mardi 10 septembre 2024

Joseph Quiney (1872-1936), notaire à Albens et Voiron

Joseph Quiney (1872-1936)

De tous nos arrière-grands-pères, Joseph Quiney est celui qui semble avoir eu la vie la plus régulière, sans aspérités, ni faits remarquables, de ces vies dont on peut penser, de l'extérieur, qu'elles se sont déroulées comme un long fleuve tranquille. Comme on le verra, ce fut un professionnel consciencieux et engagé dans son métier de notaire, dont la compétence a été unanimement reconnue.

Lycée de Tournon (lycée Gabriel Faure), où est né Joseph Quiney

Joseph Quiney est né à Tournon, dans l'Ardèche, le 6 avril 1872, dans les locaux du lycée où étaient logés ses parents. Ses prénoms complets sont presque une généalogie : Joseph Henri Charles Joachim. Le second prénom est celui de son père, le troisième, celui de son grand-père paternel, et le dernier, celui de son grand-père maternel. Son père, Henry Quiney [20] (1827-1889), originaire de Provins en Seine-et-Marne, était économe de lycée. Son affectation au lycée de Chambéry de 1863 à 1869 lui a permis de se marier avec Anne-Marie Favier [21] (1838-1923), une jeune fille de la bourgeoisie chambérienne. Joseph Quiney aurait très bien pu naître à Chambéry, comme ses sœurs, mais la mutation de son père à Tournon en 1869 en a décidé autrement. À quelques mois près, il aurait aussi pu naître à Toulon qui fut l'affectation suivante de son père cette même année 1872. Les premières années de sa vie se dérouleront au gré des différents postes de son père : Toulon (1872-1875), Le Havre (1875-1880), et enfin Montpellier (1880-1888). Il effectuera son parcours scolaire dans ces différents lycées. En mai 1888, la famille revient s'installer à Chambéry car Henry Quiney a demandé un congé d'inactivité, avant de liquider sa retraite en août de la même année. Ils s'installent dans un immeuble de la place Caffe, la maison Bovagnet, au n° 43.

Parmi les rares témoignages matériels de cette famille, je possède deux volumes modestement reliés qui contiennent un choix assez composite de textes français et étrangers qui ont servi de livre scolaire à Joseph Quiney pour sa dernière année de scolarité, en 1888-1889, au lycée de Chambéry :




Moins d'un an après le retour à Chambéry, Henry Quiney meurt le 12 mai 1889 à son domicile, à l'âge de 61 ans. Il laisse une veuve, encore jeune (50 ans) et trois enfants : Laure, 24 ans, Antonie, 22 ans, et Joseph, 17 ans. Celui-ci termine ses études au lycée de Chambéry et dès novembre 1889, il s'engage dans la voie qu'il a choisie, le notariat. À cette époque, il n'était pas nécessaire de faire d'études particulières pour être notaire. Il fallait rejoindre une étude notariale qui acceptait de faire faire un stage de six ans au terme duquel la chambre des notaires évaluait la compétence et les connaissances acquises de l'aspirant-notaire et, après cet examen, lui délivrait un certificat de capacité. Comme on le voit, il était déterminant pour un jeune homme qui voulait s'engager dans cette voie de disposer d'un réseau familial suffisamment implanté pour qu'un notaire accepte de prendre un jeune, sans aucune compétence, pour le former. Joseph Quiney en bénéficiait. Son grand-père maternel, Joachim Favier, était greffier du tribunal de commerce de Chambéry. Son oncle, Joseph Favier, était banquier dans la même ville, sa tante par alliance, Jeanne Pollingue, ép. Favier, était la fille d'un avocat. Tout cela a dû aider pour qu'en novembre 1889, il rejoigne l'étude de Me Léopold Ponet. Il a 17 ans et demi et va faire tout son stage notarial dans la même étude. En 1892, il est appelé par la conscription militaire, mais est dispensé de service militaire comme fils unique de veuve. Pendant toutes ces années, il a continué à vivre avec sa mère et ses sœurs dans l'appartement de la place Caffe.

