait seulement qu'il est décédé avant 1912. Au même moment, Pauline Escalle habite avec sa fille unique à Boufarik. Le jour du mariage, parmi les témoins, on relève le nom d'Henri Dupré, âgé de trente-neuf ans, horticulteur à Boufarik. Avant de poursuivre notre récit, revenons sur cet homme dont le destin a été intimement lié à celui de Pauline Escalle et de sa famille pendant quelques décennies.

Henri Dupré (1861-1932), horticulteur-pépiniériste à Boufarik

Henri Dupré est né à Aumale le 28 mars 1861. Sa mère est originaire de Toulouse, son père, Élie Cyrille Dupré, originaire de Valloire en Savoie, est d'abord employé des subsistances militaires, à Aumale (1850-1853), puis, après un court séjour en France, à Toulouse (1854-1855), puis Bordeaux (1857), il revient s'installer à Aumale vers 1860 où il gère un hôtel tout en étant pâtissier. Une lettre écrite au journal Akhbar, le 20 octobre 1867, montre un bon niveau d'instruction et d'éducation et un esprit entreprenant et plein d'initiative (cliquez-ici). On retrouvera ces traits de caractère chez ses enfants Henri et Baptistine.

Akhbar, journal de l'Algérie, du 26 juin 1864

Akhbar, journal de l'Algérie, du 27 décembre 1867

Henri Dupré perd son père en 1869, puis sa mère en 1874. Orphelin à l'âge de treize ans, on ne sait rien de sa vie jusqu'en 1895. Si ses frères Léon et Joseph sont devenus horlogers après le décès de leurs parents, lui devient horticulteur. Il est déjà membre de la Société d’Horticulture d’Alger en 1895, alors qu'il travaille chez Émile Vuillard, à Boufarik. Dès 1898, il semble être désormais son propre patron, toujours à Boufarik. Depuis cette date jusqu'en 1928, son nom apparaît régulièrement dans la presse coloniale, que ce soit pour des annonces commerciales, que pour les prix et récompenses qu'il reçoit comme une médaille d'or en 1898, lors du concours agricole de Boufarik.

La Dépêche algérienne, du 2 novembre 1908

En avril 1909, il devient président de « La Lyre Boufarikoise », une société chorale fondée en 1907 pour propager le goût de la musique vocale. Comme le rapporte La Dépêche algérienne, du 18 juillet 1909 : « Jeudi soir, M. Dupré Henri, président de la « Lyre Boufarikoise », en l’honneur de la remise du drapeau et de la St-Henri, sa fête, offrait, dans le grand hall de son établissement horticole, un lunch aux sociétaires de la « Lyre » et au « Club Gymnastique ». […] Pendant toute la soirée, la plus franche gaîté n’a cessé de régner et chansonnettes, monologues, etc., se succédaient sans interruption et salués de salves d’applaudissements. […] La soirée s’est terminée par le chœur « Ruisseau et Berger », chanté admirablement par la « Lyre », qui a été très applaudie. » À cette occasion, il offre une baguette en ébène et argent au chef de la chorale, M. Gérin. Cette anecdote montre qu'il était une personnalité reconnue et appréciée de la communauté boufarikoise.

Quelles étaient les relations entre Henri Dupré et Pauline Escalle, épouse Bornaque, en 1899 ? Nul ne le sait, mais il est fort probable qu'ils sont déjà proches, voire qu'ils vivent maritalement ensemble, rue Kléber, qui sera l'adresse de la famille durant toutes ces années. 

Boufarik, rue Kléber (aujourd'hui, rue Cherchali Boualem)

C'est aussi à Boufarik que certains des neveux et nièces de Pauline Escalle, enfants de sa sœur Léonie Escalle, épouse Servel, décédée en 1883, viennent vivre comme nous l'avons vu. De façon certaine, c'est Ernest Servel, jardinier, qui réside en Algérie dès 1894, puis, qui, après son service militaire, est domicilié à Boufarik, rue Kléber, où il travaille probablement pour Henri Dupré. Il fera presque partie de la famille jusqu'à son départ pour les États-Unis en 1904. Son nom sera régulièrement cité dans les avis de décès jusqu'à celui de son oncle par alliance Henri Dupré, en 1932. Ses deux autres frères, Arthur et Léon Servel, habitent aussi à Boufarik, le premier en 1897, comme jardinier et cocher, et le second, en 1900, comme forgeron. Ils partiront aussi aux États-Unis. Les trois sœurs Servel, Léonie, Adrienne et Marie, toutes les trois entrées en religion à Nîmes, respectivement sous les noms de sœur Fabia, sœur Auréa et sœur Saint-Yves, ont gardé des liens avec leur famille de Boufarik. Elles seront aussi régulièrement citées dans les avis de décès jusqu'en 1932, comme leur frère Ernest.

Généalogie simplifiée de Pauline Escalle et de sa descendance

Maurice Fenet (1871-1920) et Madeleine Bornaque (1871-1912)

À une date inconnue après le décès de Jean Pierre Bornaque, Pauline Escalle se marie avec Henri Dupré, comme le prouve son avis de décès. Mais avant cela, revenons à Madeleine Bornaque, la fille unique de Jean Pierre Bornaque et Pauline Escalle. Elle se marie donc le 9 décembre 1899, à Boufarik, avec Ernest Maurice Fenet, dont le prénom d'usage est Maurice. Elle a déjà vingt-sept ans, presque vingt-huit. Il a quelques mois de plus, car il vient de fêter ses vingt-huit ans. Il appartient à une famille de colons cultivateurs installée à Mahelma, une commune à une quinzaine de kilomètres au nord de Boufarik, en direction d'Alger. Après son mariage, il vient s'installer dans la famille de son épouse, rue Kléber, où ils vivent lors de la naissance de leurs trois filles. Une première enfant leur naît, en 1901, qu'ils prénomment Élise Henriette. Il est probable que le second prénom est un hommage à Henri Dupré, peut-être le parrain de cette fille. Elle décède à l'âge d'un an, le 21 septembre 1901. Lorsque Madeleine Bornaque donne naissance à une deuxième fille, le 4 mai 1902, ils la prénomment Élise Henriette… Après quelques années, leur naît une troisième fille, Jeanne Adrienne, le 21 août 1907.

Maurice Fenet est probablement destiné à succéder à son beau-père par alliance Henri Dupré. Cette annonce de 1904 montre qu'il fait déjà commerce de plantes :

La Dépêche algérienne, du 16 décembre 1904

Dans les actes d'état civil de ses filles (1901-1907), il est qualifié de cultivateur ou de jardinier. Il apparaît aussi dans différents concours comme greffeur, à Boufarik (1906, 1907, 1908). En 1912, il perd son épouse Madeleine Bornaque, qui décède le 15 novembre, à l'âge de quarante ans. Après ce décès, il reste vivre auprès de sa belle-mère et du mari de celle-ci (en 1912, Jean Pierre Bornaque étant décédé, il est probable que Pauline Escalle et Henri Dupré ont régularisé leur situation, même si l'acte n'est pas disponible dans les archives numérisées). Dès 1912 et jusqu'en 1920, Maurice Fenet est régulièrement qualifié d'horticulteur. Les décès se succèdent dans la famille, à la maison Dupré, de la rue Kléber. Sept ans après sa fille, Pauline Escalle meurt, le 15 octobre 1919, à l'âge de soixante-dix ans. Son avis de décès qui est aujourd'hui la seule preuve de son mariage avec Henri Dupré, donne un état de la famille à cette date. 

La Dépêche algérienne, du 16 octobre 1919

Comme il se doit, cet avis cite d'abord son mari, Henri Dupré, puis son gendre, Maurice Fenet, et ses deux petites-filles Élise et Jeanne Fenet, ses trois nièces Servel, filles de sa sœur Léonie, mais ne cite aucun des fils Servel. La liste se poursuit par son neveu par alliance, Maurice Dupré (1894-?) et la mère de celui-ci, donc la belle-sœur de Pauline Escalle, Jeanne Alzina (1871-1948), veuve de Joseph Dupré (1863-?), frère d'Henri. La liste se poursuit par plusieurs membres de la famille Fenet, qui, a priori, n'ont pas de liens de parenté ni avec les Dupré, ni avec Pauline Escalle. Cette proximité entre les familles Dupré et Fenet explique peut-être le mariage de Madeleine Bornaque avec Maurice Fenet. Enfin, la dernière famille citée, les Kremmer, là-aussi sans lien de parenté avéré, doit être suffisamment proche car Georges Kremmer, employé au chemin de fer, à Mustapha a été le témoin de Madeleine Bornaque lors de son mariage en 1899.

