Le 4 octobre 1858, Hippolyte Escalle [56] meurt à La Motte-en-Champsaur, à l'âge de cinquante-quatre ans. Il laisse une veuve, Mélanie Robert, âgée de quarante-trois ans et quatre enfants, l'aîné et unique fils, Hippolyte [28], vingt ans, Malvina, seize ans, Léonie, onze ans et Pauline, neuf ans. Il laisse surtout une situation patrimoniale dégradée sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir. Cinq mois plus tard, la fille aînée, Malvina, se marie à Marseille. C'est son histoire et celle de sa descendance que nous allons dérouler dans cet article.
Malvina Escalle (1841-1872), épouse Casimir Salignon (1826-1883)
Marie Malvina Escalle est née à La Motte-en-Champsaur le 10 novembre 1841. La première question qui vient à l'esprit est de savoir d'où ses parents ont pris l'idée de lui donner ce prénom rare et surtout inhabituel dans ces régions. Une recherche dans la base des relevés de l'Association Généalogique des Hautes-Alpes montre qu'elle est la troisième fille à recevoir ce prénom dans le département, après Césarine Julie Malvina Dumas, en avril 1824, à Aspres-lès-Corps et Madeleine Adèle Malvina Audibert, en janvier 1836, à Orpierre. Par quel cheminement ce prénom, généralement associé au roman du même nom de Mme Cottin, paru en 1800, est-il arrivé jusqu'à La Motte-en-Champsaur en 1841 ? Question aujourd'hui sans réponse.
La deuxième (et ce n'est pas la dernière) question à propos de Malvina Escalle est la raison de cette union hâtive et loin du village natal. Avant de poser quelques hypothèses, revenons à ce mariage. Le 5 mars 1859, Malvina Escalle, dix-sept ans, épouse en la mairie de Marseille Casimir Salignon, de quinze ans son aîné. Si elle n'a probablement jamais quitté son village, à l'opposé, Casimir Salignon a déjà eu une vie bien remplie. Il est né à Nîmes le 7 juin 1826, fils de Barthélemy Salignon et Marie Lascour. Son père est un homme de la route. Il est tour à tour qualifié de voiturier, en 1826, lors de la naissance de son fils – il est d'ailleurs absent à ce moment-là –, facteur de diligences, en 1856, puis ancien conducteur de diligences, en 1859, toujours à Nîmes. Son fils a suivi sa voie en devenant aussi conducteur de diligences. On trouve une première mention en 1856, lorsqu'il se marie à Cannes avec Nathalie Bezaudun. Cette jeune fille de Volonne, dans les Alpes-de-Haute-Provence, née de parents inconnus en 1836, vit à Nice depuis 1851. Casimir Salignon vit aussi à Nice. Ils se marient à Cannes probablement pour que le mariage soit enregistré dans l'état civil français, car les deux époux sont de fait domiciliés à Nice qui est alors une possession du royaume de Piémont-Sardaigne. C'est d'ailleurs dans cette ville que Nathalie Bezaudun décède après un an et demi de mariage, le 2 juin 1858, sans avoir eu d'enfant. C'est donc un veuf récent qui épouse Malvina Escalle. Casimir Salignon habite alors à Marseille, au n° 32 du cours Belsunce où il est toujours conducteur de diligences. Le premier témoin, Jean Louis Gallissian, est une première clé pour comprendre ce mariage. La deuxième clé est qu'il n'a pas été fait de contrat de mariage.
Jean Louis Gallissian (1801-1867), dont nous avons déjà retracé la vie (cliquez-ici), est l'oncle par alliance de Malvina Escalle, par son épouse Virginie Escalle (1808-1879), sœur d'Hippolyte Escalle. De 1852 à 1866, il est responsable du bureau de Marseille des messageries Aubert père et fils, qui assurent les liaisons entre Marseille et Gap.
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Indicateur marseillais, 1859 |
Le point de départ était l'Hôtel des Deux-Pommes, au n° 32, cours Belsunce, adresse où s'est domicilié Casimir Salignon au moment de son mariage. En effet, en homme de la route, il est fort probable qu'il n'a alors pas de domicile fixe. Jean Louis Gallissian habite tout près, au 1, rue du Relais :
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Indicateur marseillais, 1859 |
Tout cela pour arriver à quelques hypothèses sur ce mariage. En 1859, Casimir Salignon est probablement conducteur de diligences pour les messageries Aubert et c'est Jean Louis Gallissian, le correspondant de ces mêmes messageries, et son épouse Virginie Escalle qui font le lien entre le veuf, qui souhaite probablement se marier et se fixer, et Malvina Escalle. Quant à elle, souhaite-elle se marier ? On ne sait pas et probablement que son avis ne compte guère. En effet, tout laisse à penser que sa mère souhaite la marier. Se retrouvant en charge de quatre enfants, dans une situation difficile, il n'est guère étonnant qu'elle ait alors cherché à caser la première fille en âge de convoler. Aurait-elle pu trouver un mari pour sa fille à La Motte-en-Champsaur ou dans un autre village voisin ? Probablement pas, car l'usage à l'époque est de doter les filles. Et visiblement, elle ne peut pas le faire comme le prouve l'absence de contrat de mariage. Cela explique alors qu'elle ait cherché un mari grâce à son réseau familial étendu et que « naturellement », un mariage à Marseille, loin de La Motte-en-Champsaur, a représenté une opportunité qu'il ne fallait pas manquer. C'est ainsi que je reconstitue les conditions du mariage. Un esprit plus romantique pourrait imaginer une histoire d'amour entre le conducteur de diligences et la jeune Malvina venue à Marseille rendre visite à ses oncle et tante et, que, de ce coup de foudre sous le soleil de Marseille, aurait résulté ce mariage loin du village natal. Pourquoi pas ? Cette hypothèse n'est d'ailleurs pas en contradiction avec la précédente. Joignant l'utile à l'agréable, la mère aurait alors trouvé une belle occasion de caser cette fille aînée, qu'elle n'aurait pas pu marier au village comme on l'a vu. Il faut enfin dire que la famille Escalle était une des familles notables du Champsaur, par sa position sociale, par ses alliances avec les familles Gauthier et Para, autres familles notables, respectivement au Noyer et à Chabottes. Un oncle de Malvina, Joseph Escalle, est alors libraire à Lons-le-Saunier et a épousé une petite-fille du botaniste Dominique Villars, un autre oncle, Auguste Escalle, venait de décéder à Gap, où il a été longtemps notaire et conseiller général. Enfin, sa tante Rose Escalle est alors l'épouse d'un cousin, Joseph Escalle, des Héritières, un des plus gros propriétaires fonciers de La Motte. Dans l'esprit du temps, le mariage de Malvina est clairement une mésalliance, rendue inévitable par le mauvais état de fortune de ses parents. Si mésalliance il doit y avoir, autant qu'elle ait lieu loin du village natal. Pour finir, le jour de ses noces, Malvine n'est pas accompagnée de sa mère qui a donné son consentement par un acte notarié devant Me Imbert, de Saint-Bonnet-en-Champsaur.