En 1897, muni de son certificat de capacité et ayant dépassé l'âge de vingt-cinq ans, il peut songer à devenir propriétaire d'une étude, en achetant une charge comme l'on disait. Pour cela, outre qu'il fallait qu'une occasion se présente, il devait disposer de fonds conséquents. En effet, quelques mois plus tard, il se rend acquéreur de l'étude de Me Félix Canet, à Albens, pour la somme de 35 000 francs, à laquelle il faut ajouter un cautionnement de 1 800 francs à déposer auprès du Trésor public. Pour donner un ordre d'idée, ce coût d'acquisition représente entre quinze et vingt fois le salaire annuel d'un instituteur, sept fois la pension annuelle de retraite de son père ou plus de vingt fois la pension de réversion de sa mère. La dernière formalité à accomplir est sa nomination par un décret ministériel du 4 avril 1898, suivie de sa prestation de serment devant le tribunal civil de Chambéry. En avril 1898, le mois de ses 26 ans, il devient notaire à Albens, une bourgade de 1 700 habitants, chef-lieu de canton, sur la route qui relie Aix-les-Bains à Annecy. Il y passera vingt-quatre ans. Il ne s'y installe pas seul. Sa mère et sa sœur Laure quittent leur appartement de Chambéry et viennent vivre avec leur fils et frère à Albens. Elles y vivront sept ans jusqu'à ce que Joseph Quiney décide de se marier.

Albens (Savoie)

Comment a-t-il rencontré Nelly Bardin, qui vivait alors à Voiron, à plus de 70 km d'Albens. Il ne semble pas qu'un lien existait entre la famille Bardin et la famille Favier qui pourrait expliquer que l'on ait rapproché les deux jeunes gens. C'est probablement cette petite phrase dans leur contrat de mariage qui peut nous donner une piste : Joseph Quiney avait une créance « sur une personne bien connue des parties ». Autrement dit, peut-être que des relations d'affaire entre la famille Bardin et le notaire Joseph Quiney aurait pu être le premier contact entre eux. Il faut savoir que Marc Bardin, le père de Nelly Bardin, était marchand de domaines (ou de biens). À ce titre, il connaissait beaucoup de notaires et peut-être avait-il eu à faire avec le notaire Joseph Quiney. Toujours est-il que Joseph Quiney et Nelly Bardin se marient à Voiron le 1er décembre 1905, âgés respectivement de 33 et 23 ans. Le même jour la sœur cadette de Nelly, Marthe, épouse Jules Bret. Ce mariage a conduit à quelques modifications dans l'organisation de la famille. Tandis que le jeune couple s'installe à Albens, la mère et la sœur de Joseph Quiney retournent vivre à Chambéry, au 12, rue Saint-Antoine où Anne-Marie Favier, veuve Quiney est morte le 16 janvier 1923 à 84 ans (l'immeuble n'existe plus, il a été détruit lors du bombardement de Chambéry en 1944).

Joseph Quiney et Nelly Bardin, au début de l'année 1907 (portraits extraits d'une photo de groupe de la famille Bardin, prise au Plantier, à Voiron)

C'est à Albens que sont nés les quatre enfants du couple :

  • Anne-Marie, le 7 octobre 1906.
  • Henry, le 13 août 1908.
  • Yvonne, le 15 septembre 1909.
  • Marie-Antoinette, le 24 janvier 1912.

Joseph Quiney et Nelly Bardin voulaient probablement se rapprocher de la famille de Nelly, à Voiron. Peut-être qu'aussi, Joseph Quiney aspirait à gérer une étude plus importante. Lorsque l'occasion se présente, il achète l'étude de Me Tastu et, par décret du 12 octobre 1912, il est nommé notaire à Voiron. Il a revendu son étude d'Albens 35 000 francs, autrement dit le prix auquel il l'avait achetée. Celle de Voiron lui a coûté 100 000 francs, ce qui veut dire qu'en termes d'activité, elle est trois fois plus importante que celle d'Albens.

La famille s'installe à Voiron, au 2, rue Montgolfier, dans un immeuble qui existe encore.

Sur cette photo de tante Nénette (Marie-Antoinette Quiney) et oncle Paul (Paul Cornillon) prise le jour de leur mariage (19 avril 1941), l'appartement de la rue Montgolfier se trouve derrière eux. Ils sont sur les marches de l'église Saint-Bruno, à Voiron.