La Dépêche algérienne, du 25 novembre 1919

La vie de Pauline Escalle peut se résumer en trois grandes périodes. La première, courte, est sa vie à La Motte-en-Champsaur comme fille de cultivatrice et bergère, qui se termine vers 1864-1864. Ensuite vient la période qui débute par son départ de La Motte et son installation en Algérie. Durant ces années, sa relation puis son mariage avec Jean Pierre Bornaque, les nombreux changements de domicile, probablement une situation financière assez précaire, peut-être un mari que l'on pressent instable, ont fait de cette période de sa vie une des plus mouvementées. Ensuite, probablement dans le courant des années 1890, elle se fixe à Boufarik, se marie à nouveau avec un homme dont la situation est plus stable et plus prospère, elle peut offrir une situation à sa fille. Son avis de décès et l'avis de remerciement dans leur formalisme un peu convenu, illustrent une fin de vie plus apaisée et rangée.

Carte d'Alger et de Blida où ont été reportées les communes habitées par Henri Dupré, Pauline Escalle, leurs familles et leurs descendances à partir des années 1890 jusqu'à la fin de l'Algérie française. Pour donner l'échelle, la distance entre Blida et Alger est d'une quarantaine de kilomètres

Son gendre Maurice Fenet ne lui survit guère car il décède à son tour le 13 décembre 1920, à Douéra, à l'âge de quarante-neuf ans. Son avis de décès paru dans la presse le qualifie bien d'horticulteur. Mais avant de détailler ce document, il faut revenir à Henri Dupré. En effet, quelques mois après le décès de son épouse Pauline Escalle, il se remarie à Boufarik le 10 juillet 1920 avec Victorine Chapelet et reconnaît le fils qu'elle a eu à l'âge de dix-sept ans, Maurice Chapelet, qui devient donc Maurice Dupré. Ce dernier aurait pour père biologique un certain lieutenant Petreau (ou Pedreau, l'orthographe n'est pas certaine) selon un de ses petits-fils. Pourquoi Henri Dupré, alors âgé de cinquante-neuf ans, épouse une fille-mère de vingt-trois ans dont il reconnaît le fils qui n'est pas de lui ? Mystère. Il s'allie ainsi avec une famille Farcetti, de Douéra qui comptera dans la suite de l'histoire de la descendance de Pauline Escalle. En effet, la mère de Victorine Chapelet, Thérèse Chapelet, a épousé à une date inconnue François Farcetti, un colon d'origine italienne dont elle a eu quatre enfants : Joseph, dit Albert, né en 1899, Odile (ou Odyle), Norbert et Marceau. Là-aussi, la vie de Thérèse Chapelet n'est pas exempte d'irrégularités. Mariée en 1891 à vingt-et-un ans à un meunier de L'Arba, Henri Rideler, elle se retrouve veuve deux ans plus tard en novembre 1893. Elle donne naissance à sa fille Victorine en février 1897, puis se met en ménage avec un mineur ou carrier italien illettré François Farcetti. L'acte de naissance d'Odile, le 19 septembre 1902, à Douéra, précise qu'ils ne sont pas mariés. Dans celui de Norbert, le 21 décembre 1904, à Draria, ils semblent être mariés. Pourtant, lors de la naissance de son petit-fils Maurice à Blida en 1914, fils naturel de sa fille Victorine, elle est appelée et elle signe veuve Rideler. En 1920, lors du décès de Maurice Fenet, François Farcetti et Thérèse Chapelet sont néanmoins présentés comme un couple légitime. Ce n'est peut-être qu'une impression, mais, par comparaison avec les situations vécues dans les villages d'origine, je pense évidemment à La Motte-en-Champsaur, ces vies heurtées semblent avoir été plus courantes dans les colonies, peut-être parce que l'encadrement, en particulier religieux et familial, et la pression sociale étaient moindres qu'en métropole.

Revenons à l'avis de décès de Maurice Fenet :

La Dépêche algérienne, du 15 décembre 1920

Comme on le constate, après ses deux filles et son frère Xavier et sa famille, viennent la famille Dupré (son beau-père par alliance), puis ses cousins germains par alliance, les Servel, les trois sœurs en religion à Nîmes, et Léon Servel, de Riverside (Californie). Enfin, après la famille de son oncle Édouard Fenet, est citée la famille Farcetti qui lui est liée par l'entremise d'Henri Dupré. Ce lien qui n'existe alors que par un jeu d'alliances devient plus fort par le mariage de sa fille aînée, Élise, désormais orpheline de père et de mère, avec le fils aîné de François Farcetti et Thérèse Chapelet, Joseph Forcetti (autrement connu sous les prénom et nom d'Albert Farcetti, nous en reparlerons). Le 15 janvier 1921, un mois après le décès du père, Joseph Forcetti  épouse à Boufarik Élise Fenet. Ils ont respectivement vingt-et-un et dix-huit ans. Leurs témoins sont Henri Dupré et son épouse Victorine Dupré. Henri Dupré est le grand-père par alliance d'Élise Fenet, par son mariage avec Pauline Escalle et Victorine Dupré, née Chapelet, est la demi-sœur de Joseph Forcetti. Mais on peut tout aussi bien dire qu'Henri Dupré est le beau-frère de Joseph Forcetti et Victorine Dupré est la grand-mère par alliance d'Élise Fenet.

Lien entre Albert Farcetti (Joseph Forcetti) et Élise Fenet

Le jour de son mariage Joseph Forcetti/Albert Farcetti est dit horticulteur à Boufarik, même s'il est domicilié de droit avec ses parents, à Douéra. Henri Dupré qui avait fait venir auprès de lui son gendre par alliance Maurice Fenet, le remplace par son petit-fils par alliance (et beau-frère) après le décès de ce dernier.

Le 28 avril 1928, Henri Dupré et son épouse Victorine Chapelet achètent un fonds de commerce de café, débit de boissons et restaurant, connu sous le nom de « Café de la Croix de Malte », à Alger, à l'angle du n° 27 de la rue d’Isly et du n° 8 de la rue Joinville. À partir de cette date, ils se sont installés à Alger, même s'ils revendent ce café, devenu la « Taverne Nicolas », dès juillet 1929. Henri Dupré décède à Alger le 16 janvier 1932 à soixante-dix ans. Il est toujours qualifié d'horticulteur-pépiniériste et est inhumé à Boufarik, là où il a passé la plus grande partie de sa vie et où il s'est consacré au métier qui l'a fait connaître. Nous n'avons pas trouvé d'information sur un éventuel successeur et d'ailleurs, les dernières mentions de son activité dans la presse correspondent à la date de sa venue à Alger.

La Dépêche algérienne, du 17 janvier 1932

On notera, comme un discret rappel de ses liens avec la famille Escalle, la présence dans cet avis des sœurs Servel, de Nîmes (au singulier, comme si l'on avait oublié qu'elles étaient trois) et d'Ernest Servel, à Los Angeles, les neveux de sa première épouse.

Albert Farcetti (1899-1968) et Élise Fenet (1902-1964)

Le nom de famille de François Farcetti, le père de Joseph, devait être à l'origine Falcetti. C'est d'ailleurs sous cette orthographe qu'ont été enregistrés ses enfants Odile, en 1902, et Norbert, en 1904. Comme il ne savait pas signer, nous ne pouvons pas savoir quelle orthographe il aurait eu l'usage d'utiliser.  Dans les documents que l'on retrouve comme les avis de décès ou les mentions dans la presse, la forme la plus couramment utilisée est Farcetti. En revanche, tous les enfants du fils aîné Joseph ont été enregistrés avec l'orthographe Forcetti. Il semble bien que ce soit la forme fautive utilisée dans son propre acte de naissance qui se soit imposée. Cela expliquerait que son acte de mariage ait été rédigé avec le nom de Forcetti et que sa fiche matricule militaire, initialement sous le nom de Farcetti, ait été corrigée en Forcetti au vu de son acte de naissance comme le prouve une note manuscrite. La généalogie est parfois une science compliquée. Les enfants Forcetti ont un grand-père qui s'appelle Farcetti, un père qui s'appelle Farcetti, mais qui est connu à l'état civil comme Forcetti, et une cousine germaine, fille de Norbert, Falcetti… Enfin, pour compliquer encore un peu plus, Joseph Farcetti/Forcetti avait l'habitude de se prénommer Albert, alors que seul Joseph était son prénom de naissance. Nous parlerons désormais d'Albert Farcetti et d'Élise Fenet. Mais, comme rien n'est vraiment simple, qui est la mère d'Albert Farcetti ? Lors de son mariage, il est dit de mère non dénommée. On en déduit que lors de sa naissance, seul son père l'a reconnu et qu'il n'a jamais été reconnu par sa mère. Pourtant, il devait considérer que Thérèse Chapelet était sa mère puisque son nom apparaît sur sa fiche matricule. Et dans tous les avis de décès, elle est bien considérée comme sa mère. Là encore, pourquoi ne l'a-t-elle pas reconnu à la naissance ? Mystère.