Après son mariage, Casimir Salignon abandonne le dur métier de conducteur de diligences et devient limonadier, ou cafetier, d'abord au n° 1, Grand Chemin de Rome, au moment de la naissance de leur première fille Marie Mélanie, le 30 mai 1860, morte le 10 juin, puis au 107, rue de Rome, où naissent leur deuxième et troisième filles, Marie Mélanie, le 18 mai 1861 et Clémence, le 23 décembre 1862. Nous savons qu'à cette adresse, Casimir Salignon est propriétaire de son fonds de commerce. En mars 1863, il le vend à un sieur « Escalle », pour la somme de 9 000 francs et celui-ci, quelques jours plus tard, le revend, pour la somme de 8 000 francs, à Picard et Chaix. Un litige sur cette vente, motivé par l'absence d'autorisation administrative d'exploiter ce café jusqu'au terme de la Saint-Michel 1868, a fait l'objet d'un jugement devant le tribunal de Marseille le 11 septembre 1863 (pour consulter ce jugement, cliquez-ici). Le sieur Escalle est peut-être son beau-frère Hippolyte Escalle qui a voulu lui rendre service en se prêtant à cette opération d'achat-revente. Ce peut être un autre cousin Escalle, comme Marius Escalle.
À partir de 1863 jusque en 1872, la vie de Casimir Salignon et de son épouse Malvina Escalle n'est connue que de façon lacunaire. Le 3 septembre 1872, deux employés de l'hôpital civil de Bône en Algérie se rendent à la mairie pour déclarer le décès, le matin du même jour, à trois heures, de Malvina Escale [sic], âgée de vingt-neuf ans, née à La Motte-en-Champsaur, fille d'Hippolyte et de Mélanie Robert « sans autres renseignements ». Autrement dit, au moment de son admission à l'hôpital, l'administration n'a eu aucune information ni sur son domicile, ni sur sa profession, ni non plus sur son statut marital. Seul son état civil est connu avec quelques erreurs sur l'orthographe de son nom de famille et son âge exact qui est alors de trente ans. Quant à Casimir Salignon, sa présence est encore attestée à Marseille le 5 juin 1863, lorsqu'il est témoin d'une naissance. Il est alors limonadier, 31, rue Montée-de-Lodi [rue Berlioz]. On le retrouve de façon certaine à Nice, en 1870, où il apparaît dans l'Annuaire des Alpes-Maritimes, comme brasseur ou limonadier, à la Brasserie de Strasbourg, 7, rue du Temple (1870-1872), puis maison Donati, rue du Temple [aujourd'hui, 1, rue de la Liberté] (1872-1879), dans les nouveaux quartiers de la ville, alors en plein développement près de la place Masséna. Lors du recensement de 1872, il est seul à cette adresse de la maison Donati, sans sa femme et ses filles, dans un ménage où l'on trouve aussi bien un cuisinier et sa femme, lui-même, et deux garçons de café d’origine italienne.
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Maison Donati, rue du Temple, sur un plan de Nice de 1872 |
Les recensements et les annuaires permettent d'affirmer de façon certaine qu'il a géré cette Brasserie de Strasbourg, entre 1870 et 1879, rue du Temple (voir note). En 1876, il y est aussi recensé seul, comme cafetier, toujours avec le cuisinier, qualifié de gérant, et quatre garçons de café. Sachant cela, cette information trouvée dans les inventaires des archives de Nice : « Demande de Salignon pour placer une tente et une enseigne, rue du Temple », en 1864 permet de penser qu'il s'agit de lui, revenu vivre dans cette ville dès cette année-là. Une mention dans une « réclame » de 1869, précisant : « bière brune importée à Nice par M. Salignon » renforce la conviction qu'il a quitté Marseille pour Nice vers 1863 ou 1864 pour s'y installer comme limonadier ou cafetier.
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Nice-Artistique, du 19 novembre 1881 |
Entre 1879 et 1883, il cède son fonds de commerce à Honoré Tordo, mais reste vivre dans cette maison Donati, où les annuaires le qualifient désormais de rentier.
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Maison Donati, 1, rue de la Liberté [anciennement rue du Temple], à l'angle du passage Émile Négrin |
En 1872, Casimir Salignon et Malvina Escalle ne vivent plus ensemble. Lui habite seul à Nice, alors que sa femme est désormais en Algérie, à Bône ou sa région. Depuis quand ? Là aussi, nous en sommes réduits à des hypothèses, mais tout nous laisse à penser qu'ils se sont séparés dès 1863 ou 1864, lorsque Casimir Salignon part pour Nice. En effet, leur deuxième fille survivante, Clémence, née en 1862, est décédée avant 1876, date à laquelle, lors du règlement de la succession de sa grand-mère Mélanie Robert, veuve Escalle, seule sa sœur Marie Salignon est appelée pour représenter leur mère. Or, on ne trouve pas le décès de Clémence ni à Marseille, ni à Nice, ce qui peut laisser penser que rapidement après la séparation, Malvina Escalle est partie pour l'Algérie avec ses deux filles et que Clémence y est décédée à une date inconnue que l'état souvent lacunaire de l'état civil algérien ne nous permet pas de trouver. Malvina y a peut-être retrouvé d'autres Champsaurins, car ils étaient aussi nombreux à partir pour l'Algérie.
Quant à Casimir Salignon, il est mort à Nice, le 12 décembre 1883, à son dernier domicile, au 25, rue d'Angleterre, l'âge de cinquante-sept ans. Un court avis de décès a paru dans la presse :
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Le Petit Niçois, du 13 décembre 1883 |
Marie Salignon (1861-1927), épouse Fernand Chardonnet (1858-1935)
Dans le premier Annuaire des Alpes maritimes, de 1870, qui cite Casimir Salignon, on trouve la mention à la même adresse, 7, rue du Temple, d'un photographe du nom de Chardonnet. Alors que Marie Salignon n'a que neuf ans, le lien entre les familles Salignon et Chardonnet est établi d'abord comme un lien de voisinage. Quelques quinze ans plus tard, quatre mois après le décès de Casimir Salignon, sa fille Marie épouse à Nice, le 15 avril 1884, Fernand Chardonnet, alors photographe à Vichy. Il faut retracer brièvement l'histoire des photographes Chardonnet père et fils pour comprendre ce mariage.