De son installation en 1912, jusqu'à son décès en 1936, il n'y a quasiment rien à dire. Il s'est exclusivement concentré sur son métier de notaire, ce qui fait que son nom n'apparaît pas en dehors de cette activité. Vers la fin de sa vie, il s'engage au sein de la Chambre de discipline des notaires de Grenoble dont il devient président en 1933,. Selon Me Silvy, dans une allocution prononcée après le décès de Joseph Quiney, il a fallu pour cela « vaincre sa modestie ». Ce discours mérite d'ailleurs d'être cité, tant, nous semble-t-il, il trace un portrait fidèle de notre arrière-grand-père :

D'une dignité de vie exemplaire, Me Quiney a accompli, pendant 38 ans, sa tâche journalière, scrupuleusement, lui-même, et sans bruit, faisant preuve, à chaque instant, d'une capacité de travail considérable, d'une compétence, d'une autorité et d'une conscience professionnelle indiscutables.

Avec cela, courtois et serviable, prêt à aider d'un conseil précis et sûr, il dédaignait les mesquines question d'intérêt, et se montrait toujours le plus cordial confrère.

Longtemps membre de la Chambre [des notaires], il fallut vaincre sa modestie pour le décider, en 1933, à accepter la présidence.

Vous savez tous avec quelle distinction, quelle autorité et quelle bienveillance, il a accompli ses fonctions parfois difficiles.

Aussi l'avions nous élu membre de la Commission Supérieure de Contrôle, où il s'est montré plein de tact et de dévouement.

En effet, bien que malade, il a poursuivi sa tâche presque jusqu'à la fin. Le 21 septembre 1936, il vend son étude de notaire de Voiron à Me Vittoz, de Coublevie. Moins d'un mois plus tard, le 17 octobre, il décède d'un cancer du côlon. Il a alors 64 ans. Ses funérailles ont lieu à Voiron le 19 octobre. Il est ensuite inhumé dans le caveau de la famille Quiney, à Chambéry.

Tombe de la famille Quiney, à Chambéry

Son remplaçant, Me Vittoz, n'est nommé que le 1er décembre 1936. Pendant l'intérim, l'étude est gérée par Me Ponsard, notaire à Voreppe. Dans le journal local, Le Petit Voironnais, un article retrace sa vie. On y retrouve quelques traits de personnalité relevés par son confrère Me Silvy, dans des termes parfois plus dithyrambiques : la capacité de travail est « prodigieuse » alors qu'elle ne sera plus que « considérable » dans la bouche de Me Silvy.

Le Petit Voironnais, du 25 octobre 1936

Lien vers le discours de Me Silvy, notaire à Grenoble, en ouverture de l'assemblée des notaires de la circonscription judiciaire de Grenoble, le 10 novembre 1936 : cliquez-ici

Faire-part de décès dans Le Petit Dauphinois, du 18 octobre 1936

Sa veuve, Nelly Bardin, a continué à habiter au 2, rue Montgolfier, puis a déménagé au 10, rue Sermorens, toujours à Voiron, où elle a vécu avec sa fille Yvonne, jusqu'à son décès, le 5 janvier 1962, à l'âge de 79 ans. C'est l'appartement de tante Yvonne que certains d'entre nous ont connu.

En 1931, Joseph Quiney et Nelly Bardin fêtent leurs 25 ans de mariage. La photo prise à cette occasion permet de les voir entourés de leurs enfants et des très nombreux frère, sœurs, beaux-frères et belle-sœur, neveux et nièces de Nelly Bardin. De son côté, Joseph Quiney n'est accompagné que de sa sœur Laure Quiney. Il porte sur ses genoux son premier petit-fils Bernard Barféty.


La photo suivante, non datée, mais probablement de 1932-1933 permet de voir Joseph Quiney et Nelly Bardin entourés de trois de leurs quatre enfants. Elle a été prise lors d'une visite à la famille Courteaud, de Vizille, des cousins de Nelly Bardin du côté Froment (Rose Munier est une cousine germaine de Nelly Bardin).

De gauche à droite : Juliette Courteaud (1916-1971), Joseph Quiney, un fils Courteaud (Pierre ?), Nelly Bardin, Yvonne Quiney, Henry Quiney, Rose Munier (1880-1958), Marie-Antoinette '"Nénette" Quiney, Joseph Courteaud (1872-1947)

Nelly Bardin (1882-1962)


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