Comme pour illustrer notre propos, les avis de décès des parents d'Albert Farcetti/Joseph Forcetti utilisent exclusivement l'orthographe Farcetti.

La Dépêche algérienne, du 23 septembre 1935


La Dépêche algérienne, du 15 mars 1938

Comme on l'a vu, au moment de son mariage, Albert Farcetti est horticulteur à Boufarik. Il semble avoir exercé cette activité jusque vers 1926. Une annonce parue dans La Dépêche algérienne, du 18 avril 1926 propose des « pins d’Alep en pots extra-beaux à vendre » chez M. Farcetti, rue Kléber, à Boufarik. Un an plus tard, en juin 1927, il est qualifié d'entrepreneur de transports, toujours à Boufarik. Si l'on rapproche ce changement d'activité du départ d'Henri Dupré pour Alger, en 1928, lors de l'achat du café avec son épouse, on peut supposer que la maison d'horticulture d'Henri Dupré a disparu vers 1927 ou 1928.

Désormais, Albert Farcetti sera entrepreneur de transports, non sans quelques déconvenues. Le 5 septembre 1930, installé à la Pointe-Pescade (Saint-Eugène), il est déclaré en faillite. En 1933, il habite Kouba (le 23 mai 1933, il donne « un coup de volant malheureux », selon L'Écho d'Alger), en 1934, il est chauffeur au service du Comptoir nord-africain, à Alger (le 12 avril 1934, il écrase neuf moutons !). En 1934, il habite au Caroubier, à Hussein-Dey lorsqu'il est de nouveau déclaré en faillite, puis remis à la tête de ses affaires. La faillite de son entreprise de transports est pourtant confirmée le 3 avril 1936. Parmi les autres mentions, on le retrouve toujours entrepreneur de transports, à Alger, 17, rue des Villas, en 1948 et 1950.

Albert Farcetti et Élise Fenet ont eu sept enfants, Robert, Mireille (1924), Mauricette (1926), Colette (1929), Roger, Jacki (1935) et Claude (1942) qui, comme on l'a vu, se sont tous nommés Forcetti. L'aîné est décédé le 23 novembre 1929. L'avis utilise bien entendu l'orthographe en usage dans la famille : 

La Dépêche algérienne, du 24 novembre 1929

On notera que si les cousins Servel sont bien cités, leur nom est malencontreusement orthographié Cervelle !

Au moment du rapatriement d'Algérie, la famille Farcetti/Forcetti s'est installée à Lunel, entre Montpellier et Nîmes. C'est là que sont décédés Élise Fenet et Albert Farcetti (toujours Joseph Forcetti pour l'état civil), respectivement le 8 juin 1964, à soixante-deux ans, et le 29 novembre 1968, à soixante-neuf ans. Aujourd'hui, ils sont encore représentés par une descendance nombreuse, dont une bonne partie est toujours présente à Lunel et dans la région, en particulier à Saint-Just, Buzignargues et La Grande-Motte, à l'exception d'une branche installée à Saint-Priest, près de Lyon. Fidèle à la tradition automobile et mécanique inaugurée par le grand-père Albert Farcetti, un de ses petits-fils dirige toujours un garage, à Lunel Viel, le Garage des Trois-Ponts.

Gabriel Molinas (1904-1964) et Jeanne Fenet (1907-2004)

Comme sa sœur, Jeanne Fenet, la deuxième fille de Maurice Fenet et Madeleine Bornaque est restée dans la famille d'Henri Dupré, à Boufarik, après le décès de ses parents. D'après un de leurs descendants, « après la mort de ses parents, elle et sa sœur ont été élevées par Henri Dupré, le pépiniériste. Elle était exploitée et quand elle s'en est aperçue, on lui a présenté la personne avec qui elle s'est mariée quelques mois plus tard. » Il s'agit de Gabriel Molinas, né le 15 juillet 1904, à Perrégaux, dans la province d'Oran. Au moment de son mariage, il est forgeron à Zemmora. Ils se marient à Boufarik le 19 août 1926. Il a vingt-deux ans et son épouse dix-huit ans. Les témoins sont Henri Dupré, alors qualifié de propriétaire à Boufarik, et  Élise Fenet, épouse de Joseph Forcetti, sans profession, à Boufarik (elle signe Elise Farcetti). Si le jeune couple semble s'être d'abord installé à Zemmora (c'est là qu'est né leur premier fils, Gabriel, en 1927), ils se sont ensuite installés à Pointe-Pescade, à Saint-Eugène, dans la banlieue d'Alger où sont nés les cinq autres enfants : Andrée (1931), Renée (1933), un enfant mort-né (1941), Mauricette (1943) et Arlette (1946). Gabriel Molinas y est toujours forgeron (1931), puis, plus tard, il travaillera comme chef mineur, à la cimenterie Lafarge de Rivet, près d'Alger (1934).

Au moment du rapatriement, la famille Molinas s'installe au Beausset, dans le Var, près de Toulon. C'est là qu'habite Gabriel Molinas lorsqu'il décède à l'hôpital de Toulon, le 30 décembre 1964 à soixante ans. Quant à Jeanne Fenet, elle est décédée très âgée au Beausset, le 11 octobre 2004, à quatre-vingt-dix-sept ans. Leur descendance est toujours présente à Toulon et sa région, mais aussi dans la région de Blois. Un de leurs descendants a beaucoup travaillé sur l'histoire de sa famille, sous le pseudonyme de Blassiou083 dans Geneanet. Lorsque j'ai entrepris de déterminer la descendance de Pauline Escalle alors que la seule information que j'avais alors était son adresse dans la Casbah d'Alger en 1881, son arbre en ligne a été une aide précieuse pour poser les bases de cette histoire.

Bob Walter (1855-1907)

Baptistine Dupré (1855-1907), dite Bob Walter
Photo de Nadar (source : Gallica).

En marge de l'histoire de cette branche familiale, j'ai découvert récemment que Pauline Escalle, par son mariage avec Henri Dupré, a eu une belle-sœur pour le moins étonnante. En effet, Baptistine Dupré, née à Toulouse le 29 novembre 1855, ouvre d'abord un restaurant à Alger, boulevard de la République : le Restaurant Français, qui a été brillamment inauguré le lundi 10 novembre 1884 :

Akhbar, journal de l'Algérie, du 14 novembre 1884
(article complet : cliquez-ici).

Elle fait rapidement faillite, dès le 14 janvier 1885. Elle se fait ensuite connaître à Paris sous le nom de Bob Walter, où elle se produit d'abord au Moulin-Rouge (1892), puis se lance, à la suite de Loïe Fuller, dans les danses serpentines, dont ce film de 1897 nous donne un aperçu :


Après sa carrière de danseuse et chanteuse qui se termine en 1900, elle ouvre un garage automobile à Paris, en 1901, avenue de la Grande-Armée, puis avenue Malakoff. Elle défraie la chronique en aidant à l'enlèvement de fiancées, grâce à l'automobile. La notice Wikipédia qui lui est consacrée est très complète : Bob Walter.


Elle meurt à Paris le 7 février 1907, à l'âge de cinquante-et-un ans. Pauline Escalle a-t-elle rencontré son originale belle-sœur ? On ne le saura probablement jamais, mais quel rapprochement !

Lien vers la généalogie de Pauline Escalle, ép. Bornaque et Dupré et de sa descendance : cliquez-ici.