Le père, Jean Baptiste Chardonnet, est né à Rouvres-en-Plaine, en Côte-d'Or, en 1833, fils d'un manouvrier. Son premier métier est coiffeur qu'il exerce à Marseille en 1857, lorsqu'il se marie à Vidauban, dans le Var, où il s'installe ensuite. C'est dans ce village que naît Théodore Fernand Chardonnet le 4 septembre 1858. Ensuite toute la famille s'installe à Nice, rue Masséna où il exerce toujours son métier de coiffeur. Il a alors abandonné son prénom pour se faire appeler Ferdinand. Très vite, il profite du développement rapide de la photographie pour s'installer comme photographe, à Nice, rue du Temple, maison Vespa, en 1864, puis 7, rue du Temple, de 1868 à 1872, là ou vivait au même moment Casimir Salignon, et enfin, 9, quai Masséna de 1872 à 1877. Probablement pour s'adapter à sa clientèle qui aime faire des cures dans la station thermale de Vichy qui est alors en pleine expansion, il annonce la création d'une succursale de sa maison de Nice, à Vichy, où il s'installe boulevard Victoria.
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L'Avenir de Vichy, du 20 juin 1875 |
Il semble se partager entre les deux villes, en passant la saison d'été, à partir de mai, à Vichy, comme l'indique des annonces dans la presse. Le 7 mai 1876, dans L'Avenir de Vichy, il est obligé d'annoncer que, « vu ses nombreuses occupations à Nice, il ne pourra ouvrir son établissement de Vichy que dans la première quinzaine de mai. ». En octobre 1876, au moment de repartir pour Nice, il annonce qu'il transfèrera son atelier au 1er mai 1877 à la maison Wasmer, en face de la chapelle de l'Hôpital Civil, place Rosalie. La saison d'hiver 1876-1877 à Nice est probablement la dernière pour la famille Chardonnet qui s'installe définitivement à Vichy. En 1881, il y fait construire son habitation et son atelier au 7, rue Sornin (actuel musée Boucheix) au moment du percement de la rue. Il y transfère son atelier en mai 1881 (annonce dans Le Journal de Vichy, du 24 mai 1881).
Signe de sa réussite, il est aussi propriétaire du bâtiment du n° 5 de la rue qui abritait une brasserie qui sera vendue par la famille en 1898. Fait curieux, on apprend qu'en 1886, elle se dénommait Brasserie de Strasbourg ! Transformée, ce sera la Grande Brasserie de l'Alhambra, au style mauresque (voir ce message FB).
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Musée surréaliste François Boucheix, 7, rue Sornin, à Vichy (source : site du musée) |
Probablement dès qu'il est en âge de le faire, Fernand Chardonnet seconde son père Ferdinand comme photographe. Pourtant, malgré l'installation de la famille à Vichy dès 1877, loin de Nice, les liens se sont maintenus avec la famille Salignon. Peut-être que dans les années 1873-1877, Marie Salignon, encore toute jeune fille, est revenue d'Algérie pour vivre auprès de son père et a ainsi pu faire la connaissance de son futur mari, Fernand, de trois ans son aîné. Se retrouvant seule en décembre 1883, après le décès de son père, Marie Salignon épouse Fernand Chardonnet ce qui unit les deux familles en 1884. Ce mariage est célébré à Nice, mais, tout de suite après, Marie Salignon, devenue Mme Chardonnet, suit alors son mari à Vichy où naît leur premier fils, Gaston Jean Casimir, le 27 janvier 1885. Quelques mois plus tard, Fernand Chardonnet ouvre un atelier à Lyon, au 6, place Bellecour. Dans Lyon s'amuse, du 28 mars 1886, il publie un avis : « Le photographe F. Chardonnet a l'honneur de vous annoncer qu'à l'occasion de l'ouverture de son établissement photographique, 6, place Bellecour, rez-de-chaussée, il opérera le samedi 27 courant au profit des œuvres de bienfaisance. » Le journal Lyon s'amuse fera souvent l'éloge du photographe comme dans cet article du 7 avril 1887 sur l'art photographique à Lyon :
Notre attention est aujourd'hui frappée par celle d'un nouveau photographe, nous avons nommé Ferdinand Chardonnet de la place Bellecour. Cet établissement photographique qui faisait une brillante ouverture, il y a aujourd'hui un an, jouit déjà dans notre ville d'une grande et légitime réputation, on avait pu tout d'abord admirer dans ses montres de superbes albumines traitées de main de maître, puis vinrent de grandes et petites épreuves au charbon, noires et en couleurs, mais voilà qu'aujourd'hui tous ces procédés déjà anciens, connus de tous et mis en pratique par le photographe Chardonnet, depuis vingt-cinq années, dans ses maisons de Nice et Vichy, ont fait place à un genre nouveau qui l'emporte en art, en finesse et en solidité sur un tout ce qui était genre connu jusqu'à ce jour.
Ce procédé que M. Ferdinand Chardonnet est le seul à pratiquer à Lyon est connu sous le nom de photo-crayon, et les spécimens qu'il en a exposés dans ses montres, place Bellecour, 6, sont admirables et fort goûtés par tous ceux qui possèdent quelque sentiment artistique.
Notons que dans cet article, le prénom est celui du père, même si dans d'autres, le photographe Chardonnet est bien prénommé Fernand. Pendant six ans, Fernand Chardonnet et sa femme se partageront entre Lyon et Vichy, avec la saison d'hiver dans la première ville et l'été dans la station thermale, pour être auprès de la clientèle de curistes. C'est ainsi que le Journal de Vichy annonce le 10 avril 1887 : « Nous portons à la connaissance de nos lecteurs que le photographe F. Chardonnet est de retour à Vichy. » C'est pourquoi leur deuxième enfant, Suzanne, naît à Vichy, le 14 septembre 1887, mais décède quelques mois plus tard à Lyon, le 7 mars 1888. L'enfant suivante, Yvonne, naît aussi à Lyon, place Bellecour, le 29 décembre 1890, mais lorsqu'elle décède dans la même ville le 11 janvier 1892, son père est sur le point de céder son atelier à Jules Héron. C'est probablement pour cela qu'ils habitent non loin, 4, rue des Marronniers. Son avis de décès dans Le Progrès, de Lyon, la qualifie de photographe ! Notons qu'elle a été enterrée à Nice, probablement auprès de son grand-père Salignon.
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Le Progrès, du 12 janvier 1892 |
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Dos d'une photo au format carte de visite avec les adresses à Lyon et Vichy (source : blog Artplastoc) |
Le Journal de Vichy, du 15 mai 1892, annonce son retour à Vichy. Son père Ferdinand n'a jamais quitté la ville et quand son fils revient définitivement de Lyon pour la saison d'été, en 1892, il lui passe la main et se retire comme rentier. Dans cette annonce de mai 1892, c'est maintenant le fils qui fait sa publicité :
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Le Journal de Vichy, du 15 mai 1892 |
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Le Journal de Vichy, du 22 avril 1894 |
Le père Ferdinand se retire avec son épouse à Vichy, route de Creuzier où il décède le 6 juin 1899, à l'âge de soixante-six ans. Que de chemin parcouru pour le fils de manouvrier de Rouvres-sur-Plaine jusqu'à Vichy !
De son côté, après son retour à Vichy à l'été 1892, Fernand Chardonnet se tourne rapidement vers d'autres occupations professionnelles puisqu'il abandonne la photographie en 1896. Si l'on se fie aux annonces qu'il passe dans la presse locale, il cesse son activité en juin 1896 lorsqu'il fait pour la dernière fois de la publicité dans Le Moniteur de l'Allier, du 28 juin 1896.
Pour terminer sur les Chardonnet photographes, signalons cette annonce parue en mai 1885, pour un ouvrage de pratique professionnelle :
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Vichy journal, du 31 mai 1885 |
Nous n'avons trouvé aucune trace de cet ouvrage qui semble pourtant avoir paru, comme le laisser penser le Journal de Vichy, du 26 juin 1892 qui annonce « l’ouvrage à sensation que vient de publier [Fernand] Chardonnet, le peintre-photographe de la rue Sornin. » Sur les Chardonnet photographes, cet article de blog est une mine d'informations : cliquez-ici. Signalons pour finir sur ce sujet que la sœur de Fernand Chardonnet, Léonie (1864-1949), a épousé Gaston Rousseau, le fils du photographe Chéri-Rousseau de Saint-Étienne, lui-même photographe sous le nom de Gaston Chéri-Rousseau (1856-1927).
Fernand Chardonnet semble avoir été un homme actif. Mettant à profit son implantation locale et probablement la vaste clientèle qu'il s'est constitué, il fonde en mars 1894 une agence de ventes, locations, gérances, voyages et assurances, sous le nom de « L'Intermédiaire ». Cette annonce est une des premières parues :
Les activités de cette agence sont multiples. À l'origine, il s'agit d'une classique agence immobilière, même si l'expression n'existait pas à l'époque. Il est aussi agent général d'assurances-incendie pour la compagnie « L'Urbaine » en 1899, mais aussi agence de tourisme comme représentant des compagnies des wagons-lits et d'une société d'excursions. En 1910, de nombreuses publicités pour le chemin de fer de Clermont-Ferrand au sommet du Puy-de-Dôme renvoient les clients intéressés à son agence. Il est même agent de publicité, comme il l'annonce en juin 1897. C'est pour cela que la qualification la plus courante dans l'état civil ou les recensements est l'expression assez général d'agent d'affaires.
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Officiel-Vichy, du 24 juin 1897 |
Comme on le constate, en juin 1897, Fernand Chardonnet vit et travaille toujours dans la maison construite par son père au 7, rue Sornin. C'est à cette adresse qu'il est recensé avec sa famille en 1896, comme agent de publicité. À cette date, signe de leur réussite sociale, Fernand Chardonnet et son épouse Marie Salignon ont alors deux domestiques à leur service. Peu de temps après, probablement en fin 1897 ou tout début 1898, ils s'installent au 36, rue de Ballore [aujourd'hui rue Jean-Jaurès] à Vichy et Fernand Chardonnet ouvre des locaux pour son agence au 176, rue de Nîmes. Le 31 mars 1905, il crée avec M. Morel-Jouanet une société en nom collectif ayant pour but l’assurance contre le bris des glaces. Cette société ne semble pas avoir duré longtemps, ni avoir été très active.
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Vichy Thermal, du 8 janvier 1898 |
La presse de Vichy, aujourd'hui numérisée et accessible depuis Gallica, regorge de ces petits encarts publicitaires qui permettent de suivre l'activité de Fernand Chardonnet à travers le temps. C'est ainsi que l'on note le changement de nom pour une dénomination commerciale plus personnelle. Fini « L'Intermédiaire », ce sera désormais tout simplement l'« Agence Chardonnet », vers 1908, peut-être en lien avec le changement d'adresse cette année-là. En effet, après la rue Sornin, de 1894 à 1897, l'agence occupe le nouvel emplacement de la rue de Nîmes jusqu'en 1908, lorsqu'il revient rue Sornin, au n° 17 cette fois-ci. En février 1927, alors âgé de soixante-neuf ans, il cède cette agence à M. Paziaud, son premier employé, et ne garde que l'activité d'agent général de « L'Urbaine » qu'il continuera d'exercer depuis son domicile personnel de la rue Jean-Jaurès. La dernière mention de cette activité est en 1932. Par décision du 19 Juin 1929, le ministre du Travail lui accorde la médaille d'honneur des Syndicats professionnels, comme ancien président du syndicat des agents généraux d'assurances des arrondissements de Lapalisse et Gannat de 1910 à 1925, soit quinze ans de services syndicaux.
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Vichy Thermal, du 28 juin 1910 |
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Vichy, arts, mondanités, sports, du 3 septembre 1928 |
À partir de 1898, il publie toutes les années un Guide Annuaire de Vichy ou Annuaire de Vichy-Cusset qui sera poursuivi après son décès.
Tout cela ne devait pas suffire à son besoin d'activité, car il s'engage aussi dans la politique locale. Il se présente une première fois en 1896, sur une liste conduite par le Dr Champagnat. Un de ses adversaires fustige « M. Chardonnet, photographe, qui ne cache pas, et il fait bien puisque c’est sa manière de voir, ses opinions ultra-cléricales. » Il est pour la première fois élu conseiller municipal de Vichy, en 1900, sur la « Liste de concentration républicaine » ! Il siégera jusqu'en 1904. Huit ans plus tard, il est de nouveau élu lors des élections municipales des 5 et 12 mai 1912 et devient alors le premier adjoint du maire Armand Bernard. Il est membre de la commission des finances et des jeux et de la commission des fêtes. En 1912, il intervient dans le débat sur la construction du nouvel l'hôtel de ville en publiant une brochure de huit pages : Où doit-on construire le Nouvel Hôtel-de-Ville ? Au décès d'Armand Bernard, en novembre 1919, il fait fonction de maire de Vichy, jusqu'à l'installation de la nouvelle municipalité le 13 décembre 1919 dans laquelle il n'a pas été élu. Il ne briguera plus de mandat.