Lien vers la généalogie de la famille Dupré.

dimanche 27 juillet 2025

Léonie Escalle (1846-1886), épouse Auguste Servel et sa descendance

Comme nous le rappelions dans l'article consacré à ses sœurs Malvina et Pauline lorsque, le 4 octobre 1858, Hippolyte Escalle [56] meurt à La Motte-en-Champsaur, à l'âge de cinquante-quatre ans, il laisse une veuve, Mélanie Robert, âgée de quarante-trois ans et quatre enfants, l'aîné et unique fils, Hippolyte [28], vingt ans, Malvina, seize ans, Léonie, onze ans et Pauline, neuf ans. Il laisse surtout une situation patrimoniale dégradée sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir. Dès le mois de mars 1859, la fille aînée se marie à Marseille. Sa vie se passera désormais loin de La Motte-en-Champsaur. Léonie, la seconde fille n'a que onze ans. C'est son histoire  et celle de sa descendance que nous allons dérouler dans cet article.

Léonie Escalle (1846-1886), ép. Auguste Servel (1839-1889)

En 1861, lors du premier recensement de La Motte-en-Champsaur après le décès du père, Léonie Escalle n'habite plus chez sa mère. Âgée de quatorze ans, elle est probablement placée. Après le mariage de son frère Hippolyte, en 1862, devenu le chef de famille, Mélanie Robert, veuve Escalle et ses deux filles Pauline et Léonie ont quitté La Motte-en-Champsaur et la maison familiale. Elles sont absentes du recensement de 1866. Sont-elles allées à Marseille rejoindre Malvina, leur fille et sœur, qui vit désormais séparée de son mari Casimir Salignon parti pour Nice ? C'est probable, même si nous n'avons aucune preuve de cela. Deux ans plus tard, un événement va venir bouleverser ces arrangements familiaux, la mort du fils et frère Hippolyte Escalle le 3 mai 1868. Dès le mois de juin 1868, les deux veuves Escalle se partagent le domaine familial et même la maison de La Motte. Mélanie Robert, veuve Escalle se retrouve à la tête d'un petit domaine de 3 hectares 30 ares, tout juste suffisant pour vivre. Elle a récupéré une partie de la maison, comprenant la moitié de l'écurie des vaches, l'écurie des moutons avec la partie correspondante de la cour, de la cave et du grenier. Elle peut alors envisager de marier sa deuxième fille à un homme qui, à défaut de toucher une dot, pourra disposer d'un petit domaine à cultiver. C'est ainsi que, un an plus tard, le 16 juin 1869, Léonie Escalle, âgée de vingt-deux ans épouse à La Motte Auguste Servel, âgé de vingt-neuf ans, originaire de Lallée, à Saint-Jacques-en-Valgaudemar. Fils cadet d'un cultivateur, il est bien venu pour lui de trouver une situation alors que, selon les usages de l'époque, c'est son frère aîné, Joseph, qui assure la succession du père dans le domaine familial de Lallée. Auguste Servel portait le surnom familial de Turenne, probablement pour différencier les nombreuses familles Servel. Certains de ses fils seront recensés lors du service militaire avec ce surnom.

Au moment de son mariage, Auguste Servel arrive sans aucun bien à La Motte. Il assure l'exploitation des terres de sa belle-mère qui comprennent aussi les lots échus lors du partage à sa femme et à ses deux sœurs Malvina et Pauline, soit, comme on l'a dit, 3 hectares 30 ares. Il acquiert pour lui-même d'abord une parcelle de 16 ares en juillet 1871. En septembre 1876, il achète à Pierre Espitallier un domaine comprenant des terres (sept parcelles totalisant 45 ares) et une maison qui avait appartenu à Joseph Gaignaire. Elle forme la deuxième partie de l'ensemble partagé entre les héritiers Gaignaire comme nous l'avons expliqué dans l'article sur l'histoire de Paul Gaignaire

La maison de Joseph Gaignaire, avec le 1er étage de la maison partagée
avec Paul Gaignaire, est celle que Pierre Espitallier neveu par alliance
de Joseph Gaignaire et son héritier, a vendu à Auguste Servel en 1876.

Elle comprend une partie principale, construite sur une surface de 190 m2, pour le bâtiment et la cour devant, et un étage, encastré dans la maison voisine, dont le niveau inférieur, une cave, appartient à Paul Gaignaire. La surface au sol du bâtiment est de l'ordre d'une centaine de mètres carrés.

La maison Servel, au centre de l'image, est en retrait,
en partie cachée. On distingue à droite la maison Paul Gaignaire.

L'achat de cette maison devenait d'autant plus nécessaire que la maison Escalle se révélait trop petite pour les deux ménages formés par Auguste Servel et Léonie Escalle avec leurs six enfants, Zoé Gaignaire, veuve Escalle, avec ses quatre enfants, et la belle-mère, Mélanie Robert, veuve Escalle, qui habite avec sa fille et son gendre. Lors du recensement de 1876, c'est désormais dans cette maison récemment acquise qu'ils habitent alors que Zoé Gaignaire et ses enfants sont restés dans la maison familiale Escalle. Après le décès de Mélanie Robert, veuve Escalle, le 2 octobre 1876, les héritiers, dispersés, ne veulent pas payer ses dettes. L'ensemble des biens est alors saisi et vendu aux enchères en mai 1880. Les terres de la grand-mère Escalle, qui étaient alors exploitées par les époux Servel, avec la moitié de maison, sont rachetés par Zoé Gaignaire, veuve Escalle et deux autres acheteurs. Auguste Servel a bien tenté de se rendre acquéreur d'une pâture de 36 ares en surenchérissant sur sa belle-sœur, mais elle ne s'est pas laissée faire et en est restée adjudicatrice. La seule part qu'ils reçoivent à la suite de ce partage forcé est la somme de 1 210 francs qui leur est attribuée après paiement de tous les créanciers. En définitive, cette vente sur saisie a encore diminué la surface disponible pour Auguste Servel et Léonie Escalle. Désormais, il ne leur reste plus que les terrains attribués à Léonie lors du partage de 1868, soit cinq parcelles d'une contenance de 91 ares. Au total, en cette année 1880, avec leur acquisition de 1876, ils disposent de 1 hectare 38 ares et d'une maison, autrement dit une surface bien trop faible pour assurer la subsistance d'une famille qui continue de s'agrandir. On comprend mieux qu'ils aient cherché une autre activité comme source de revenus, même si tenir une auberge qui fait aussi cabaret, débit de tabacs et épicerie devait tout juste permettre à la famille de ne pas sombrer dans la grande pauvreté. 

Jusqu'en 1876, Auguste Servel et Léonie Escalle sont habituellement qualifiés de cultivateurs. C'est à partir de 1877, après l'achat de la maison Espitallier, qu'ils deviennent aubergistes à La Motte. Cela ne veut pas dire qu'ils ne gardent pas une activité de cultivateur. Lorsque Léonie Servel décède en 1886, la profession indiquée dans son acte de décès est aubergiste. Trois ans plus tard, c'est aussi la profession d'Auguste Servel au moment de son décès. Dans le recensement de 1886, il est aussi dit débitant de tabacs. Dans un acte de 1887, Léonie Escalle est qualifiée d'épicière. On trouve enfin la mention de cabaretier, mais de façon plus épisodique, comme dans le cadastre.

Auguste Servel et Léonie Escalle ont eu quatorze enfants, tous nés à La Motte-en-Champsaur, dont neuf atteindront l'âge adulte.

  • Marie Silvie, née le 17 mai 1870
  • Léonie Mélina, née le 30 août 1871
  • Joséphine Virginie, née le 22 septembre 1872, morte le 15 juin 1879
  • Auguste Hippolyte Elzéa, né le 4 novembre 1873
  • Marius Louis Ernest, né le 25 décembre 1874
  • Lucie Adrienne, née le 14 février 1876
  • Joanis Arthur Bénoni, né le 9 avril 1877
  • Élisabeth Annette, née le 18 septembre 1878, morte le 21 octobre 1878
  • Léon Joseph, né le 7 février 1880
  • Élixir Elzéa, né le 17 juillet 1881, mort le 25 juillet 1881
  • Céleste Noélie Joséphine, née le 9 mars 1883, habituellement prénommée Marie
  • Alfred Albert, né le 7 avril 1884
  • Lina Marthe, née le 19 décembre 1885, morte le 13 septembre 1886
  • Félix Noé Henri, né le 23 décembre 1886, mort le 15 mars 1887

On remarquera le très court intervalle entre chaque naissance qui est de quinze mois en moyenne. Un autre calcul montre que depuis son mariage jusqu'à son décès, soit dix-sept ans et demi, Léonie Escalle a été enceinte 126 mois, soit 60 % du temps. Probablement usée par les grossesses, Léonie Escalle décède le 28 décembre 1886, cinq jours après la naissance de son dernier fils, à quarante ans. Son mari ne lui survit que trois ans. Il décède à La Motte le 2 novembre 1889, à cinquante ans. Il laisse neuf enfants dont l'aînée, Sylvie, a dix-neuf ans et le cadet, Alfred, cinq ans.