La violence des luttes politique locales n'est pas d'aujourd'hui. Cet article du 27 décembre 1900, du Petit Vichyssois, s'attaque violemment à Fernand Chardonnet qu'il surnomme « Monsieur le 23me ou M. Chardonnet Fernand dit Trompe-la-Mort » car il a été élu au conseil municipal en vingt-troisième position. Parmi les quelques amabilités, on peut relever celles-ci (lien vers l'article complet) :
L'ancien photographe pour petites femmes friandes de poses pornographiques, ne s’est donc jamais regardé dans une glace.
N’incarne-t-il pas Rodin avec un réalisme parfait ? Il en a, n’est-il pas vrai ? toute la cagoterie frileuse, la démarche hésitante et louche, et sa tête d’oiseau de proie n’est-elle pas la résultante du personnage qu’elle complète. N’a-t-il pas l'allure du Monsieur duquel on doit toujours se méfier ? Ses lèvres minces et sans vie ne sont-elles pas ainsi pour distiller le venin qu’il expectore ?
Certes, M. Chardonnet est trop pieux – ô le saint homme ! – trop intègre agent d’affaires pour tirer un bénéfice personnel de sa situation [de conseiller municipal].
Le même journal le traite de « calotin » et l'appelle « le grassouillet Chardonnet », en 1901. Quelques années plus tard, en 1912, Louis Lasteyras, ancien maire de Vichy de 1900 à 1912, poursuit Fernand Chardonnet de sa vindicte qui semble plus personnelle que politique, dans des articles parus dans Le Moniteur de l'Allier. Celui-ci, du 19 mai 1912, donne le ton : « Je n’ai donc à lui dire qu’une chose, c’est que s’il apporte au Conseil municipal des idées aussi fausses que celles qu’il a exposées dans son journal [La Vérité du Centre] et des chiffres aussi inexacts que ceux qu’il a publiés, il sera pour la Ville de Vichy un aussi piètre administrateur que celui dont il avait esquissé les lignes de 1900 à 1904. » Dans cet autre article du 7 décembre 1913, toujours dans le même journal, il revient sur le différend qui les oppose même si, dans le passé, ils ont eu de bonnes relations quand les bureaux du Moniteur de l'Allier, dirigé par L. Lasteyras se trouvaient en face des ateliers du photographe Chardonnet, rue Sornin :
Il y a quelque vingt ans, je n’étais pas en mauvais termes avec M. Chardonnet (Fernand) ; mais non, pas du tout ! Souventes fois, c’est sa main experte qui a découvert l’objectif devant ma bobine et son organe enchanteur qui m’a dit « – Ne bougeons plus ! » Depuis, vers 1896, je crois, c’est lui qui a bougé… et moi aussi. Alors, comme nous bougions tous les deux, nous nous sommes mutuellement envoyés faire fo… non : pho…tographier ailleurs. […] Tandis que M. Chardonnet (Fernand) et moi, nous ne nous sommes jamais présentés sur la même liste – et je ne pense pas que nous soyons prêts à le faire, n’est-ce pas, M. Fernand ? – ce qui nous donne le droit de nous dire mutuellement les choses les plus agréables, sans que personne puisse nous le reprocher.
Enfin, il est aussi président de la Société musicale de Vichy de 1898 à 1925. Il succède au Dr Champagnat dont on verra les liens qui uniront les deux familles. Parmi ses autres responsabilités, on peut noter secrétaire-adjoint du Syndicat d'initiative de Vichy (1927, 1928) et vice-président d'honneur du Syndicat des Commerçants et Industriels de Vichy (1928).
Depuis 1898, la famille Chardonnet habite au 36, rue de Ballore [rue Jean-Jaurès], au moins jusqu'en 1913. En 1920, on les retrouve au 65, rue Jean Jaurès où il possédait probablement une villa disparue depuis. Après le décès de son épouse en 1927, Fernand Chardonnet y est encore recensé en 1931 avec sa sœur Léonie, veuve Gaston Chéri-Rousseau.
Le dimanche 23 octobre 1927, Fernand Chardonnet et son épouse Marie Salignon sont victimes d'un accident. Vers 18 heures, une violente collision a lieu à l'angle de l'avenue Victoria et de la rue de l'Établissement thermal [aujourd'hui avenue Thermale], au carrefour de la Pastillerie, entre la voiture dans laquelle ils ont pris place, une 7 CV Salmson, conduite par leur gendre Silvio Ansaldi, et un autre véhicule, conduit par M. Ducroix, propriétaire de l'hôtel de Séville. Si l'on en croit les comptes rendus de la presse locale, tous les torts doivent être attribués à ce dernier même si un journal affirme que M. Ansaldi n'est pas dégagé de toute responsabilité. Si son gendre et son mari s'en tirent avec des contusions, Marie Salignon est grièvement blessée à la tête et à la poitrine. Elle est conduite à la clinique « La Pergola », 8, rue du Golf, comme son mari et une passante, blessée par la voiture qui a été projetée par la violence du choc. Marie Salignon décède le lendemain matin, à cinq heures. Elle a alors soixante-six ans. Ses obsèques qui ont eu lieu le mercredi 26 octobre auraient été suivies par plus de quatre mille personnes. Cet accident qui semble avoir marqué les esprits dans la ville a fait l'objet de nombreux articles, dont ceux-ci qui sont les plus circonstanciés : La Semaine de Cusset-Vichy, du 29 octobre 1927 et L'Avenir de Vichy, du 29 octobre 1927. Quelques semaines plus tard, le procès a lieu devant le tribunal correctionnel de Vichy, le 30 décembre 1927, se concluant par une condamnation du conducteur responsable à quinze jours de prison et à des dommages et intérêts, dont 40 000 francs pour les héritiers de Marie Salignon. (Le Journal de Vichy, du 1er janvier 1928 et du 8 janvier 1928).
Fernand Chardonnet survivra huit ans à son épouse. Il décède le 1er septembre 1935 à Vichy, 10, rue Roovère, où il habite alors, probablement toujours avec sa sœur Léonie Chardonnet, veuve Gaston Chéri-Rousseau. Cet article nécrologique nous rappelle que, s'il a alors abandonné toutes ses autres activités, il continue à se consacrer à son annuaire.
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Le Journal de Vichy, du 4 septembre 1935 |
Une assistance très nombreuse a participé à ses obsèques où étaient présents Albert Peyronnet, sénateur de l'Allier, Lucien Lamoureux, député, et Pierre-Victor Léger, maire de Vichy. Ce dernier, dans son discours, « tint à rendre un hommage particulier au défunt, dont les fonctions d’adjoint pendant la guerre avaient été particulièrement lourdes. »
Fernand Chardonnet et Marie Salignon ont eu six enfants, dont seulement trois ont atteint l'âge adulte :
- Gaston Jean Casimir, né à Vichy le 27 janvier 1885.
- Suzanne Marie Thérèse, née à Vichy le 14 septembre 1887 et morte à Lyon (IIe) le 7 mars 1888.
- Yvonne Léonie Thérèse, née à Lyon (IIe) le 29 décembre 1890 et morte à Lyon (IIe) le 11 janvier 1892.
- Andrée Jeanne Léonie, née à Vichy le 13 août 1893.
- Marcelle Marie Antoinette, née à Vichy le 8 mai 1895.
- Jeanne Louise Fernande, née à Vichy le 30 août 1898 et morte dans la même ville le 21 octobre 1899.
On remarquera que si le seul garçon porte les prénoms de ses grands-pères, aucune des cinq filles ne porte le prénom de leur grand-mère maternelle, Malvina, alors que la grand-mère paternelle, Thérèse, certes encore vivante, donne son prénom à ses deux premières petites-filles. Sans vouloir donner trop de signification à cette omission, on peut tout de même penser que Marie Salignon n'a pas jugé bon de rendre hommage à sa mère au moment de choisir un prénom à ses filles, ce qu'elle a fait en revanche pour son père avec son fils aîné.
Gaston Chardonnet est d'abord élève au collège de Cusset où en 1893 il fait partie des élèves les plus souvent nommés, puis du pensionnat Saint-Louis, à Saint-Étienne où il réussit les deux parties du baccalauréat en 1901 et 1902, dans la filière de l'enseignement moderne, lettres-mathématiques. Cependant, malgré cette réussite, il passe en 1903 celui de la filière classique comme le rapporte cet article :
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La Semaine de Cusset-Vichy, du 24 octobre 1903 |
Il s'engage dans des études de droit qui le mènent à la licence qu'il obtient devant la Faculté de Dijon, en juillet 1907. Il se destine d'abord à la carrière d'avocat. Le 12 janvier 1911, il prête le serment prescrit pour les avocats et commence à exercer à Vichy. Maintenant doté d'une situation professionnelle, il se marie en avril 1911 avec Marguerite Champagnat, la fille d'un médecin de Vichy dont nous avons déjà vu le nom. En effet, président de la Société musicale de Vichy, il est remplacé par Fernand Chardonnet, le père de Gaston, en 1898. Il a aussi accueilli Fernand Chardonnet sur la liste qu'il a constituée pour les élections municipales de 1896. Et surtout, preuve des liens existant entre les deux familles, après le décès du docteur Champagnat, en 1900, Fernand Chardonnet est nommé subrogé-tuteur de Marguerite Champagnat, alors âgée de quatorze ans, qui deviendra sa belle-fille onze ans plus tard. Le mariage a lieu à Bellerive-sur-Allier, où la future épouse vit avec sa mère, d'abord le 20 avril 1911 à la mairie puis le samedi 22 à l'église (lien vers un compte-rendu). Après les noces, le jeune ménage s'installe à Vichy, 2, rue Couturier. Tout en exerçant son métier d'avocat, Gaston Chardonnet poursuit ses études et devient docteur en droit, toujours devant la Faculté de Dijon, en 1913.
Gaston Chardonnet a été exempté du service militaire pour « faiblesse ». Lors de la Première Guerre mondiale, il est maintenu exempté par le conseil de révision de l’Allier du 4 décembre 1914. Il s'engage pourtant pour la durée de la guerre devant le chef de bataillon Rol, commandant le bureau de recrutement de Roanne, le 18 novembre 1916, comme secrétaire dans la 13e section de Commis et Ouvriers militaires d’administration, à Clermont-Ferrand. Il y fera tout le reste de la guerre jusqu'à sa démobilisation le 25 mai 1919. Cette guerre à l'arrière lui vaudra le qualificatif d'« embusqué » lors de campagnes électorales municipales de Vichy en 1929.
En 1926 et 1930, Gaston Chardonnet et Marguerite Champagnat habitent désormais 57, avenue de la Gare, à Vichy. En 1931, il change de métier, tout en restant un professionnel du droit. Après avoir réussi les examens requis en octobre 1930, il est nommé notaire à Cusset, en remplacement de M. Lacoste, démissionnaire en sa faveur, par décret du 3 février 1931. La famille déménage alors et va habiter au 34, cours Tracy, à Cusset. Ce sera leur adresse jusque vers 1961. Il est notaire à Cusset au moins jusqu'en 1954, où il est président de la chambre départementale des notaires de l'Allier. Il sera remplacé par son fils cadet Lucien. Toujours dans le domaine du droit, il devient suppléant du juge de Paix de Cusset, en décembre 1932. En 1961, devenu notaire honoraire, il revient vivre à Vichy, là où avait habité son père à la fin de sa vie et où il était décédé, au 10, rue Roovère. Il y est lui-même décédé le 3 août 1965, à quatre-vingts ans. Son épouse était morte depuis longtemps. Elle est décédée le 19 janvier 1948 à Vichy, 10, quai d'Allier, probablement à la clinique « La Pergola » qui se trouvait à cette adresse. Elle n'avait alors que soixante-et-un ans.
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La Montagne, du 20 janvier 1948 |
Dans la continuité de son père, Gaston Chardonnet s'est aussi engagé dans la politique locale. Il est élu conseiller municipal de Vichy, lors des élections de mai 1929 (maire : Pierre-Victor Léger). Puis, il se présente à nouveau en 1935, sur la liste du maire sortant Léger : « Liste de défense républicaine et d’action municipale et thermale ». Réélu, il devient deuxième adjoint au maire de Vichy en mai 1935, avec comme délégations : instruction publique, inspection médicale scolaire, orientation professionnelle, œuvres scolaires et postscolaires et service des eaux. Au moment de la Second Guerre mondiale, il est nommé adjoint au maire de Vichy, par arrêté du 14 mai 1941. Il est alors en captivité, mais sera de retour en octobre 1941. Il assurera cette fonction pendant toute la durée de la guerre, dans une ville où l'Occupation avait une signification particulière. Dans cette position délicate, dans une période troublée, son attitude et son action semblent ne pas avoir fait l'objet de critiques et encore moins de poursuites après la Libération. Parmi ses actions, il est souvent rappelé qu'il aurait sauvé de l’envoi à la fonte la statue d’Albert Ier, roi-soldat des Belges, en 1942. Il ne briguera plus de mandat municipal après la révocation du conseil municipal en août 1944. S'il ne s'est plus représenté, c'est peut-être qu'à soixante ans, il aspirait à une vie plus en retrait, après des années probablement difficiles.