Peut-être que ses parents envisageaient un autre avenir pour la fille aînée Sylvie. En 1886, âgée de seize ans, elle travaille pour une de ses cousines, Léonie Boyer-Joly, receveuse des Postes, à Orpierre, comme « aide ». Leurs décès prématurés en ont décidé autrement. Elle est sûrement revenue à La Motte après le décès de sa mère cette même année pour aider son père et prendre en charge le ménage et l'éducation de ses jeunes frères et sœurs. Le décès de son père trois ans plus tard l'a confirmée dans ce rôle de mère de substitution et de chef de famille. En effet, après le décès des parents, certains des enfants sont restés à La Motte, auprès de leur sœur aînée Sylvie, tandis que d'autres semblent avoir rejoint leur tante Pauline Escalle, à Boufarik en Algérie. En 1891, lors du recensement, Sylvie Servel (vingt-et-un ans), devenue chef de famille, a pris la suite d'Auguste Servel et Léonie Escalle. Elle est désormais qualifiée de cabaretière. Ernest (seize ans), Adrienne (quinze ans) et le cadet Alfred (sept ans) vivent avec elleL'aîné des garçons, Auguste (dix-sept ans), est placé comme domestique chez ses cousins Jeanselme des Héritières. Léonie (dix-neuf ans) est déjà entrée en religion, à Nîmes. On ne sait pas où sont les trois autres : Arthur (treize ans), Léon (onze ans) et Marie (huit ans). Après cette date, le destin des enfants va suivre des voies très différentes. Seule la fille aînée, Sylvie, est restée à La Motte-en-Champsaur. Les trois autres filles sont entrées en religion, toutes les trois à Nîmes. Et les cinq garçons ont émigré aux États-Unis, après un passage par l'Algérie. Le très faible patrimoine laissé par les parents est en soi une explication suffisante pour cette dispersion. Aucun des enfants n'a la possibilité matérielle de rester au village car il faut imaginer que le patrimoine extrêmement faible laissé par les parents doit ensuite être divisé entre les neuf héritiers. Autrement dit, chacun ne peut espérer qu'une parcelle ridiculement petite, presque symbolique. Seule la fille aînée continue à bénéficier de la maison paternelle, mais pour peu de temps.

Généalogie simplifiée de la famille d'Auguste Servel et Léonie Escalle

Sylvie Servel (1870-1905), épouse Scipion Pérénon (1865-1908)

Comme il a été dit, elle est la seule des enfants Servel à être restée au village. À peine âgée de vingt ans, elle donne naissance à un fils, Sylvain Stanislas, le 26 décembre 1890. C'est Stanislas Nouguier, charpentier, âgé de trente-deux ans, qui déclare la naissance. Est-il le père ? Il est vrai que le second prénom de l'enfant nous conforte dans cette supposition. En définitive, si c'est le cas, il ne reconnaîtra jamais l'enfant, ni ne régularisera la situation Il s'est marié en mars 1893 avec une jeune fille des Infournas. Quant à Sylvie, après le décès de ce premier garçon, le 21 mai 1893 à l'âge de deux ans et demi, elle épouse le 25 octobre 1893 Scipion Pérénon, un forgeron ou maréchal-ferrant de La Motte. Ensemble, ils auront cinq enfants, la fille reproduisant la fertilité de sa mère :

  • Henriette Marie Madeleine Sylvie, née le 15 janvier 1894, morte le 15 mars 1901
  • Jean Marie Henri Joseph, né le 10 décembre 1894, mort le 7 janvier 1898
  • Joseph Auguste Alfred, né le 10 décembre 1895
  • Jean Louis, né le 20 juillet 1897, mort le 21 septembre 1897
  • Marcel Octave Henri, né le 27 avril 1899, mort le 14 août 1907

Comme on le constate, elle réussit l'« exploit » d'avoir un enfant en moyenne par an entre 1894 et 1899 et surtout deux enfants en 1894, séparés de onze mois, puis un enfant en 1895, exactement un an après le précédent. Ensuite, elle a juste « soufflé » un peu car le suivant arrive dix-sept mois plus tard. On peut aussi constater qu'elle était enceinte lors de son mariage, trois mois avant la naissance de sa première fille, et que seul un garçon a survécu et atteint l'âge adulte. Enfin, après une telle fertilité jusqu'en 1899, elle n'a plus eu aucun enfant jusqu'à son décès le 20 septembre 1905 à trente-cinq ans. Son mari ne lui survit que trois ans. Il décède à l'hospice de Gap le 20 octobre 1908 à quarante-trois ans en laissant un fils unique, Joseph Pérénon, âgé de douze ans. Comme on l'a dit, Sylvie Servel a pris la suite de ses parents comme aubergiste. C'est la profession indiquée dans son acte de décès en 1905. Il est aussi fait mention de cabaretière, dans le recensement de 1891, de buraliste, dans celui de 1896, mais aussi d'épicière, dans des actes de 1895 et 1901. Quant à son mari, Scipion Pérénon, il est forgeron, métier qui était aussi celui de son père quand il s'est installé à La Motte vers 1862. La dénomination deviendra maréchal-ferrant, vers 1898, mais ce changement n'est probablement pas révélateur d'une évolution de son activité, mais plutôt d'une nouvelle manière de nommer au village l'activité de l'homme qui bat le fer et ferre les animaux.

Scipion Pérénon avait hérité d'un petit patrimoine de son père, composé d'une maison dans le village et de neuf parcelles de terre totalisant moins d'un hectare. Il ne fait pas évoluer ce patrimoine qui passe en totalité à son fils Joseph.

Maison Pérénon (au centre de l'image), dans le village de la Motte

En 1911, tant la maison Pérénon, que la maison Servel de La Motte-en-Champsaur sont désormais déclarées inhabitées. Joseph Pérénon, le seul et dernier représentant de la famille Servel à La Motte, habite alors chez son oncle et tuteur Séraphin Robin, mari de sa tante Élisa Pérénon. Il va rapidement quitter le village car lors du recensement des jeunes gens de la classe 1915 à laquelle il appartient, il est garçon d'hôtel à Nîmes. Ce domicile est probablement à mettre en relation avec la présence de ses trois tantes, religieuses dans cette ville. En effet, la congrégation à laquelle elles appartiennent, les Petites Dominicaines de l'Eucharistie, avait, entre autres missions, celle d'être une association pour le placement des domestiques. Elles se sont peut-être chargées de trouver une place à leur neveu orphelin. 

Au moment de la Première Guerre mondiale, Joseph Pérénon est ajourné pour faiblesse et ne sera incorporé que le 28 août 1916 au 159e régiment d'Infanterie, mais ne partira sur le front qu'en juin 1917, au 55e régiment d'Infanterie. Après quelques passages par des hôpitaux militaires, en particulier à Fontainebleau, puis à Romans, pour une adénite cervicale gauche, il est démobilisé 18 septembre 1919. Il semble avoir toujours eu une santé défaillante. Grâce à sa fiche matricule et aux recensements, on le suit jusqu'à son décès. On le retrouve comme garçon d'hôtel, à Aix-en-Provence, en 1921, puis à Carpentras, à l'Hôtel de l'Univers, place du Théâtre, en 1924 et enfin à Reims, d'abord 37, rue Libergier, en 1930, puis 35, rue Paul Adam, en 1933, toujours comme garçon d'hôtel. Il se fixe alors à cette dernière adresse car c'est là qu'il habite lorsqu'il décède le 12 mars 1965, à soixante-neuf ans. En 1931 et 1936, il cohabite avec une veuve et sa fille, Joséphine Marjollet, veuve Berliat (1800-1978) avec laquelle il a aussi une fille, Henriette, née à Reims en 1928. La descendance de Joseph Pérénon est aujourd'hui représentée par un petit-fils, architecte à Paris, né en 1953 et une petite-fille, née en 1964, enfants de sa fille Henriette, et, à la génération suivante, par une arrière-petite-fille et trois arrière-petits-fils.