Enfin, dans un domaine plus léger, il n'hésite pas en 1929 à écrire le texte d'une revue, sous le nom de Jean Darlier, avec la collaboration du musicien Elie, qui est donnée le 9 mars 1929 à l'Élysée-Palace, à Vichy, au profit des colonies scolaires de vacances. Le journal qui rapporte cela précise que ce n'est pas la première fois qu'il prend la plume pour ce type de travail. Cette même année 1929, il est secrétaire général de la Société amicale des Vichyssois et Vichyssoises de Vichy qui souhaite rassembler les natifs de Vichy parmi les habitants de la ville. Certes, Gaston Chardonnet est né à Vichy – il aurait pu naître à Lyon comme certaines de ses sœurs – , mais son enracinement vichyssois n'était guère ancien puisqu'aucun de ses ancêtres ne venait de cette région. Enfin, Gaston Chardonnet était un ami d'enfance d'Albert Londres, le journaliste et grand reporter, né à Vichy le 1er novembre 1884 (ils avaient seulement trois mois d'écart). Il existe aussi une lettre de lui à Valéry Larbaud, en 1932.
Gaston Chardonnet et Marguerite Champagnat ont eu deux fils, nés à Vichy :
- Roger Charles Fernand, né le 27 octobre 1912.
- Lucien Marie Philippe, né le 20 septembre 1920.
Roger Chardonnet est entré dans les ordres. Il a été élève de l'Institut catholique de Paris (mentions en 1933-1937). La presse rapporte sa première messe à la paroisse de Cusset le 4 avril 1937 (La Semaine de Vichy-Cusset et du Centre, du 10 avril 1937).
Première messe. — La première messe de M. l’Abbé Chardonnet a laissé à toute la paroisse de Cusset une impression profonde. C’est dimanche dernier qu’eut lieu cette émouvante cérémonie. Le jeune célébrant était assisté de ses amis du grand séminaire de Moulins qui s’acquittèrent avec la piété et l’exactitude la plus grande des fonctions liturgiques qui leur avaient été confiées. [...] Au Clergé paroissial s’étaient joints MM. les curés de St-Blaise et de St-Louis, de Vichy. M. le curé-doyen fut le président plein de charme, de piété et d’émotion de cette cérémonie.
Il est d'abord nommé vicaire à la cathédrale de Moulins, en 1937. On le retrouve directeur spirituel à l'école Saint-Dominique, de Vichy, en 1946, avant d'être nommé curé de Désertines, dans l'Allier, de 1951 à 1954, puis curé de la paroisse Saint-Hippolyte à Jaligny-sur-Besbre, toujours dans l'Allier, de 1954 jusqu'à son décès (1993). C'est alors qu'il est doyen de Désertines qu'il reçoit Mgr Georges Jacquin, évêque de Moulins, évêque de Moulins, de 1942 à 1956, comme nous le montre cette photo :
Andrée Chardonnet (1893-1970), épouse Silvio Ansaldi (1886-?)
Andrée Chardonnet se marie à Vichy le 4 février 1920 avec un Italien, Silvio Ansaldi, né à Rovato (province de Brescia, Lombardie), le 1er décembre 1886. En janvier 1908, lorsqu'il se marie pour la première fois à Paris, il est pâtissier et habite 13, rue du Montparnasse. Son épouse, Daria Boneri, une modiste aussi d'origine italienne, décède le 14 mai 1909 à l'hôpital Tenon, dans le 20e arrondissement. Ensuite, on ne sait rien de sa vie entre 1909 et 1920 où il se marie pour la seconde fois avec Andrée Chardonnet. Il est alors industriel, à Paris (15e), 62, rue de Javel. Derrière cette dénomination très générale, il faut comprendre qu'il a probablement déjà une activité de fabrication industrielle de biscuits et de pain. Après son mariage, il s'installe à Vichy, où il crée avec son épouse une biscuiterie qui vend ses produits sous la marque Ansaldi-Vichy qu'il annoncera régulièrement dans La Semaine de Cusset-Vichy, de mars 1921 à mars 1928. Ils sont installés à Vichy, 17, place du Champ de Foire [place Jean Épinat], où ils sont recensés en 1921 et 1926.
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La Semaine de Cusset, du 14 février 1925 |
Le 3 octobre 1927, il dépose la marque « La Biscotte de Vichy » fabriquée par leur entreprise « La Panification Moderne », située 17-18, place du Champ de Foire [place Jean Épinat]. Le 5 mai 1928, ils vendent le fonds de commerce de boulangerie qui en faisait partie, mais conservent celui de fabrique de biscuiterie et de pain de régime leur appartenant.
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Carte postale de la biscuiterie Ansaldi, sans date (vers 1930 ?) |
En 1929 et 1930, ils habitent chez le père d'Andrée Chardonnet, Fernand Chardonnet, veuf depuis 1927, à Vichy, 65, rue Jean Jaurès. C'est alors qu'il est naturalisé français par décret du 27 septembre 1930. On trouve encore son nom dans des annuaires de l'alimentation en 1935 et 1938 comme fabricant de pains pour régimes et biscottes, à Vichy, 12, rue Sornin. En novembre 1937, il achète une pâtisserie-confiserie, à Paris (7e), 63, rue de Grenelle où son activité est connue jusqu'en décembre 1954. Un article du Pâtissier moderne signale un événement chez lui pour la création d'une nouvelle friandise :
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Le Pâtissier moderne, de décembre 1954 |
Marcelle Chardonnet (1895-1966), épouse Georges Chêneau (1885-1961)
La fille cadette de Fernand Chardonnet et Marie Salignon, Marcelle Chardonnet, épouse Georges Chêneau à Vichy, le 16 décembre 1923. Né à Dax le 24 février 1885 où son père était à ce moment-là directeur des Thermes, celui-ci vit alors à la Bourboule où il est hôtelier. Quant à l'épouse, bien qu'officiellement domiciliée à Vichy, chez ses parents, au 65, rue Jean-Jaurès, elle réside elle-aussi dans la station thermale, au Grand-hôtel de Paris. C'est d'ailleurs là qu'ils vivront jusqu'en 1929, comme hôteliers, probablement comme gérants, car l'hôtel appartient alors à Frédéric Lequime, maire de La Bourboule de 1919 à 1922, qui a été témoin de leur mariage.
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Grand-Hôtel de Paris, boulevard Louis Choussy, La Bourboule |
En 1929, Georges Chêneau et son épouse Marcelle Chardonnet décident de devenir eux-mêmes propriétaires d'un hôtel. Le 29 décembre 1929, ils achètent l'Hôtel Friedland, à Paris (VIIIe), 35, avenue de Friedland dont ils prennent possession dès le 1er janvier 1930. Ils ont probablement dû s'endetter fortement car ils sont mis en liquidation judiciaire le 6 février 1934, mais ils trouvent un accord avec leurs créanciers grâce à un concordat homologué le 24 octobre 1934. Pour cela, Fernand Chardonnet, Gaston Chardonnet et Léonie Chéri-Rousseau, respectivement le père, le frère et la tante de Marcelle renoncent à réclamer toutes sommes devant leur revenir tant que les autres créanciers n'auront pas reçu l'intégralité des sommes promises. Cette solidarité familiale a probablement suffi pour permettre de continuer l'exploitation, puisqu'ils tiennent encore cet hôtel en 1936.
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Hôtel Friedland, 35, avenue de Friedland, Paris (VIIIe) |
Cependant, peut-être à la suite de la guerre ou de difficultés récurrentes dans la gestion de cet hôtel, Georges Chêneau et son épouse s'installent à Montlouis-sur-Loire où ils exploitent de 1942 à 1948 l'Hôtel des Voyageurs, 3, quai Albert Baillet, au lieu-dit Le Bas Rocher.
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Hôtel des Voyageurs, à Montlouis-sur-Loire (devenu l'auberge Beau Rivage et aujourd'hui fermée) |
En 1948, ils reviennent s'installer à Paris (XVIIIe), 55, rue Marcadet, où ils exploitent une gérance de confiserie (en lien avec leur beau-frère Silvio Ansaldi ?). C'est là que Georges Chêneau décède le 9 avril 1961 à l'âge de soixante-seize ans. Il est alors dit sans profession. Il a été nommé chevalier de la Légion d'honneur, par décret du 20 décembre 1950, en qualité de capitaine interprète militaire de réserve (rayé des cadres). Il parlait anglais depuis le séjour qu'il avait fait à Londres où il vivait lors du recensement militaire de 1905. Il est alors qualifié de négociant à Londres, 27, Thurlow Road, canton de Hampstead N. W. Parler anglais, et peut-être d'autres langues étrangères, était déjà un atout pour quelqu'un qui se destinait à la carrière d'hôtelier dans des villes recevant de la clientèle étrangère comme La Bourboule ou Paris. Bien qu'exempté du service militaire en 1907 pour « hypertrophie du cœur », il s'est engagé le 11 septembre 1914, au début de la Première Guerre mondiale, à la mairie du XVIIIe arr. de Paris, comme interprète. C'est à ce titre qu'il a fait la guerre puis, après son passage dans la réserve, a été décoré de la Légion d'honneur. Dans le dossier de nomination, l'enquête menée par la brigade de gendarmerie de Saint-Pierre-des-Corps conclut : « Sa conduite, sa moralité et son honorabilité sont parfaites. »
Georges Chêneau et Marcelle Chardonnet n'ont eu qu'une fille, Simone, née à Nice le 28 novembre 1924. Mariée à un ingénieur, de l'École des Arts et Métiers, Jacques Tautant (1916-1973), Simone Chêneau a ensuite habité Royan où sa mère, Marcelle Chardonnet, est venue la rejoindre après le décès de son mari. Elle y est décédée le 2 janvier 1966, à soixante-dix ans. Quant à Jacques Tautant et Simone Chênau, nous ne savons pas s'ils ont a eu une descendance.
Lien vers la généalogie de Malvina Escalle, ép. Casimir Salignon et de sa descendance : cliquez-ici.
Note
L'identification précise de l'immeuble où se trouvait la Brasserie de Strasbourg de Casimir Salignon et son domicile illustre bien la difficulté d'arriver à faire correspondre l'adresse actuelle avec les adresses fournies par les différentes sources (état civil, recensements, annuaires), à la suite du changement de nom de la rue et, éventuellement, du changement du système de numérotation.
- Annuaire des Alpes-Maritimes, de 1870, 1871 et 1872 : Salignon, Brasserie de Strasbourg, rue du Temple, 7. À la même adresse et aux mêmes dates, se trouve le photographe Ferdinand Chardonnet.
- Annuaire des Alpes-Maritimes, de 1873, 1874, 1875 : Salignon, Casimir, rue du Temple, Café-Brasserie.
- Annuaire des Alpes-Maritimes, de 1877 : Salignon, brasserie, r. du Temple, maison Donati. Dans le même annuaire, à la rubrique « Brasseries et entrepôts de bières », on trouve : Salignon, rue du Temple, 6.
- Annuaire des Alpes-Maritimes, de 1879 : Salignon, C., brasserie de Strasbourg, rue du Temple, 1. Dans le même annuaire, à la rubrique « Brasseries » : Brasserie de Strasbourg, Salignon, C, rue du Temple, 3.
- Annuaire des Alpes-Maritimes, de 1884 : à la rubrique « Brasseries » : Strasbourg (de), Tordo, Honoré, rue du Temple, 1. Il s'agit du successeur de Casimir Salignon. Dans la liste des habitants, on trouve : Salignon, Casimir, rentier, rue du Temple, 1.
Lors du règlement judiciaire de la succession de Mélanie Robert, veuve Escalle, décédée en 1876, son adresse est : Casimir Salignon, limonadier à la brasserie de Strasbourg, domicilié à Nice, rue du Temple, maison Donati. En 1872, il est recensé dans la première maison de la rue dans laquelle se trouve un certain Pierre Donati, d'origine autrichienne et propriétaire.
Une recherche dans le cadastre accessible sur le site des archives départementales des Alpes-Maritimes permet d'identifier le bâtiment que possède Pierre Donati-Seasseau dans la rue du Temple en 1871. C'est la parcelle 42 de la section VII-D La Buffa. C'est maintenant la parcelle 52, de la section KT de Nice, qui correspond aujourd'hui au 1, rue de la Liberté. C'est le bâtiment que nous avons surligné en orange sur le plan de Nice en 1872. En revanche, ce 1, rue de la Liberté n'est probablement pas le 7, rue du Temple où Casimir Salignon et Ferdinand Chardonnet vivaient en 1870-1872 selon les annuaires. En effet, l'information portée au dos des photos de Ferdinand Chardonnet : « Rue du Temple 7 - Près la Place Grimaldi » n'est pas cohérente avec cette identification car le 1, rue de la Liberté est plus proche de la place Masséna, que de la place Grimaldi. De même, cette autre indication, toujours au dos des photos de Ferdinand Chardonnet : « rue Masséna, 24 & rue du Temple, 7 » semble plutôt faire pencher pour une identification du 7, rue du Temple comme étant l'actuel 17, rue de la Liberté, si la numérotation de la rue Masséna n'a pas changé. Une hypothèse pour rendre de la cohérence entre ces informations en apparence contradictoires est qu'effectivement, les familles Salignon et Chardonnet vivaient dans un immeuble de la rue du Temple proche de la place Grimaldi en 1870-1872, qui portait le n° 7, puis que Casimir Salignon et la Brasserie de Strasbourg ont déménagé vers 1872 à la maison Donati, au 1, rue du Temple, devenue le 1, rue de la Liberté.
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