Les sœurs Servel, religieuses à Nîmes

Les trois autres sœurs Servel, Léonie, Adrienne et Marie, sont toutes les trois entrées en religion, dans la congrégation des Petites Dominicaines de l'Eucharistie, fondée à Nîmes en 1890, par l'abbé Couran. Le siège de la congrégation se trouvait dans le centre de la ville, 7, rue Sainte-Eugénie. Cette congrégation gérait deux établissements : une clinique sous le nom de Villa Saint-Jean, chemin bas d'Avignon, dans le quartier de Grézan, et une vaste propriété agricole et vinicole, le Mas Vianès, sur la commune de Redessan, à la limite de Jonquières-Saint-Vincent où, entre autres spécialités, la congrégation produisait du vin de messe.

Nîmes, Villa Saint-Jean, chemin bas d'Avignon (Grézan)

La première des trois sœurs installées à Nîmes est Léonie, dont la présence est attestée dès 1891, peu de temps après le décès de son père. Elle a pris le nom de sœur Fabia. À des dates inconnues, elle est rejointe par ses deux autres sœurs, Adrienne, avant 1896, et Marie, avant 1901, respectivement sœur Auréa et sœur Saint-Yves, en religion. Elles sont toutes les trois décédées à Nîmes, Léonie, le 25 mai 1946, au 7, rue Sainte-Eugénie, à soixante-quatorze ans, puis Adrienne, le 1er mars 1957, à la Villa Saint-Jean, chemin bas d'Avignon, à quatre-vingt-un ans et enfin, Marie, le 26 novembre 1958, aussi 7, rue Sainte-Eugénie, à soixante-quinze ans. Les sœurs Auréa et Saint-Yves sont toutes les deux inhumées au cimetière Saint-Baudile, de Nîmes, dans la tombe de la congrégation des Petites Dominicaines. Des trois sœurs, c'est Adrienne dont nous connaissons mieux l'activité, car, à la différence de Léonie et Marie, nous pouvons la suivre dans les recensements de Redessan, au Mas Vianès, de 1896 jusqu'en 1936. Elle travaille dans cette propriété agricole, soit comme ouvrière de ferme ou journalière (1896, 1901), soit comme caviste (1921) ou enfin comme lingère (1926, 1931, 1936). Lors du décès du fondateur, le chanoine Siméon Couran, en 1900, un article nécrologique rappelait en termes dithyrambiques l'impulsion qu'il avait donnée à ce domaine agricole 

Ce fut alors qu’il fonda les Petites Dominicaines de l’Eucharistie, et qu’il entreprit l’œuvre colossale de l’exploitation agricole. Cette œuvre réussit à merveille et remit en honneur les travaux des champs, si délaissés de nos jours. La vue de ces saintes filles, se livrant à tous les travaux des champs, produisit le meilleur effet. Qu’il suffise de rappeler les lignes écrites dans le journal l'Univers, par M. l’abbé Delfour, au lendemain de la mort de M. le chanoine Couran :

« Il était autrefois… ou plutôt non, il est un monastère qui occupe tout un plateau dominant le Rhône, là même où le Rhône se divise en plusieurs branches pour entrer dans la Méditerranée. Jadis, il y a une douzaine d’années environ, ce plateau était désert, triste, desséché par le mistral. Un saint, un saint prêtre le traversa un jour et il se dit : « Je ferai fleurir cette solitude. » En effet, il revint bientôt amenant des vierges chrétiennes, croyantes comme on croyait dans les Catacombes, pures comme le lis de la Vallée, vaillantes et dures au travail comme on l’est sur les « Causses » des Cévennes. Le saint dit aux vierges : « Vous allez planter des vignes, ici même, des vignes qui produiront un doux vin blanc délicat, et ce vin blanc sera destiné au Saint Sacrifice de la messe. » Les vierges se mirent au travail : elles labourèrent ce terrain inculte, elles plantèrent des ceps ; elles greffèrent sur ces ceps des sarments souples et vigoureux, plus forts que le phylloxéra ; elles virent des vignes opulentes se dresser où jadis n’apparaissaient que de rares buissons épineux. Le désert avait fleuri. » 

Adrienne, sœur Auréa, était l'une de ces « vierges chrétiennes». À la différence de leur sœur aînée et de leurs frères, les trois sœurs avaient gardé des liens avec la famille de leur tante Pauline Escalle, en Algérie. Elles sont citées dans son faire-part de décès, en 1919, et dans ceux de leur cousin germain par alliance, Maurice Fenet, en 1920 et de leur oncle par alliance, Henri Dupré, en 1932 :

Faire-part de décès de Pauline Escalle, ép. Dupré, La Dépêche algérienne, du 16 octobre 1919

Les frères Servel en Californie

Les cinq frères Servel, Auguste, Ernest, Arthur, Léon et Alfred sont tous partis en Californie. En cela, ils suivaient l'exemple des quelques 8 000 Champsaurins partis aux États-Unis. Le premier d'entre eux est le fils aîné, Auguste, né en 1873. En 1891, lors du premier recensement après le décès de ses parents, il est placé comme domestique chez sa cousine issue de germaine Noélie Escalle et son mari Léon Jeanselme, cultivateurs aux Héritières, à La Motte-en-Champsaur. Lors du recensement des jeunes gens de la classe 1893, il est toujours cultivateur à La Motte-en-Champsaur. Après un court service militaire au 99e régiment d'infanterie du 13 novembre 1894 au 24 septembre 1895, il prend rapidement la décision de tenter l'aventure aux États-Unis. Parti du Havre sur La Gascogne, il arrive à New York le 15 juin 1896, avec pour destination Delano, en Californie. Sa vie sera désormais américaine. Il sera plusieurs fois déclaré insoumis par l'autorité militaire en France.

On le retrouve à Temecula, en Californie en 1903. Cette petite ville au sud-est de Los Angeles, située dans le comté de Riverside, était alors habitée par des fermiers qui cultivaient des céréales ou élevaient des bovins. Un des pionniers de cette ville, Joseph Nicolas, né à Chabottonnes, dans le Champsaur, en 1849, est arrivé vers 1867 alors que la vallée était presque déserte. Il y avait tout a faire. En 1881, il se marie avec une jeune fille du Champsaur, venue probablement pour se marier avec lui, Zemima Rambaud, née à Buissard en 1859. Arrivée à vingt-et-un ans en Amérique, peut-être que, comme sa belle-sœur Marie Jaussaud, a-t-elle débarqué à New-York avec seulement un papier accroché à sa blouse, indiquant en anglais sa destination en Californie, elle qui ne parlait alors pas un mot de cette langue. Pionniers dans cette vallées, Joseph Nicolas et Zemima Rambaud ont probablement attiré à eux d'autres Champsaurins. Nous les retrouverons bientôt liés aux Servel.

Quant à Auguste Servel, en 1903, il est qualifié de « rural mail carrier », à Temecula, autrement dit de facteur rural. En avril 1904, il achète conjointement avec Louis Escallier un hôtel à Temecula, mais revend rapidement sa part à Hippolyte Escallier, en décembre de la même année. Comme l'indique leur nom, ce sont aussi des Hauts-Alpins venus s'installer dans cette vallée. D'ailleurs, une partie de la vallée au nord de Temecula s'appelle encore aujourd'hui The French Valley. Cette région a perdu en partie sa vocation agricole, sauf pour la culture de la vigne, qui n'existait pas à l'époque dont nous parlons. Elle appartient à la limite sud de la métropole de Los Angeles, le Greater Los Angeles. Sa population dépasse aujourd'hui les 100 000 habitants.

Temecula sur une carte de la Californie, avec Murrieta et The French Valley au nord.

C'est en 1903 que les trois autres frères Servel, Arthur, Léon et Alfred, respectivement nés en 1877, 1880 et 1884 partent rejoindre leur frère Auguste à Temecula. Ils vivaient alors en Algérie, à Boufarik. En 1896, Arthur est cocher et jardinier, à Boufarik, probablement chez sa tante Pauline Escalle et son oncle par alliance Henri Dupré, comme ses sœurs et ses frères. Après son service militaire, il habite la ferme Cabot, à Bouïra, en 1902, toujours en Algérie. En 1900, Léon est forgeron, aussi à Boufarik. Ils partent tous les trois d'Algérie, passent par la France et embarquent sur le Ryndam, à Boulogne-sur-Mer le 1er février 1903 et arrivent à New-York le 12 février 1903. Arthur et Leon (en arrivant aux États-Unis, il a perdu l'accent de son prénom) sont qualifiés de « farmehand » (ouvrier agricole) et Alfred qui n'a que dix-huit ans, de « gardener » (jardinier). À l'émigration à New-York, ils indiquent leur volonté de rejoindre leur frère Auguste à Temecula. Comme leur frère aîné, Arthur, Leon et Alfred Servel seront déclarés insoumis. Au moment de la Première Guerre mondiale, ils ne retourneront pas dans leur pays d'origine pour se battre. En revanche, ils se feront enregistrer dans leur pays d'adoption, lors de la vaste campagne de recensement des hommes mise en place aux États-Unis lors de la Première Guerre mondiale (« Draft Registration Cards  for World War I »).

Temecula, vers 1924

Temecula, en 1909

En 1910, les deux frères Leon et Alfred Servel habitent ensemble à Diamond, un peu au nord de Temecula, comme « rancher », ce qui peut laisser penser qu'ils sont propriétaires de leur ranch. Le recensement précise qu'il s'agit d'une exploitation de céréales (« grain ranch »). Le 15 septembre 1914, Leon épouse Clementine C. Nicolas, sa cadette de dix ans, fille de Joseph Nicolas et Zemima Rambaud, les pionniers champsaurins de la vallée dont nous avons parlé.

Clementine Nicolas et Leon Servel

À cette première génération d'immigrés, on retrouve un usage courant, mais pas systématique, de se marier dans sa communauté. Ils ont eu deux enfants. Leon Jr. est né le 20 novembre 1916. Il est décédé au Riverside Community Hospital, des suites d'une mastoïdite le 7 mars 1928, à onze ans.

Leon Servel (1916-1928)

Ils ont eu ensuite une fille, Leona J., née à Temecula le 18 septembre 1918.

Leona Servel (1918-2010)

Cette même année 1918, Leon s'est fait recenser par l'autorité militaire américaine. Il est fermier dans sa propre exploitation, toujours à Temecula. Il a aussi obtenu la nationalité américaine en novembre 1916, en même temps que son frère Arthur. À partir de 1920, Leon Servel et Clementine Nicolas habitent à Murrieta, la commune immédiatement au nord de Temecula, toujours comme fermiers dans leur propre ranch. Ils y seront encore recensés en 1950. Clementine Nicolas, ép. Servel est morte la première, le 16 août 1971, à quatre-vingt-un ans, suivie quelques années plus tard par son mari, le 15 février 1975, à quatre-vingt-quinze ans. Ils sont décédés tous les deux à Indio, une autre commune de Californie, dans la Coachella Valley où ils ont probablement rejoint leur fille. Leona Servel a épousé un texan, Carl A. Preece, né en 1913 et mort en 1982 à Indio. On comprend de la notice nécrologique de son épouse qu'ils n'ont pas eu d'enfants. Leona Servel est décédée le 12 mars 2010, à La Quinta, en Californie : 

Leona Preece, 91 ans, est décédée le 12 mars 2010 à La Quinta, Calif. Elle est née le 18 septembre 1918 à Temecula, en Californie, de Leon et Clementine Servel. Elle était mariée à Carl Preece, qui l'a précédée dans la mort. Sa mère, son père et son frère l'ont également précédée dans la mort. Leona a passé la majeure partie de sa vie dans la Coachella Valley, où elle a travaillé comme dépositaire légal (« escrow officer ») et plus tard comme secrétaire de direction pour les magasins Safeway. Elle était dévouée à son église, Our Lady of Perpetual Help à Indio, donnant de son temps à tous ceux qui en avaient besoin. Leona était membre du Indio Women's Club et des Coachella Valley Women for Agriculture. Elle a également donné de son temps à Martha's Kitchen et à la Coachella Valley Rescue Mission. Elle sera enterrée auprès de sa famille à Temecula. (cliquez-ici)

Leona Servel, ép. Preece (1918-2010)

Il est curieux de penser que cette femme qui est née et n'a vécu qu'aux États-Unis était une « pure » champsaurine, tant par son père, né à La Motte-en-Champsaur, que par sa mère, elle-même née aux États-Unis de parents champsaurins.

Leon Servel paraît être celui des quatre frères qui a le mieux réussi. C'est pour lui que travaille son frère aîné Auguste en 1918, comme « farm laborer  ». C'est aussi chez lui que celui-ci est recensé en 1920, à Murrieta. Auguste Servel, parfois prénommé August ou Augustin décède le 16 septembre 1923 d'une indigestion aiguë, à l'âge de quarante-neuf ans.

Arthur, le troisième frère Servel, s'est aussi installé à Temecula où il habite en 1918. Il travaille alors pour Joseph Nicolas, comme « farmer ». Il a aussi obtenu la nationalité américaine en novembre 1916, en même temps que son frère Leon. En 1930, 1935 et 1940, il est recensé à Murrieta comme « farmer » (fermier). En 1940, il travaille à Murrieta Hot Springs. Il s'est marié en 1926 avec Emma Labance, originaire de Louisiane qui avait une fille d'un premier mariage. Après le décès de son épouse le 2 octobre 1942 à Arlington, il est parti s'installer à Indio où il est recensé en 1950. Il décède à San Diego le 26 mai 1950, à soixante-treize ans, sans descendance.


Enfin, le cadet des frères Servel, Alfred, arrivé aux États-Unis à dix-huit ans, a vécu avec son frère Leon à Diamond comme « rancher » où il est recensé en 1910. En avril 1909, tout juste âgé de vingt-cinq ans, il dépose une demande de brevet pour une « Adjustable, Reversible Right and Left Hand Plow » (charrue réglable et réversible pour droitier et gaucher). On peut induire de cette invention qu'il était gaucher. Cela montre aussi qu'avec son frère, il se consacrait à la culture des céréales. Il obtient un brevet en novembre 1912. Parmi ses autres talents, il avait le don des langues puisqu'à son décès, il en parlait plusieurs couramment, comme le précise une notice nécrologique. Il s'agissait bien évidemment du français, de l'anglais, du haut-alpin (mais est-ce que ce « patois » comptait ?) et probablement de l'espagnol : « Alfred Servel was quite popular hero, being a lad of about 25 years. He had traveled extensively and was an accomplished linguist, speaking several languages fluently. »

Il est mort des suites d'un accident. Il est tombé d'un chariot de grain qui lui est passé dessus. Transporté au Riverside Community Hospital, il y est décédé le lendemain. Il habitait alors Winchester, une autre commune au nord de la French Valley où il possédait un ranch. C'est son frère Leon qui est nommé administrateur de ses biens après son décès.

Les quatre frères Servel sont enterrés au cimetière de Temecula, autour d'un monument qui porte simplement le nom Servel :

Chacun des frères a une plaque à son nom :

Comme la famille de Leon Servel :

Ces quatre photos de la French Valley, contemporaines de l'installation des frères Servel dans cette région, illustrent le changement d'échelle dans l'agriculture entre ce qu'ils ont pu connaître à La Motte-en-Champsaur et ce qu'ils ont trouvé en arrivant aux États-Unis :

(source : Greater French Valley, de William J. McBurney et Marie Rice Milholland)    

Après les quatre frères Servel réunis en émigration dans la région de Temecula, le dernier des frères encore en Algérie, mais le second en rang de naissance, Ernest Servel, se décide à les rejoindre en 1904. En 1891, alors âgé de seize ans, il habite toujours avec sa sœur Sylvie à La Motte-en-Champsaur. Au moment du recensement des jeunes gens de la classe 1894, il est jardinier, en Algérie, où il a probablement rejoint certains de ses frères et sœurs, auprès de leur tante Pauline Escalle, à Boufarik. Il fait son service militaire au 75e régiment d'infanterie du 16 novembre 1895 au 17 septembre 1898, puis, à l'issue de ces trois ans, il retourne en Algérie. En octobre 1898, son adresse est celle d'Henri Dupré, horticulteur-pépiniériste, à Boufarik, rue Kleber, qui épousera Pauline Escalle. En mai 1900, il habite désormais dans un quartier d'Alger, Bouzaréah, au Frais-Vallon, puis en août 1901, dans un autre quartier d'Alger, Mustapha, rue Clauzel. Sa fiche militaire porte la mention d'un travail d'homme d'équipe à la Compagnie P.L.M, du 25 janvier 1901 au 19 juillet 1904, probablement en Algérie. En cette année 1904, qui est celle de ses trente ans, il est le dernier des Servel à être resté en Algérie. Sa sœur aînée vit toujours à La Motte, ses trois autres sœurs sont religieuses à Nîmes, ses quatre frères vivent désormais aux États-Unis, autour de Temecula. C'est alors qu'il part pour les rejoindre. Après un passage à La Motte où il est arrivé en juillet 1904, toujours selon sa fiche matricule, il embarque au Havre sur La Bretagne, le 20 août 1904. Arrivé à New York le 28 août, il annonce son intention de rejoindre son frère Arthur en Californie où il arrive le 11 septembre. Il est qualifié de « gardener » (jardinier) dans les registres de l'immigration. Cependant, à la différence de ses frères qui resteront toujours dans la région de Temecula, dans le comté de Riverside, il préfère s'installer à Los Angeles. C'est là que le 21 février 1916 il dépose une « Declaration of intention » devant la District Court de Los Angeles pour devenir citoyen américain. Il est toujours jardinier et habite Hyde Park, une ville au sud de Los Angeles à laquelle elle sera intégrée en 1923. Il obtient la nationalité américaine le 19 décembre 1918. Il est accompagné par deux témoins, Leon Escallier, « banker » (banquier) et Clovis Escallier, « farmer » (fermier), à Los Angeles. Comme l'indique leur nom, ce sont des compatriotes champsaurins. Entre temps, le 12 septembre 1918, il s'est fait enregistrer lors de la vaste campagne de recensement des hommes mise en place aux États-Unis lors de la Première Guerre mondiale (« Draft Registration Cards  for World War I »). Il habite toujours Hyde Park. En revanche il se déclare comme « silo builder » (constructeur de silos) pour le compte de la Western Cement and Silo Company, installée à Los Angeles, 47 South Central Avenue. Il doit donner le nom du plus proche parent (« Nearest relative »). Il désigne son frère Leon, à Temecula, qui, comme on l'a vu, semble avoir été le chef de famille en émigration. C'est lui aussi qui déclarera le décès d'Ernest.

En 1929, il fait un voyage en France. C'est sûrement à ce moment-là qu'il règle définitivement la succession de ses  parents, probablement pour le compte de ses frères et sœurs et de son neveu Joseph Pérénon. En quatre ventes, les 25 septembre et 12 octobre 1929, il liquide le petit patrimoine laissé par ses parents à La Motte-en-Champsaur, dont la maison familiale. Il repart du Havre le 9 octobre 1929 et arrive à New York le 15 octobre 1929. Il habite toujours à Hyde Park, devenu un quartier de Los Angeles, au 3473 W 71st Street. À cette adresse, il existe toujours une maison construite en 1923, selon les sites d'agences immobilières américaines. D'une surface de 873 sq ft [81 m2], sur un terrain de 3 842 sq ft [357 m2], elle comporte trois pièces et deux salles de bains.

Maison d'Ernest Servel, à Los Angeles, 3473 W 71st Street (Hyde Park)

C'est toujours là qu'il habite en 1942, où son nom apparaît dans un annuaire de la ville. C'est probablement parce qu'il est malade qu'il va rejoindre son frère Leon, à Murietta. Le 17 janvier 1947, il entre au French Hospital, de Los Angeles où il se fait opérer le 6 février d'un « Carcinoma of rectum » (tumeur au rectum). Il décède quelques jours plus tard, le 12 février 1947, à soixante-douze ans. Son acte de décès, rédigé sur la déclaration de son frère Leon, le qualifie de « retired gardener » (jardinier retraité). Hormis l'unique mention de « silo builder » en 1918,  il aura été jardinier toute sa vie. Il est inhumé le 17 février au Inglewood Park Cemetery, un des principaux cimetières de Los Angeles qui se trouve à un kilomètre de chez lui, Une plaque rappelle son souvenir dans le Mausoleum of the Golden West. Il n'a pas souhaité être enterré auprès de ses frères au cimetière de Temecula. Il ne s'est jamais marié. De tous les frères Servel, il est le seul qui est cité dans l'avis de décès de son oncle par alliance Henri Dupré, en 1932, probablement parce qu'il est resté le plus longtemps en Algérie et qu'il a appris le métier de jardinier auprès de lui.

Plaque au Mausoleum of the Golden West (Sanctuary Of Rest/A/236)

En définitive, des neufs frères et sœurs Servel, sont issus seulement huit petits-enfants dont seulement deux, Joseph Pérénon (1895-1965) et Leona Servel (1918-2010) ont atteint l'âge adulte. À la génération suivante, une seule arrière-petite-fille, Henriette Pérénon, née en 1928, représente toute la descendance d'Auguste Servel et Léonie Escalle.

Le destin des enfants Servel illustre parfaitement les difficultés auxquelles faisaient face les habitants des campagnes des Hautes-Alpes à la fin du XIXe siècle. Par le jeu des successions, les patrimoines se divisaient. Si, dans le même temps, des mauvaises affaires, des revers de fortune, voire la maladie ou la mort, ne permettaient pas d'agrandir ce faible patrimoine de début de vie, la situation allait en empirant comme on l'a vu pour Auguste Servel et Léonie Escalle. Ils n'ont laissé qu'une maison et quelques parcelles à leur neuf enfants, moins que ce dont il disposait, mais ne possédait pas, au moment de leur mariage. D'autant qu'à la différence d'autres régions et d'autres couples, ils n'ont pas choisi d'adapter la taille de leur famille à leurs ressources, autrement dit, ils n'ont pas choisi de réguler les naissances. Ils se sont laissés porter par la fécondité naturelle qui fait naître quatorze enfants en dix-sept ans… Dans ces conditions, les frères et sœurs Servel n'avaient guère le choix. Ils devaient quitter leur village. Ils auraient pu émigrer vers Gap, Grenoble ou Marseille, comme beaucoup de leurs compatriotes. La présence d'une tante en Algérie a été une première opportunité pour la majorité d'entre eux. Ensuite, les garçons, probablement inspirés par l'exemple de nombreux Champsaurins, ont choisi les États-Unis en bénéficiant ainsi des réseaux de solidarités qui se créaient entre expatriés. Même si on ne fait que l'entrevoir, le rôle de Joseph Nicolas a probablement été important pour les frères Servel. Autant que l'on puisse en juger, les frères Servel, à des degrés différents, ont réussi dans leur patrie d'adoption où ils ont mené leur vie visiblement sans intention de retour. Contrairement à un mythe tenace qui veut que les Champsaurins émigrés aient choisi de revenir en France au moment de la Première Guerre mondiale pour défendre la mère-patrie, aucun des cinq frères n'a fait ce choix, préférant au contraire rester dans le pays qui les avait accueillis. La personnalité d'Alfred, le polyglotte, qualifié de « popular hero » dans une notice nécrologique, illustre ce que cette émigration permettait. Lorsqu'il dépose une demande de brevet en 1909, à peine âgé de vingt-cinq ans, on ne peut s'empêcher de penser que cela ne lui aurait pas été possible en France, lui qui n'avait fait aucune étude sérieuse, ni n'avait aucun appui au sein des bourgeoisies locales des Hautes-Alpes. S'il n'était pas mort accidentellement à trente-et-un ans, peut-être aurait-il eu une vie brillante dans le comté de Riverside.

Pourtant, malgré ce départ sans retour de La Motte-en-Champsaur, dans la première moitié des années 1890, avant même qu'ils aient atteint les vingt ans, les différents frères et sœurs ont gardé le modeste patrimoine indivis de leurs parents jusqu'à ce qu'ils se décident à le vendre en 1929, alors que chacun a déjà fait sa vie, soit en France, soit en Californie et que certains d'entre eux sont déjà décédés. Symbole d'un attachement au pays natal malgré la distance ? Difficulté matérielle pour se mettre d'accord entre eux et gérer la cession, à cause de l'éclatement de la famille ? En 1929, une page est définitivement tournée.

Lien vers la généalogie de Léonie Escalle, ép. Auguste Servel et de sa descendance : cliquez-ici.

Lien vers l'article consacré à sa sœur Pauline : Pauline Escalle (1849-1919), ép. Jean Pierre Bornaque et Henri Dupré, et sa descendance.